Imaginez. Nous sommes au lendemain des votations du 24 septembre, vous conduisez votre voiture. Devant vous, une femme se fait renverser par un chauffard, qui prend la fuite. Vous décidez d'emmener la victime aux urgences. A l'hôpital, on vous expliquera que l'article 116 de la LEtr vous rend punissable pour l'aide que vous avez apportée à une personne sans papiers – le fait que vous ignoriez tout de son statut n'y change rien. Ils ne la soigneront pas, et vous êtes coupable... d'un excès d'humanité. La situation n'a rien d'exagéré. Elle a été dénoncée par des infirmières et par des représentants d'Eglise qui refusent de devoir, au nom de la nouvelle loi sur les étrangers soumise en votation le 24 septembre, renoncer à leur éthique. Car la loi stipule que rien ne peut justifier une aide apportée au séjour d'une personne sans statut légal. Ni motifs honorables – comme dans la loi actuelle – ni le droit d'offrir l'hospitalité sans demander à votre hôte de vous fournir ses papiers. La question se posera également pour tous les enfants à qui l'école publique a ouvert ses portes sans discrimination de statut. Verra-t-on demain des jeunes en âge d'être scolarisés forcés de renoncer à l'école au nom du respect des «Lex Blocher»? Le cercle est évidemment vicieux car le système de gestion migratoire que la LEtr – mais également la nouvelle loi sur l'asile – propose ne fera qu'agrandir la communauté des bannis de la légalité. Ces deux lois trient sur le volet les personnes qui auront le privilège d'être accueillies en Suisse. Selon le nouveau droit, le modèle type du parfait requérant serait une personne possédant un passeport flambant neuf et voyageant en avion. Un plus s'il promet de ne pas faire d'histoire en cas d'expulsion. Sinon, il y aura toujours moyen de lui faire passer deux ans en cellule en vue du retour. Quant aux migrants extra-européens qui souhaiteraient s'installer en Suisse, ils seront évidemment les bienvenus. A condition d'être qualifiés dans les domaines où la Suisse a besoin de main-d'oeuvre, d'être de préférence célibataires ou de ne pas souhaiter faire venir leur famille. Les élus seront rares. Personne n'est dupe. Ceux qui ne réussiront pas à entrer dans notre pays par la voie légale viendront par la petite porte. Et la hausse de l'illégalité risque fort d'engendrer un accroissement de la précarité et des besoins d'assistance. Imaginez. Un prêtre. Une femme sans papiers et sa fille viennent frapper à sa porte. La jeune mère vient de se faire renvoyer... sans toucher le salaire dû. L'homme d'Eglise les héberge en toute charité. Depuis le vote du 24 septembre 2006, cependant, son acte est devenu illégal et il se voit infliger une amende de 20 000 francs. Il s'agit bien entendu d'une fiction. Si la loi devait être acceptée, sans doute la résistance s'organiserait-elle. Mais pouvons-nous accepter que la haine et le rejet de l'étranger soient inscrits dans notre droit? | |
samedi 9 septembre 2006
Tu n'aideras point ton prochain!
Lire l'édito de Virginie Poyetton dans le Courrier
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