vendredi 19 mars 2010

Surveiller les renvois forcés ?

Les vols pour des rapatriements forcés sont suspendus pendant la durée de l’enquête. Amnesty International réclame une nouvelle fois la création d’observateurs indépendants. Un article paru dans le Temps et signé Catherine Cossy.

Suite à la mort d’un demandeur d’asile nigérian lors de son expulsion, mercredi soir à Zurich, l’Office fédéral des migrations a suspendu les vols spéciaux de rapatriement en attendant les ­résultats de l’enquête. Dans une interview accordée à l’Aargauer Zeitung, le directeur de l’ODM, Alard du Bois-Reymond, a reconnu qu’il serait nécessaire d’adapter les mesures de contrainte s’il devait s’avérer qu’elles ont joué un rôle direct dans la mort du Nigérian. De même, si des fautes ont été commises dans le déroulement de la procédure, de nouvelles directives à l’intention des polices cantonales seraient également adaptées.

Amnesty International saisit cette occasion pour réclamer une nouvelle fois que les renvois forcés soient surveillés par des observateurs indépendants. «Lors des discussions sur la loi sur l’usage de la contrainte, nous avions demandé que l’on renonce aux chiens et aux Taser, mais que l’on prévoie des observateurs indépendants. En Autriche, par exemple, le Conseil national des droits humains, une institution qui n’a malheureusement pas sa pareille en Suisse, est informé à chaque fois qu’un vol spécial est organisé. Ses membres peuvent se présenter à l’improviste et assister à toute la procédure», explique Manon Schick, porte-parole de l’organisation. Elle poursuit: «En Suisse, la nouvelle commission indépendante de prévention de la torture pourrait jouer ce rôle.»

Jean-Pierre Restellini, son président, médecin, juriste et membre du Comité européen contre la torture, précise: «La commission a commencé son travail au début de l’année, tout reste à imaginer. Nous n’avons pas débattu de ce point précis jusqu’à maintenant. La loi fédérale est assez large, nous avons le pouvoir d’inspecter tout lieu où une personne est privée de liberté et les centres de rétention font partie du programme que nous nous sommes fixé cette première année. Mais il faut être conscient qu’une présence lors de toutes les procédures de renvoi forcé demande des moyens supplémentaires très importants.»

L’association Solidarité sans frontières, qui s’engage pour les droits des migrants et demandeurs d’asile en Suisse, n’est pas favorable à des contrôleurs indépendants. Balthasar Glättli, son secrétaire, explique: «Nous demandons de renoncer en bonne et due forme aux renvois forcés. Une mission d’accompagnement risque de donner l’impression que tous les problèmes sont résolus. Mais cela dépend beaucoup des compétences qu’elle reçoit. Peut-elle être tout le temps présente? A-t-elle le droit de témoigner sur ce qu’elle a vu? La situation n’est pas simple non plus pour les personnes et les associations qui assument cette tâche d’observation.» Solidarité sans frontières s’engage pour un retour dans la sécurité et la dignité. «Il faut travailler avec des incitations. Si l’on pense à ce que coûte l’internement en vue de l’expulsion et aux vols spéciaux mêmes, cet argent pourrait être mieux investi», poursuit Balthasar Glättli.

Depuis 2009, la Suisse est tenue, en vertu des Accords de Schengen, de respecter la directive de l’Union européenne sur le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qui vise à favoriser, dans la mesure du possible, le retour volontaire.

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