vendredi 15 octobre 2010

Les scrutins vaudois sans les étrangers

Le Conseil d'Etat a donné un préavis négatif à l'initiative populaire «Vivre et voter ici», qui propose d'accorder aux étrangers le droit de vote et d'éligibilité sur le plan cantonal.

En matière de droits politiques des étrangers, le Conseil d'Etat ne souhaite pas aller au-delà du statu quo. Il propose au Grand Conseil de rejeter l'initiative populaire issue de la gauche «vivre et voter ici». Celle-ci propose d'élargir au plan cantonal le droit de vote et le droit d'éligibilité des étrangers établis de longue date. Les Vaudois devront se prononcer au plus tard d'ici au 28 novembre 2011.

Déjà au niveau communal
En proposant d'accorder à la fois le droit de vote et d'éligibilité au niveau du canton, les initiants ont fait un pari ambitieux. En cas d'acceptation populaire, Vaud serait en effet le tout premier canton à permettre l'éligibilité cantonale de citoyens étrangers. Alors que les plus progressistes en la matière, tels Neuchâtel et le Jura, n'accordent «que» le droit de vote cantonal. Dans le canton de Vaud, les étrangers jouissent des droits politiques uniquement au niveau communal.
Avec l'initiative, un permis B ou C répondant aux critères d'établissement (résider en Suisse depuis au moins dix ans, dont trois ans minimum dans le canton) pourrait être candidat pour le Grand Conseil et le Conseil d'Etat. De même, il pourrait concourir pour la députation au Conseil des Etats à Berne, puisque l'élection à la Chambre des cantons relève du seul droit cantonal.
Une perspective qui ne réjouit guère Philippe Leuba. «Si l'initiative était approuvée, on se trouverait dans une situation paradoxale, où un étranger pourrait siéger au Conseil des Etats et, à ce titre, participer à l'élaboration des lois, alors que cette même personne n'aurait pas le droit de signer une initiative ou un référendum de portée fédérale», argumente le conseiller d'Etat en charge de l'Intérieur.

 Cesla Amarelle, présidente du PS. Photo Patrick Martin dans 24 Heures «Un mauvais signal»
Au-delà de ce cas particulier, Philippe Leuba oppose aux visées de l'initiative ce qu'il nomme «le noyau dur de la naturalisation»: les droits de vote et d'éligibilité sont et restent le corollaire de l'obtention du passeport à croix blanche. Du reste, «l'octroi des droits politiques aux étrangers en matière cantonale ne paraît pas être un élément décisif de l'intégration», peut-on lire dans le préavis du Conseil d'Etat. Et de préciser que «l'octroi des droits politiques sur le plan communal n'a pas eu d'effet significatif en la matière». A l'appui de sa démonstration, le chiffre de la participation des étrangers aux élections communales de 2006, moins importante que celle des Helvètes.
«C'est trop facile de tirer des conclusions à partir d'une simple différence de participation aux scrutins, réagit Arnaud Bouverat, secrétaire général du Parti socialiste vaudois. Soyons sérieux: tout travail d'intégration est un processus de longue haleine et, contrairement à ce qu'avance la majorité du Conseil d'Etat, l'introduction des droits politiques sur le plan communal a été bénéfique dans ce processus. Poursuivre cette dynamique-là était une chance à saisir et je trouve dommage que le Conseil d'Etat ne l'ait pas fait.»
Avec cette position, la gauche estime que l'exécutif donne finalement un mauvais signal à ses administrés venus d'ailleurs. Qu'en pense Philippe Leuba? «Le Conseil d'Etat estime qu'il n'a pas été élu pour donner des signaux, mais pour gouverner», tranche-t-il.

Arnaud Crevoisier dans le Courrier

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