vendredi 20 novembre 2009

Les droits des femmes, farces et attrapes

Les droits des femmes, farces et attrapes

Paru le Vendredi 20 Novembre 2009
DOMINIQUE HARTMANN

EgalitéVOTATION - La campagne anti-minarets menée par l'UDC – nouvelle défenseuse des droits de la femme? – s'est appuyée sur des images de burqas. Mais adjoindre au débat la question du voile a bien des avantages.
Lancée par l'UDF et amplifiée par l'UDC, la campagne anti-minarets a deux armes de guerre: les minarets en forme de missiles et des femmes en burqa noir épouvantail. Au-delà des positions – universalistes ou particularistes – que l'on peut défendre en matière de cohabitation religieuse et culturelle, l'instrumentalisation du droit des femmes en heurte beaucoup, une façon aussi d'infantiliser les femmes et de parler pour elles. De droite ou de gauche, musulmanes, chrétiennes ou athées, des femmes font passer ces jours un message: l'UDC n'a pas la moindre crédibilité à se poser en défenseuse de leurs droits qu'elle combat avec une belle régularité. Le congé maternité et les places de crèches s'en souviennent, comme le droit de vote, attaqué en son temps par la droite. «Ce qui est insupportable, c'est qu'on ne votera pas sur les droits de la femme mais que l'on ne parle que de cela», résume l'islamologue Rifa'at Lenzin. Lucia Dahlab, vice-présidente de l'Union des organisations musulmanes de Genève (UOMG), elle, aimerait surtout entendre les femmes voilées s'exprimer elles-mêmes sur la question. Des femmes radicales, socialistes, vertes et démocrates-chrétiennes s'élevaient hier à Berne contre «la farce et le leurre» de l'argument de la protection des femmes brandi par les partisans de l'initiative contre les minarets: «Où sont les initiants quand il s'agit de permettre aux mères de famille de travailler à plus de 50% ou de nommer des femmes à des postes à responsabilité?» s'est interrogée la conseillère d'Etat vaudoise Jacqueline de Quattro. D'autant que l'initiative n'apporte pas de réponses concrètes à des questions comme le port du voile ou les mariages forcés. Les nouveaux défis de la parité, «c'est la difficulté à pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle» insiste-t-elle. Faire front contre cette instrumentalisation alors que la campagne cherche à diviser est sans doute une bonne réponse. Même si les questions ponctuelles devront encore être tranchées et que les alliances se déferont peut-être alors.


Conservatismes unis

L'argument du droit des femmes avait aussi dominé le débat français qui débouchait en 2004 sur l'interdiction du port du voile à l'école. Analysant cet événement, la revue Nouvelles Questions Féministes soulignait comment «le débat sur le foulard a réduit, miné le terrain de réflexions sur le rapport entre oppressions sexiste et raciste». Les systèmes oppressifs vont souvent de pair. Laura Nader, professeure d'anthropologie à l'University of California à Berkeley, y montrait aussi comment et l'Occident et l'Orient, dans des visions tronquées l'une sur l'autre, utilisent le principe du respect des femmes pour affirmer leur supériorité culturelle: le voile est agité en Occident comme signe de soumission des femmes musulmanes; la pornographie ou l'absence de respect pour les femmes dans les médias est thématisée par les chefs d'Etats musulmans. Bénéfice collatéral: convaincre «ses» femmes des avantages que leur procure le système d'oppression dans lequel elles se trouvent. Les conservatismes se renforcent mutuellement. Thématiser la question du voile sert aussi à mettre dos à dos des féministes, comme ce fut le cas en France, où les tenantes de l'égalité et de l'universalisme se sont opposées à celles qui défendaient les droits des femmes et des particularismes.
Quant à la burqa, qui couvre entièrement le visage et le corps et ne comporte qu'une mince ouverture pour les yeux, elle présente un autre avantage sur le minaret: elle génère des réactions instinctives tout en complexifiant la problématique, où se mêlent des arguments d'ordre privé et public. Montrer des burqas permet aussi de rallier tous ceux et celles qu'horrifie l'Afghanistan des talibans. Ahmed Benani, antropologue et politologue, remarque: «L'UDC crée un Autre effrayant, un épouvantail, basé sur une sorte d'idéalité judéo-chrétienne où les musulmans sont forcément autres: or, leur bigarrure ethnoculturelle est grande.» Et ceux qui vivent en Suisse sont issus surtout de Turquie, où Ataturk avait déclaré la laïcité en 1937, et des Balkans où l'impact communiste a beaucoup ébranlé la force de la religion. Ce qui tranche radicalement avec les communautés symbolisées par des burqas. Ahmed Benani rappelle aussi que sur quatorze siècles d'islam, le port du voile n'a été obligatoire que peu de temps: «Regardez les films où apparaît Oum Kalsoum, par exemple, vous n'y verrez pas de voile. Mais depuis 1930, les Frères musulmans ont instauré son obligation en Egypte.»


Femmes exégètes

Ahmed Benani, qui plaide pour une relecture moderne des textes et un «islam des Lumières», juge que «l'Europe pourrait même être la chance de l'islam.» L'islamologue Rifa'at Lenzin souligne que «l'exégèse a toujours été dominée par les hommes et leurs visions du monde. Dans les trois religions monothéistes, d'ailleurs», poursuit-elle. La création d'un institut d'études islamiques contemporaines, dans le cadre d'une université, permettrait à des chercheurs et des chercheuses d'actualiser l'interprétation du Coran. Les bases institutionnelles manquent hélas.
Pour sa part, elle juge «rares» les mariages arrangés ou les mutilations sexuelles avancés au cours de la campagne. Fruit de réalités sociales, ils ne trouvent pas de justification dans le Coran. Et la loi suisse a suffisamment de garde-fous. Dans Le Temps, la journaliste Mireille Vallette estime, elle, les mariages forcés à dix-sept mille en Suisse; elle met en garde contre l'intégrisme et liste des signes de régression profonde de l'égalité entre hommes et femmes: le port du foulard «en croissance exponentielle (suivi désormais de la burqa), demandes de dispense scolaire, demandes (et délivrances) de certificats de virginité...» Lucia Dahlab reconnaît que des cas de contraintes existent, qui réveillent bien des peurs sur la place des femmes. Convertie à l'islam, elle porte le voile depuis une vingtaine d'années, une «obligation pour les croyants», même si chacun est libre de ne pas l'observer comme c'est le cas pour le jeûne du ramadan. Elle définit la liberté de la femme comme «le pouvoir que celle-ci a sur elle-même»: porter, ou non, le voile, mais en en décidant seule. Elle constate que les jeunes filles qui adoptent le voile ont aujourd'hui des arguments pour expliquer leurs choix à leur famille parfois réticentes.
Pour l'intellectuel musulman franco-tunisien Abdelwahab Meddeb, en revanche, le port du voile est une «servitude volontaire», une «offense faite aux femmes.» Et il juge vaines les tentatives de réconcilier l'idée d'égalité et la lettre coranique. Contre la lecture littérale majoritairement pratiquée, Ahmed Benani croit en l'usage des outils linguistiques de la modernité et du renouvellement de l'exégèse, restée figée après le travail des réformateurs de l'islam: «Dans la traduction qu'a faite du Coran Jacques Berque, par exemple, il est question de «rideau» à placer entre les femmes licites et les autres, interdites. La tradition dogmatique en a fait un voile, que la femme doit porter.» Il en appelle à un regard anthropologique, et pas seulement dogmatique.


La Suisse a changé

L'UDC utilise la femme d'une autre façon encore. Sur l'une de ses récentes affiches, on lit qu'«un pays gouverné par une femme ne connaîtra jamais la paix»: on pourra croire à une citation du prophète, alors que cette phrase n'est ni une sourate, souligne Ahmed Benani, ni même un hadith, «ces textes post mahométans chers à la tradition sunnite, qui constituent une sorte d'idéologie courante et passent parfois pour une exégèse du texte original». Les débats auront souligné à la fois le fait que la Suisse est désormais multireligieuse et que cette nouvelle donne suscite des malaises et des questions, face auxquels les échanges avec les musulmans sont capitaux. «Notre priorité actuelle est de parler d'une seule voix et de développer un 'vivre-ensemble'» promet Lucia Dahlab.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour!
J'approuve l'initiative UDC
Pour ceux qui ne sont pas convaincus, je les invite à aller sur le site :
Ripostelaïque
regarder ce qui se passe à Paris !
Merci et bon vent !
MC

yano a dit…

Bonjour
Je suis entièrement d'accord avec l'auteure de l'article
cette affaire des minarets est un vrai faux débats, visant à stigmatiser une population sans problèmes en Suisse.