Au nom des Accords de Dublin, le statut de réfugié politique est refusé à un militant de gauche turc qui craint incarcération et torture.
Une pétition lancée par la Maison populaire de Genève demande la libération de Monsieur Y., requérant d'asile turc détenu au centre de Frambois. Risquant l'expulsion forcée, il fait la grève de la faim depuis huit jours. Selon Nadine Mudry, secrétaire adjointe au Département de la sécurité, de la police et de l'environnement, «il reçoit le suivi médical requis par la procédure». M. Y. a déposé une demande d'asile en mars dernier. L'Office fédéral des migration a pris la décision de non-entrée en matière en juin. Contrairement à ce qu'affirment les pétitionnaires, Henri Rothen, chef du service de la population de l'Etat de Vaud, certifie que M. Y. a déjà déposé une demande d'asile en Grèce le 29 octobre 2008. Liée par les accords de Dublin qui visent à empêcher qu'une requête d'asile soit examinée simultanément dans plusieurs pays membres, la Suisse exige le retour du requérant en Grèce.
«Une procédure correcte»
«La procédure a été très correcte, explique M. Rothen. Nous favorisons toujours le départ volontaire du requérant débouté. M. Y. a été avisé qu'il irait en prison s'il refusait de quitter la Suisse.» Il a donc été arrêté le 7 octobre dernier au centre d'accueil de Lausanne. «S'il refuse toujours de partir, nous serons contraints de procéder à un renvoi forcé.»
Selon les dires de Demir Sönmez, de la Maison populaire, le requérant aurait été impliqué dans l'hebdomadaire turc Yürüyüs, à orientation socialiste révolutionnaire, ainsi que dans l'association de soutien aux familles de prisonniers politiques Tayad. Pour ces raisons, il aurait été condamné à trois ans de prison ferme et risquerait jusqu'à vingt ans dans une deuxième procédure en cours.
Le journal est actuellement interdit en Turquie et ce n'est pas la premières fois que ses défenseurs payent très cher leur militantisme.
Un retour en Turquie?
Amnesty International et Human Rights Watch avaient réclamé justice pour le jeune Ferhat Gercek, 18 ans, qui, en 2007, avait été paralysé à vie par des tirs policiers parce qu'il distribuait Yürüyüs dans les rues d'Istanbul. L'année suivante, alors qu'il contestait l'impunité de ce crime en compagnie d'autres militants, Engin Çeber avait été arrêté et torturé à mort.
L'association Tayad ne plaît pas non plus aux autorités turques. Tekin Tangün, l'ancien président, avait été incarcéré et torturé en 2004.
Or, pour M. Y., un retour en Grèce signifierait très probablement un retour en Turquie. L'avocate Victoria Banti, enquêtrice pour Amnesty, rapportait dans nos colonnes (édition du 14 juin) que l'obtention du statut de réfugié en Grèce était chose «quasi impossible». En 2009, 20 requêtes sur 20 000 avaient été acceptées. De surcroît, la Grèce et la Turquie ont signé le 12 mai dernier un accord bilatéral permettant à la Grèce de renvoyer à son voisin les migrants illégaux en sa provenance.
Si l'Office fédéral des migrations estimait que la vie de M. Y. était mise en danger par ce renvoi, il pourrait faire valoir l'article 3, alinéa 4, des Accords de Dublin qui permet à tout Etat membre d'examiner une requête d'asile même s'il n'en est pas le premier préposé.
«S'il était débouté en Suisse, il devrait rentrer directement en Turquie, et non en Grèce», répond M. Rothen.
Pour l'heure, 111 personnes ont signé la pétition, dont certains élus de gauche, comme René Longet, Jean-Charles Rielle, Carlo Sommaruga ou Josef Zisyadis.
Isaline Thorens dans le Courrier
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