Retrouvé cet ancien post de Hughes Hiltpold
L’initiative populaire visant à interdire les minarets ne vise pas le terrorisme islamique. En effet, tout ce qui est pointu n'est pas un missile. Non: l’initiative vise en réalité la liberté religieuse. Quelques allumés islamophobes s'appuient sur la peur de l’Islam pour provoquer un débat national destructeur. La victime de ce débat ne sera pas l’extrémisme religieux. Mais bien, au contraire, la paix religieuse et le dialogue interconfessionnel. Et notre droit à tous de croire ou de ne pas croire.
Défendre le droit d'être musulman en Suisse, c'est donc notre devoir à tous. Comme il aurait été notre devoir de défendre les juifs dans les années 1930. Comme il aurait été de notre devoir, dans la France d'après la Révocation de l'Edit de Nantes, de défendre les protestants. Comme il serait de notre devoir de défendre, en Arabie Séoudite, les chrétiens. Comme, enfin, il est de notre devoir de croyants de protéger le droit des athées à ne pas croire.
Plus de 400'000 musulmans vivent dans notre pays. Paisiblement. Bien sûr, on citera des faits divers impliquant des musulmans pour démontrer que l'Islam pousse à la violence. Et l'on trouvera dans le Coran et la Sunnah des références pour enfoncer le clou. D'autres alors, pour défendre l'Islam, citeront les Evangiles, où les appels à la violence figurent en bonne place aussi. Et l'on passera ainsi des mois à monter une religion contre l'autre. Quel que soit le score de ce texte dans les urnes, notre pays se relèvera-t-il des mois de déchaînement haineux que ce débat ne manquera pas de provoquer?
La liberté de croire et de ne pas croire est ancrée au cœur même de ce qui a fait notre pays. La Suisse , en effet, ne s'est pas constituée comme n’importe quelle autre Etat-nation. En général, l'Etat nation naît autour d'un peuple réuni par une même langue, une même histoire, une même religion et un même espace géographique.
Pas la Suisse. Ni celle de 1291, qui réunissait déjà trois peuples différents, ni celle de 1848. Quatre langues, deux religions dominantes, sans oublier les juifs, et plus de 20 cantons ayant chacun son destin propre. La Suisse est donc bien plus que n'importe quel autre pays du monde: elle est une idée. Ce qui réunit les Suisses, c'est leur volonté de vivre libres, c'est leur volonté de voir leurs différences respectées.
Un combat qui n'a pas toujours été évident. Aux balbutiements de l'Etat fédéral, les sept cantons catholiques ont rêvé de faire sécession. Ce fut le « Sonderbund », l'idée d'une partition confessionnelle de notre pays. Un projet que les radicaux, fondateurs du pays, ont rejeté: la Suisse devait impérativement rester le pays de la pluralité.
L'initiative contre les minarets s'attaque à cette vision de la Suisse : un pays où chacun respecte la liberté de l'autre. Un pays d'individus unis par leur soif de liberté, et non par l'aspiration grégaire à se ressembler les uns les autres.
L'UDC suivra-t-elle les têtes brûlées qui ont contribué au succès de cette initiative, et dont Genève compte un certain nombre d'exemplaires qui se sont déjà illustrés dans le passé par des dérapages antisémites ou homophobes? Ou alors aura-t-elle la dignité qui sied à un grand parti, et plaidera-t-elle pour le retrait immédiat de ce texte? Hélas, les expériences passées avec ce parti ne laissent rien présager de bon.
Une légende veut que le roi du Danemark, pendant l'occupation nazie, aurait porté la croix jaune en signe de solidarité avec les juifs danois. C'est une légende, mais il est vrai que le roi et le peuple danois se sont mobilisés contre la déportation des juifs. En Suisse, la situation était plus trouble. C'est pourquoi nous devons une immense reconnaissance aux "Justes" qui, contre la majorité, contre même les décisions politiques, ont aidé des juifs à échapper à la barbarie.
Alors que la situation n'est pas encore comparable à celle des années 1930-1945, les Suisses doivent trouver dans l'exemple de ces Justes le courage de s'élever contre cette initiative.
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