mercredi 9 juillet 2008

Initiative antiminarets, l'appel historique du Conseil fédéral

C'est du jamais-vu, ou presque! A peine les 114 895 signatures de l’initiative antiminarets étaient-­elles déposées hier à Berne, que le Conseil fédéral prenait déjà position contre le texte. Un article de Nadine Haltiner dans 24 Heures.

Une dé­marche extraordinaire pour les sept Sages, qui ont pour habi­tude de communiquer officielle­ment juste avant que le projet passe au parlement. C’est bien simple: on n’avait plus vu ça depuis 1934. Le Conseil fédéral était alors sorti du bois immédia­tement pour lutter contre une initiative des socialistes visant à combattre la crise économique, au moment même où planait sur l’Europe «la menace commu­niste ». C’est dire si le gouverne­ment considère aujourd’hui le projet antiminarets, lancé par des élus UDC et de l’Union dé­mocratique fédérale (UDF), comme sensible.
«Eviter une polémique inutile»

Mais pourquoi un tel empres­sement? Le gouvernement céde­rait- il à la panique? A vrai dire, dans son communiqué, il s’adresse moins à ses citoyens qu’aux pays étrangers, prioritaire­ment musulmans. «Cette initia­tive demandant que l’interdiction de construire des minarets soit inscrite dans la Constitution fé­dérale a été lancée par un groupe de citoyennes et citoyens suisses, précise-t-il. Il ne s’agit pas d’une initiative du gouvernement (…) Il n’y a pas de doute que le Conseil fédéral invitera le peuple suisse et le parlement à la rejeter.» Que craint donc le gouverne­ment en agissant de la sorte? «Un malentendu» répond Oswald Sigg, porte-parole du Conseil fédéral. Nous avons tou­tes les peines du monde à expli­quer le fonctionnement de notre démocratie directe à l’étranger, où notre système est méconnu. En expliquant que ce projet ne vient pas de lui, mais qu’il s’agit d’une question de la population, le Conseil fédéral veut éviter une polémique inutile.» C’est que tout le monde a en tête la crise suscitée par les cari­catures de Mahomet au Dane­mark, à la fin de l’année 2005. Ambassades attaquées, drapeaux brûlés et menaces de boycott avaient suivi la publication des dessins dans la presse. Autant de risques qui pourraient aussi guet­ter la Suisse. «L’idée est d’éviter une éventuelle radicalisation de certaines personnes, parce qu’on a vu ce qu’ont provoqué les cari­catures danoises», analyse Guido Balmer, porte-parole de l’Office fédéral de la police.
Calmer le jeu

«Calmer le jeu.» Tel est donc le mot d’ordre du Conseil fédéral, qui préfère arroser le terrain pour éviter tout incendie. Et cela fait des mois qu’il oeuvre dans ce sens. Face à des ini­tiants qui dénoncent «une ac­célération de l’islamisation ram­pante en Suisse» et fustigent des minarets «symboles de l’impéria­lisme islamique», Berne a déjà dû se justifier plus d’une fois. «Les représentations suisses dans les pays musulmans ont mené ces derniers mois une campagne d’explication de notre démocratie», ajoute Guido Balmer.
En janvier dernier, Mi­cheline Calmy-Rey a ren­contré le secrétaire général de l’Organisation de la con­férence islamique pour dédra­matiser l’affaire. En mars, plu­sieurs dirigeants musulmans se sont dits préoccupés par l’initiative. Et, en début d’an­née, lors de son voyage diplo­matique au Maroc et en Egypte, Pascal Couche­pin a aussi dû s’expli­quer.
Aujourd’hui, le communiqué du Conseil fédéral sonne comme un nouvel appel au calme. Ne craint-il pas au contraire de susciter l’effet inverse?
«Le Conseil fédéral ne donne pas plus de poids à l’initiative en prenant position mainte­nant », conclut Oswald Sigg.
Reste que les initiants se frot­tent déjà les mains pour ce coup de pub inattendu.

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