Le feu vert, hier, des sénateurs à l'apprentissage des sans-papiers est une excellente nouvelle. La victoire, de justesse, couronne le patient travail de tous les militants et élus qui ont permis d'obtenir de l'un des pays les plus restrictifs en matière d'immigration une décision progressiste.
Lausanne et Genève voient leur lobbying courageux récompensé. En annonçant leur intention d'engager des apprentis clandestins, ces municipalités avaient opportunément suscité le débat. A l'inverse, les politiciens qui les ont attaquées en se drapant dans la valeureuse défense de la légalité ressortent peu grandis. Le vote d'hier rappelle à ces légalistes obtus que c'est en bousculant les lois injustes qu'on peut espérer les changer.
En permettant à tous les mineurs, clandestins compris, de suivre un apprentissage en entreprise, le parlement suit les pas du conseiller d'Etat genevois Dominique Föllmi. Il y a vingt ans, il avait accompagné une fillette sans-papiers à l'école, ouvrant un peu partout en Suisse la scolarité obligatoire à tous, sans distinction de statut.
Par respect de la Convention internationale des droits de l'enfant, il est intolérable de priver ces jeunes de formation –qu'ils doivent, une fois adultes, quitter la Suisse ne soustrait pas cette dernière à son obligation de leur offrir un cadre pour qu'ils apprennent un métier. Par sa décision, le parlement met fin à une politique qui punit les enfants en raison du destin de leurs parents. Cette discrimination entre ados avec ou sans permis de séjour est d'autant plus injuste qu'elle se double d'une ségrégation entre les clandestins pouvant poursuivre dans la voie universitaire et les autres.
C'est sur le plan des valeurs que la victoire doit être saluée. Mais c'est probablement l'argument économique qui a fait pencher la balance. Car bien des secteurs manquent de main-d'oeuvre et des voix influentes, parmi les patrons, ont souligné que la Suisse se pénalisait en empêchant ces jeunes, souvent très motivés, de travailler. L'argument sécuritaire a lui aussi dû trouver des oreilles attentives: pourquoi forcer ces ados à zoner dans la rue alors qu'une place d'apprentissage est la meilleure forme d'intégration?
Après l'heureuse régularisation des Selimi, la nouvelle d'hier prend une dimension supérieure. Car elle mettra fin à une injustice collective, tandis que le sésame offert à cette famille de clandestins installée à Carouge a été brandi comme une justification de la politique très restrictive des régularisations au cas par cas.
Alors que l'économie exploite le travail des clandestins, le combat en faveur de leur régularisation collective reste la priorité, indépendamment de la réparation de l'injustice à l'égard de leurs enfants.
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