Cette année encore, la France fait partie des 159 pays épinglés par le rapport annuel d'Amnesty International. Un moyen de rappeler qu'en démocratie aussi il faut rester vigilant. Un article signé Isabelle Crahay dans l’Express.
DR La campagne d'Amnesty International en faveur de la compétence universelle en matière de crime contre l'Humanité.
Première citée par le chapitre que le rapport 2010 d'Amnesty International consacre à la France: la police. Elle aurait recouru à la force et à des mauvais traitements de manière excessive. Ali Ziri en serait même mort. Cet Algérien de 69 ans interpellé en juin dernier à Argenteuil serait décédé des suites de coups infligés par les forces de l'ordre. Quant aux enquêtes diligentées sur ces bavures, elles seraient trop lentes et manqueraient d'indépendance et d'impartialité selon l'ONG.
Des violations des droits des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile sont également montrées du doigt. En mai 2009, le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale a restreint le rôle de la Cimade dans les centres de rétention. Depuis, elle "partage le travail" avec cinq autres ONG jugées moins critiques à l'égard du gouvernement. La Cimade a engagé une série de recours en justice contre cette mesure. Mais en novembre, le Conseil d'Etat s'est prononcé en faveur de la réforme. En septembre dernier, un campement de 300 migrants et demandeurs d'asile près de Calais avait été investi par la police puis détruit par des bulldozers. Certains sont revenus sur place par la suite, d'autres se sont retrouvés sans abri, quelques-uns ont obtenu le droit d'asile mais trois Afghans ont été expulsés vers leur pays en octobre, et bien d'autres en situation irrégulière pourraient les suivre.
La Cour pénale internationale ne suffit pas
Enfin, ce sur quoi insiste particulièrement Amnesty cette année, c'est la Cour Pénale Internationale. Le Statut de Rome de 1998, qui lui garantit des actions permanentes et non limitées à des conflits particuliers, n'est pas encore ratifié par tous les Etats-membres de l'ONU; 111 sur 192 l'ont signé à ce jour. La France l'a signé et ratifié, mais la loi d'adaptation du droit français à la CPI n'est toujours pas adoptée. "La CPI seule ne suffit pas", a rappelé Geneviève Garrigos, présidente d'Amnesty International France. Et le projet de loi de juin 2008 ne risque pas d'arranger les choses: un amendement l'a soumis à quatre "verrous" extrêmement restrictifs qui rendraient pratiquement impossible la répression en France de crimes internationaux. Le suspect doit en effet avoir sa "résidence habituelle" en France, son crime doit être puni à la fois par la loi française et par celle du pays où il a été commis, les victimes ne peuvent pas se porter partie civile et les poursuites ne peuvent avoir lieu en France que si la CPI décline d'exercer sa compétence -une disposition contraire au Statut de Rome, qui prévoit à l'inverse que la CPI ne peut agir qu'en cas de défaillance des juridictions nationales. Le vice-président d'Amnesty, Francis Perrin, a jugé pour sa part que "si ce projet de loi est voté, cela fera de la France une terre d'impunité. Ces verrous empêchent la collaboration avec la CPI, et c'est très grave. Si le gouvernement persiste, cela prouvera que ces belles phrases ne signifiaient rien. Il y a une prétention des autorités françaises en matière de droits humains, alors que dans les faits c'est le vide sidéral."
La réunion de Kampala (Ouganda) du 31 mai prochain doit dresser le bilan des premières années de fonctionnement de la justice pénale internationale. A charge pour la France de s'engager autrement qu'à "reculons".
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