Les moutons noirs ont tout écrasé sur leur passage. Hier, l'UDC a remporté un succès éclatant en faisant passer en votation son initiative populaire «Pour le renvoi des criminels étrangers» par 52,9% des voix.
Quinze cantons et cinq demi-cantons ont suivi la droite nationaliste. Le camp du «non» enlève à peine quelques bastions en Suisse occidentale: Genève, Vaud (58,2% de refus), Fribourg (51,4%), Neuchâtel, Jura et Bâle-Ville. La barrière de rösti aurait-elle ressuscité? Pas tout à fait: le Valais dit oui au texte de l'UDC, à 51,8%.
L'original, pas la copie
Quant au Conseil fédéral et à la majorité du parlement, ils ont perdu leur pari. Ils opposaient un contre-projet à l'initiative UDC. Mais leur texte, qui se targuait de respecter la Constitution et le droit international, a fait un bide: il est rejeté à 54,2% des votants. Pire, il ne passe la rampe dans aucun canton! Le peuple a donc préféré l'original à la copie. «Les Suisses ont compris qu'ils n'avaient pas affaire à un contre-projet, mais à un projet contre l'UDC», analyse le vice-président de l'UDC suisse, Yvan Perrin.Seul contre tous les autres partis, contre les cantons et les autorités judiciaires, qui affirmaient que son initiative était qui inutile, qui inapplicable, le parti de Blocher a imposé ses solutions. Une année après sa victoire sur l'interdiction des minarets, il se profile ainsi en leader sur les questions de sécurité et d'immigration.
«C'est un tournant»
«C'est un tournant, confirme le politologue Oscar Mazzoleni, spécialiste de l'UDC. Depuis une année, le parti est en effet non seulement capable d'imposer le calendrier politique au travers des votations, mais il parvient désormais aussi à imposer son opinion.» Trois raisons à cela, estime l'expert: d'une part, l'UDC bénéficie d'un trésor de guerre se chiffrant en millions de francs lui permettant de marteler son message provocateur. D'autre part, sa stratégie et son organisation sur le terrain sont très bien rodées. Enfin, ajoute Oscar Mazzoleni, «l'UDC profite de la faiblesse de ses adversaires, en moyens financiers et dans les messages».La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a dit hier prendre au sérieux «les peurs et l'insécurité» exprimées dans les urnes. «Nous payons le fait de ne pas avoir résolu le problème de l'exécution des renvois, ce qui a donné à la population le sentiment que des criminels étrangers profitaient d'une certaine impunité», analyse pour sa part Christian Levrat, président du PS. «Le drame, c'est que l'initiative UDC ne résoudra rien.»
Objectif: les élections
«Les Suisses ont avant tout dit oui à l'expulsion des criminels étrangers, relativise Fulvio Pelli, président du Parti libéral-radical suisse. L'UDC est spécialiste pour poser les bonnes questions de manière simple. Elle est moins bonne quand il s'agit d'apporter les bonnes réponses.» Et le débat qui va s'engager sur l'application de l'initiative va le montrer, prédit le Tessinois.Galvanisée par son succès, l'UDC n'en restera pas là. Elle cherche déjà le sujet porteur pour lancer une nouvelle initiative populaire l'été prochain qui lui serve de rampe de lancement pour les élections fédérales d'octobre 2011. Sur l'immigration, le parti a tiré ses cartouches. Il pourrait se rabattre sur la sécurité, en exigeant un durcissement du Code pénal, glisse Luzi Stamm (udc/AG). Face à ce rouleau compresseur, conclut Oscar Mazzoleni, ses rivaux n'auront pas le choix: soit ils emploient les mêmes moyens (finances et communication) que l'UDC, soit ils vont au-devant d'autres défaites.
Serge Gumy dans la Liberté
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