jeudi 27 mai 2010

Coup d’accélérateur dans le domaine de l’asile

Réduction des délais de recours ou suppression des demandes dans les ambassades: Eveline Widmer-Schlumpf veut des décisions plus rapides et lutter contre les abus. Ses propositions ne soulèvent pas l’enthousiasme. Un article de Valérie de Graffenried dans le Temps.

Accélérer les procédures et renvoyer plus rapidement les requérants d’asile qui ne méritent pas la protection de la Suisse: voilà ce que vise Eveline Widmer-Schlumpf en proposant de nouvelles modifications des lois sur l’asile et sur les étrangers. Ses propositions, mises en consultation jusqu’à la mi-mars, avaient reçu un accueil plutôt froid (LT du 23.03.2010). Mais, malgré les critiques de la gauche et de la droite, la ministre maintient le cap et le Conseil fédéral les transmet telles quelles au parlement. Ce qui promet de vives empoignades.

Pourquoi de nouveaux changements alors que les lois sont entrées en vigueur en janvier 2008? Il y a urgence, insiste la ministre. Le nombre des demandes d’asile est passé de 10 844 en 2007 à 16 005 en 2009, une hausse qui est principalement due aux Nigérians, Erythréens, Somaliens, Irakiens et Sri Lankais. Voici les principaux changements prônés:

Non-entrées en matière et délais raccourcis

Eveline Widmer-Schlumpf veut faire en sorte que la plupart des décisions soient prises dans les cinq centres d’enregistrement, avant que les requérants soient répartis dans les cantons. Mais elle admet que le système des «NEM» ne s’avère pas dissuasif et fonctionne mal. Car certains requérants ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays. Privés d’aide sociale et inexpulsables, ils sont livrés à eux-mêmes et risquent de succomber aux tentations de la criminalité pour survivre. Par souci d’efficacité, le Conseil fédéral propose de ne débouter d’office que les requérants qui ont déjà déposé une demande dans un Etat de l’espace Schengen et ceux sans motifs d’asile pertinents, qui viennent d’un pays jugé «sûr» où ils peuvent être renvoyés sans difficulté.

Les autres auront droit à une procédure d’asile complète, mais raccourcie. Le délai de recours pour tous les requérants déboutés passera de 30 à 15 jours – la Belgique l’a fixé à 15, le Royaume-Uni à 10 –, selon le projet du Conseil fédéral. Une décision qui heurte les socialistes et les Verts. Ils craignent que le délai raccourci n’aboutisse à des décisions arbitraires. Car, souvent, des preuves doivent être récoltées à l’étranger, ce qui prend du temps. Pour l’UDC, Eveline Widmer-Schlumpf est au contraire encore trop généreuse. Mercredi, le parti a d’ailleurs sévèrement égratigné la ministre dans un communiqué. Il qualifie la réforme d’«inutile contre l’afflux des requérants d’asile nigérians qu’il faudrait enfin pouvoir renvoyer dans leur pays».

 

Si le PLR est sur le fond favorable à l’esprit de la réforme, il avertit: seule une hausse du personnel des administrations concernées et de profonds changements organisationnels peuvent apporter l’accélération souhaitée.

Œuvres d’entraide écartées des auditions

La ministre propose de supprimer la présence des représentants d’œuvres d’entraide lors des auditions des requérants. Pour les remplacer par un «conseil en matière de procédure et d’évaluation des chances», aux contours encore flous. Son financement serait assuré par la Confédération. L’UDC ne veut pas en entendre parler. Selon le parti, cela ne ferait que «saboter» l’efficacité de la réduction du délai de recours. «L’Etat encourage ainsi la prolongation des procédures, si bien que les prétendus efforts visant à accélérer le traitement des cas en justice sont de purs exercices alibis pour la galerie», dénonce le parti.

Motivations par écrit

Autre mesure proposée: l’introduction d’une procédure rapide, par écrit, pour les auteurs de demandes multiples, «qui retardent la procédure de manière abusive». Eveline Widmer-Schlumpf vise les personnes ayant déjà essuyé un ­refus qui tentent une nouvelle fois leur chance, avec les mêmes ­motifs.

Supprimer les demandes dans les ambassades

La conseillère fédérale y tient: la Suisse ne doit plus être le seul pays européen à autoriser le dépôt de demandes d’asile dans les ambassades. Voilà qui risque de pousser des personnes persécutées à la migration illégale et à entreprendre un long et périlleux voyage parfois au péril de leur vie, dénonce Amnesty. La ministre répond que celles qui ont des motifs valables pourront obtenir un visa pour déposer leur demande en Suisse.

Le casse-tête des déserteurs érythréens

L’affaire remonte à décembre 2005, lorsque le Tribunal administratif fédéral avait en substance déclaré que les persécutions politiques qui découlent d’un refus de servir dans l’armée érythréenne donnaient droit au statut de réfugié. Depuis, les demandes d’asile des Erythréens ont pris l’ascenseur. Pour la ministre de Justice et police, c’en est trop: les déserteurs et objecteurs de conscience érythréens ne doivent plus recevoir le statut de réfugié. Mais elle assure que tout requérant qui risque de subir des traitements inhumains dans son pays continuera à bénéficier d’une admission provisoire. Elle revient également avec son projet de sanctionner pénalement les requérants qui mènent des activités politiques en Suisse dans le seul but de se mettre en danger par rapport à leur gouvernement et se constituer des motifs d’asile.

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