L’écrivain-conteur belge d’origine congolaise Pie Tshibanda est en tournée en Suisse romande avec deux spectacles. Une occasion rare pour le public européen de se voir dans le miroir qu’il lui tend.
Il vient tout juste de le présenter à 400 élèves du collège de Saint-Maurice, son Fou noir au pays des Blancs. Un spectacle qu’il a emmené autour du monde, du Sénégal à Tahiti. Pas vraiment classique, en fait. Plutôt une histoire qu’il raconte à ceux qui veulent bien l’écouter. Son histoire. Celle d’un écrivain et intellectuel congolais devenu gênant lorsqu’il s’est mis à témoigner des persécutions des Kasaïais du Katanga, en 1995. D’un condamné à l’exil loin des siens, dans une Belgique qui ne veut pas de lui.
«Le plus dur, c’était de perdre tout statut du jour au lendemain. J’étais quelqu’un d’écouté dans mon pays, et là, je n’étais plus rien.» Ce refus du statut d’anonyme ou de statistique est l’un des moteurs de son message. «Je ne suis pas l’Africain, je ne suis pas l’immigré. J’ai un nom, je suis Pie Tshibanda.»
Pas d’angélisme
Mais l’écrivain de 58 ans ne s’invite pas sur scène pour se lamenter. Car il explique aussi comment, peu à peu, les portes et les cœurs des habitants du petit village wallon qu’il habite se sont ouverts, pour faire finalement de leur invité surprise un objet de fierté. Il n’est pas là pour juger non plus. Bien sûr, il parle de colonisation, il parle de racisme. Mais tout simplement parce que ce sont des chapitres de l’histoire qu’il est venu conter.
Et avec le rôle de porte-voix, qui désormais est le sien, il parle aussi pour les autres. Lorsque certains viennent le voir après un spectacle pour lui dire: «On veut bien accueillir quelques réfugiés chez nous, mais des comme toi», il répond en souriant: «Je ne suis pas meilleur qu’un autre, c’est juste que vous m’avez donné l’occasion de vous parler.» Certains pourraient crier à l’angélisme, mais l’homme en a trop vu pour tomber dans ce travers-là. Et sur scène comme devant un café, il passe du rire à la gravité au détour d’un mot.
A cheval entre deux mondes, il tient un miroir à double face. Pour que tant les Africains rêvant d’Europe que les Européens craignant l’Afrique puissent s’y regarder en face. Son nouveau spectacle, Je ne suis pas sorcier, qu’il présentera à l’espace des Terreaux, poursuit ce travail d’échange et de décodage. En posant ses deux yeux, l’africain et l’européen, sur la vie, l’amour ou la mort, il va à l’essentiel de son message: «Je viens chez vous, mais je ne suis pas venu les mains vides.»
MARC ISMAIL
Pie Tshibanda sera à l’Espace culturel des Terreaux du jeudi 26 au dimanche 29 mars. Horaires et réservations: www.terreaux.org ou 021 320 00 46
... et il continuera sa tournée en se produisant le jeudi 2 avril à Moudon, 20H, salle de la Gare.
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