Lorsque Kevin Rudd a été élu Premier ministre d’Australie, fin 2007, la gauche a poussé un soupir de soulagement. Le gouvernement défait, dirigé par John Howard, avait été le plus conservateur depuis la Seconde Guerre mondiale, et le pays attendait avec impatience l’introduction de politiques progressistes sur les questions du changement climatique, des indigènes australiens ou de la guerre en Irak. Mais plus que tout, la gauche espérait une approche nouvelle et plus compassionnelle du problème des demandeurs d’asile. En 2001, le gouvernement conservateur avait refusé que le cargo norvégien Tampa, chargé de 438 demandeurs d’asile, pénètre dans les eaux territoriales australiennes, et il déclarait avoir le droit de décider qui pouvait ou non entrer dans le pays. Populaire, cette ligne dure a caractérisé toutes les autres mesures : tractations «off shore», détention de longue durée des demandeurs d’asile, y compris des enfants. Le nouveau gouvernement a agi rapidement pour mettre en œuvre des politiques plus progressistes, notamment en mettant fin au système de détention obligatoire.
Les développements récents, cependant, ont fait que beaucoup, à gauche, se sont sentis trahis. Au cours des dernières semaines, un certain nombre de demandeurs d’asile tamouls ont cherché à rejoindre l’Australie. Effrayé par la campagne de presse des tabloïds, le gouvernement est revenu à des politiques semblables à celles de son prédécesseur. Une fois de plus, il cherche à éviter le traitement des demandeurs d’asile sur le sol australien et tente d’obtenir que l’Indonésie accepte de s’en charger. A l’heure où j’écris, le gouvernement est impliqué dans un affrontement avec les réfugiés présents à bord du bateau de la douane australienne, l’Oceanic Viking. Le gouvernement veut les emmener en Indonésie, mais les demandeurs d’asile refusent de partir. Reconnus comme des réfugiés authentiques, ils craignent, une fois en Indonésie, de se retrouver encore et toujours dans les limbes. Pourquoi les Australiens sont-ils si durs à leur égard ?
Il y a deux raisons probables. La cause récente est la menace perçue de terrorisme. Le public associe les demandeurs d’asile aux musulmans et les musulmans à des terroristes potentiels. La cause plus ancienne - qui contribue à expliquer l’absence de distinction entre les musulmans et les Tamouls - est le passé raciste de l’Australie. Lorsque le pays fut colonisé par les Britanniques, il était déjà occupé par les aborigènes. La réponse blanche à la question des aborigènes est allée de l’ignorance totale et durable de leur existence jusqu’à des tentatives systématiques de génocide.
Par Neil Lévy, professeur à l’Université de Melbourne, directeur de recherche à l’Oxford Centre for Neuroethics, Cambridge UP.
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