vendredi 19 mars 2010

La pratique des renvois varie d’un canton à l’autre

«Si on se pose ces questions sur les renvois de criminels étrangers, c’est probablement parce que des cantons ont laissé aller les choses», avance Françoise Gianadda, ancienne cheffe du Service valaisan de la population et des migrations, à la retraite depuis peu. Car, aujourd’hui déjà, la loi prévoit la possibilité d’expulser certains délinquants. Selon le Tribunal fédéral, la question doit être étudiée pour toute personne condamnée à 2 ans ou plus de prison. Mais l’interprétation de ces règles varie.

«Certains cantons appliquent cette jurisprudence, d’autres se montrent plus larges», confirme Marie Avet, porte-parole de l’Office fédéral des migrations (ODM). Il n’existe pas de statistique exhaustive sur la question, mais, selon les chiffres d’un groupe de travail de l’ODM et de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP), le canton de Vaud a expulsé 210 délinquants titulaires d’un permis B ou C entre 2006 et 2008. Dans le même temps, Zurich a pratiqué 239 renvois, l’Argovie 75, Genève 53 et Berne 45.

Décisions subjectives
Lorsqu’on compare ces chiffres à ceux du nombre d’étrangers, le canton de Vaud fait figure de champion de l’expulsion des criminels. Certains se montrent-ils plus laxistes que d’autres? A Genève, on s’interroge sur la fiabilité de ces statistiques. Et la conseillère d’Etat Isabel Rochat insiste plutôt sur la nécessité que Berne finalise des accords de réadmission: «Un grand nombre des étrangers dont nous parlons proviennent de pays dans lesquels ils ne sont pas appliqués.» Son homologue vaudois, Philippe Leuba, répond pour sa part qu’il a fait de ces renvois une priorité. «Mais chaque conseiller d’Etat choisit les siennes», conclut-il. Françoise Gianadda est plus catégorique: «Certains pouvoirs publics ont baissé les bras.» Manque de courage, selon les uns, appréciation différente, pour les autres. Car ces décisions restent en partie subjectives. Roger Schneeberger, secrétaire général CCDJP, donne un exemple: «Quand une personne dit qu’elle se tuera si elle est expulsée et que l’expertise psychologique est peu claire, quelqu’un doit finalement décider de la mettre dans un avion ou pas.» La pratique des tribunaux cantonaux expliquerait aussi ces différences, certains emprisonnant plus souvent les étrangers en vue de leur renvoi.

Face aux disparités, la Confédération veut définir des règles plus claires. Les cantons en discutent eux aussi. «En Suisse orientale, nos pratiques sont harmonisées pour éviter un déplacement des étrangers vers un canton moins sévère», explique ainsi Karin Keller-Sutter, responsable saint-galloise de la Sécurité. Mais le processus a ses limites et, au final, seule une centralisation du système permettrait réellement son uniformité.

Caroline Zuercher dans 24 Heures

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