vendredi 15 octobre 2010

Des initiatives symétriques et insidieuses

Toujours dans la page Débats de 24 Heures, Jacques Neirynck, conseiller national PDC,  s’exprime lui-aussi aux sujets des objets soumis au peuple le 28 novembre prochain.

jacques neirynck Le peuple doit se prononcer sur deux initiatives dont le seul intérêt est la symétrie. La droite propose «Pour le renvoi des étrangers criminels», la gauche «Pour des impôts équitables. Stop aux abus de la concurrence fiscale». Ces titres ne peuvent manquer de susciter l’adhésion. Qui tient à garder les étrangers criminels, et qui souhaite des impôts injustes? Comment se fait-il que les lois existantes ne permettent pas d’atteindre ces buts louables? Mais que font le gouvernement et le parlement si le peuple doit imposer le respect des exigences élémentaires?

En apparence, les buts diffèrent. Selon sa manie, la droite s’en prend aux étrangers, criminels par définition. Elle oppose les autochtones, vertueux, à des scélérats, au point que la population n’oserait plus sortir le soir. Les initiants veulent des frontières plus étanches et le renvoi automatique des délinquants, au besoin en violation de la Constitution et des accords internationaux. Le parlement a opposé un contre-projet, qui lie le renvoi à la gravité du délit et non à sa nature.

La gauche s’en prend aux riches qui pratiquent le tourisme fiscal en s’établissant dans un canton où ils y paient moins d’impôts. Or les inégalités entre cantons sont déjà corrigées par le mécanisme existant de la péréquation, et l’impôt fédéral direct est le même partout.

Le but de ces deux initiatives n’est pas d’améliorer la Constitution, dont on se rendrait subitement compte qu’elle est gravement déficiente en matière de sécurité et de justice fiscale. L’objectif est de recruter des électeurs dans la perspective des élections de 2011. Une double réforme de la Constitution devient un instrument de propagande électoraliste. Les deux objets ont été choisis pour leur caractère émotionnel. Tout le monde tient à sa sécurité, et personne ne veut payer des impôts pour les autres. La coïncidence des deux initiatives en démontre le caractère insidieux.

En réalité, la Suisse est un pays heureux, où la criminalité est l’une des plus faibles au monde, l’un des rares où les citoyens peuvent décider directement de leurs impôts. Les initiatives visent à susciter des passions, là où la raison devrait dominer. Elles se réfèrent à un pays idéal, où aucun crime ne serait commis grâce à la pureté de la race et où tout le monde disposerait du même revenu grâce à une redistribution par les prélèvements obligatoires.

Ces idéaux ont déjà été appliqués au siècle passé, l’un par la peste brune, l’autre par la peste rouge. Cela ne marche pas, et va même à fin contraire.

La démocratie directe est l’institution la plus forte et la plus nécessaire pour limiter l’arbitraire de l’Etat, pourvu qu’elle soit utilisée avec discernement, réserve et respect des autres. En stigmatisant les étrangers et les riches, ces deux initiatives sont contraires au génie helvétique. Elles ne visent à rétablir ni l’ordre ni la justice, mais à semer la méfiance, la jalousie, voire la haine. Elles n’utilisent les institutions que pour les ruiner.

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