vendredi 19 mars 2010

Le Conseil des Etats ouvre une voie royale aux expulsions

Le peuple devrait se prononcer sur l’initiative de l’UDC concernant le renvoi des criminels étrangers. Et sur le contre-projet adopté hier par la Chambre des cantons. Celui-ci doublerait le nombre des expulsions. Un article de Daniel Audétat, Berne, dans 24 Heures.

Expulsion

Comment concilier droits populaires et droit international? Hier, le Conseil des Etats a tenté de trouver un point d’équilibre pour réaliser cet exercice périlleux. Avant le Conseil national, la Chambre des cantons devait se prononcer à la fois sur l’initiative populaire de l’UDC «Pour le renvoi des étrangers criminels» et sur le contre-projet direct à cette initiative qu’a élaboré la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats.

Au final, la position des sénateurs est limpide. Le contre-projet «Expulsion des criminels étrangers dans le respect de la Constitution» a été adopté par 22 voix contre 6 et 11 abstentions. Tandis que la recommandation de rejet de l’initiative était approuvée par 34 voix contre 5.

La première question à surmonter est brûlante: l’initiative sur le renvoi est-elle compatible avec le droit international? Oui et non, a répondu la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf. Pour parvenir à valider l’initiative, le Département de justice et police a dû distinguer «droit international impératif» et «droit international non impératif». Le droit impératif pose le principe du «non-refoulement», qui interdit le renvoi d’une personne dans un pays où elle pourrait être exposée à une répression. A priori, l’initiative de l’UDC enfreint cette règle, puisqu’elle exige un renvoi «automatique» des étrangers condamnés.

Validation problématique

Les services d’Eveline Widmer-Schlumpf ont trouvé sur internet un argumentaire des initiants selon lequel ils n’ont «pas l’intention de contrevenir à ce droit international impératif». Cet élément a suffi pour que l’initiative soit validée par le Conseil fédéral, malgré les protestations de la gauche.

Reste le droit international «non impératif», où figurent le respect de la Convention européenne des droits de l’homme ou l’Accord avec l’UE sur la libre circulation des personnes. L’initiative entre en conflit avec ces normes, reconnaît Eveline Widmer-Schlumpf. Le Conseil fédéral recommande donc le rejet du texte de l’UDC, en contrepartie d’un «serrage de vis» envers les étrangers délinquants.

Châtiment disproportionné

Le Département de justice et police a élaboré un projet d’arrêté qui précise les motifs de révocation des autorisations de séjour. De plus, ces autorisations seront accordées «en tenant davantage compte du degré d’intégration» des personnes qui les demandent.

Le socialiste jurassien Claude Hêche et le Vert genevois Robert Cramer ont explicité l’opposition de la gauche à ce dispositif en rappelant que l’actuelle loi sur les étrangers permet déjà aux cantons d’expulser les délinquants. A cette demande d’invalidation totale ou partielle de l’initiative, la droite a répondu que ce serait bafouer les 210 000 signataires du texte. Robert Cramer a vainement persévéré, en tentant d’amender le contre-projet du Conseil des Etats, qui imposerait souvent un «châtiment» disproportionné par rapport à la faute.

Expulsions démultipliées

Inspiré par les libéraux-radicaux et le PDC, ce contre-projet sénatorial implique le renvoi de tout étranger condamné à une peine d’au moins 18 mois de prison pour abus de prestations sociales ou escroquerie d’ordre économique; ainsi qu’à une peine de 2 ans de prison au moins ou à des peines pécuniaires s’élevant au total à 720 jours au moins sur dix ans. Selon le libéral-radical soleurois Rolf Büttiker, ces dispositions doubleraient le nombre annuel des expulsions, jusqu’à atteindre le chiffre de 800. Selon cette même estimation, l’initiative de l’UDC porterait à 1500 ces expulsions.

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