mercredi 11 novembre 2009

Les minarets ne sont pas bienvenus en Hollande


Enfants se rendant à l'école islamique à Amsterdam.
Enfants se rendant à l'école islamique à Amsterdam. (Keystone)

Alors que les Suisses se prononcent le 29 novembre sur l'interdiction des minarets, ceux-ci suscitent également la controverse aux Pays-Bas. C'est qu'on y construit davantage de «vraies» mosquées depuis que les musulmans ont compris qu'ils ne rentreraient pas dans leur pays.

Au sud de Rotterdam, la mosquée Essalam est en construction depuis bientôt six ans. De l'extérieur, ce grand bâtiment clair de 2600 m2 paraît presque achevé. Sauf les deux minarets qui n'ont pas encore de pointe.

De plus, le carrelage de pierre naturelle doit encore être posé dans l'entrée, explique l'architecte, Wilfried van Winden. Il ne sait pas très bien quand ce sera fait puisque le chantier est au point mort depuis la fin de l'été, faute d'argent.

Ces retards continuels de construction irritent beaucoup de monde. Au point que Marco Pastors du parti «Leefbaar Rotterdam» (Qualité de la vie à Rotterdam, LR) a sommé la municipalité de retirer le permis de construire de la mosquée et d'attribuer une autre affectation à l'édifice, sis à proximité du stade de football de Feyenoord-Rotterdam.

Le LR est la dernière section locale qui subsiste du parti fondé par Pim Fortuyn, le populiste de droite et anti-islamiste assassiné en 2002. Ses militants ont dirigé leur combat contre les minarets, bien visibles, qui s'élèvent à 50 mètres dans le ciel.

«Les minarets pas indispensables»

De jeunes musulmans y sont d'ailleurs également opposés. Pour beaucoup, Essalam est typiquement une «mosquée du mal du pays». Jusqu'ici en effet, la vieille génération considérait qu'une mosquée doit être un bâtiment carré surmonté d'une coupole ronde et d'un ou plusieurs minarets.

Pour la jeune génération, cette architecture classique a fait son temps. Elle préférerait des lieux de culte modernes et plus attrayants intégrés dans les quartiers d'habitation et dotés d'autres fonctions communautaires. Les minarets ne sont donc pas jugés indispensables.

«Cela ne me dérangerait pas du tout si mes coreligionnaires affichaient leur foi de manière moins visible», déclare Rasit Bal, président de l'union des musulmans et de la municipalité (CMO).

Les Néerlandais ne sont pas habitués aux signes extérieurs de religion. C'est ce qui explique que chaque projet de nouvelle mosquée provoque un tollé de protestations, exploité à chaque fois par les médias et, surtout, par des politiciens comme Geert Wilders. «Tout cela crée une ambiance de haine», regrette Rasit Bal.

En faisant campagne contre l'islam, le tribun du parti d'extrême droite de la Liberté (PVV) a effectivement rendu l'atmosphère explosive. Il proclame la menace d'un «tsunami musulman» dans tout le pays et, comparant le Coran à «Mein Kampf» de Hitler, exige qu'il soit lui aussi mis à l'index.

La justice devra trancher l'année prochaine si ses déclarations sont discriminatoires. Et le fait que l'islamophobie ne fait que croître dans les sondages – actuellement, le PVV occuperait le deuxième rang des partis représentés au Parlement – incite Rasit Bal à appeler à une certaine discrétion dans l'expression de l'appartenance religieuse. «Nous devons veiller à rendre possible notre vie ici.»

Des mosquées discrètes

Les premiers migrants musulmans avaient affaire à forte partie lors de leur arrivée aux Pays-Bas. Ils étaient déjà contents de pouvoir aménager une mosquée dans une école désaffectée ou un magasin à louer.

Cela ne les dérangeait pas de devoir se rendre dans une mosquée reléguée en zone industrielle, loin du centre ville, l'essentiel étant de pouvoir pratiquer leur religion ensemble.

Depuis les années 1950, les choses ont commencé à changer. Aujourd'hui, plus de 900'000 musulmans, de la 2e ou 3e génération, vivent en Hollande. La plupart en provenance du Maroc et de Turquie.

Parallèlement, le nombre de mosquées a augmenté: le pays en compte 450 actuellement. Personne n'a encore jamais compté le nombre de minarets mais il semblerait qu'il y en ait une trentaine.

Conflit de génération

Les premiers travailleurs migrants n'avaient pas l'intention de prendre racine. La 2e génération, pourtant née sur place, ne jurait elle aussi que par le retour au pays. Cet état d'esprit a animé de nombreuses familles pendant des décennies.

Avec pour conséquence qu'elles se sont adaptées au pays choisi, mais sans se donner la peine d'en apprendre la langue ou de s'intégrer. Ce n'est que dans les années 1990 que cet état d'esprit a commencé à changer, parce qu'elles ont été priées de suivre des cours de langue et d'intégration.

C'est à cette époque que les «nouveaux Hollandais» auraient commencé à vouloir remplacer les vieilles mosquées, estime Marcel Maussen, chercheur à l'Université d'Amsterdam. Et de préciser que la construction d'une mosquée fait partie aujourd'hui du processus d'intégration.

Le style architectural choisi permet de le vérifier, ajoute Marcel Maussen. Ce dernier est persuadé que la «mosquée du mal du pays» cache un conflit de génération et qu'en cela, «elle représente la société parallèle». C'est précisément ce que les autorités tentent d'éviter par tous les moyens. Avec, jusqu'ici, un grand succès

Aucun commentaire: