vendredi 7 avril 2006

Editorial de Marco Gregori du Courrier

La digue contre la blocherisation

Marco Gregori est le premier éditorialiste à publier son texte à minuit juste, le voici tout chaud:

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SuisseLe 16 décembre 2005, la Confédération aurait-elle touché le fond? Un abîme dont on ne peut que remonter? Le dépôt hier des deux référendums contre la loi sur les étrangers (LEtr) et celle sur l'asile (LAsi), précisément votées par les Chambres fédérales en fin d'année dernière, ouvre un espoir dans ce sens. 164000signatures contre les deux textes législatifs, soit 90000 contre la LAsi et 74000 contre la LEtr. Comme abondance de bien ne nuit pas dans ce cas, la nouvelle est excellente.
Elle l'est d'une part parce que la récolte des signatures s'annonçait ardue. D'autre part, ce bon résultat marque peut-être un sursaut, voire –pourquoi pas?– un retournement de l'opinion publique. Alors qu'au départ, beaucoup voyaient ces référendums comme un acte de résistance mais n'osaient imaginer une victoire en votation populaire, on est désormais en droit de se dire que la «blocherisation» des esprits peut être stoppée.
Certes, la plus grande vigilance s'impose. D'autant que l'UDC ne lésinera pas sur les moyens pour exploiter son fonds de commerce favori: la peur de l'autre. Le communiqué de presse que le parti populiste a publié sitôt les référendums déposés est d'ailleurs éclairant par ses mensonges. On y parle «d'amélioration» par les Chambres des lois sur l'asile et sur les étrangers. On y prétend que la première «répond toujours au principe selon lequel une personne trouve accueil et protection en Suisse si elle est menacée». Et on y vante «un instrument utile contre les abus croissants dans le droit d'asile et contre les injustices qui en résultent à l'égard des vrais réfugiés».
Faut-il donc encore rappeler les atteintes à la dignité humaine que représentent ces deux textes? En vrac: emprisonnement jusqu'à deux ans d'un étranger qui refuse de collaborer à son expulsion, suppression de l'aide sociale pour les requérants déboutés, refus d'entrer en matière face à un demandeur d'asile dépourvu de papiers d'identité, et la liste n'est guère exhaustive. Surtout, les arguties de l'UDC sur les vrais et faux réfugiés ne constituent qu'un paravent qui ne devrait plus tromper personne. En témoignent les propos du conseiller fédéral Blocher à l'égard de deux Albanais qu'il a traités de criminels au motif qu'ils sont recherchés dans leur pays d'origine. Quand bien même ces deux personnes ont pu démontrer aux autorités responsables de l'octroi de l'asile qu'elles y avaient parfaitement droit.
Fort à propos, la présidente du PDC suisse Doris Leuthard expliquait hier à nos collègues de L'Illustré que M.Blocher «ne démontre pas la rigueur nécessaire» dans un domaine aussi sensible que l'asile. Alors pourquoi diable le PDC, au même titre que le Parti radical, a-t-il voté les deux lois inspirées par le conseiller fédéral UDC?
Dans ces deux partis, pourtant, des voix dissonantes commencent à se faire entendre. Peu probable qu'elles parviennent à modifier les prises de position de leurs directions. Mais elles permettront de rééquilibrer un tant soit peu le rapport de force et inciteront peut-être certains à sortir de leur réserve. Comme la conseillère fédérale socialiste Micheline Calmy-Rey, qui ne manque pas une occasion de rappeler à l'étranger la vocation humanitaire de la Confédération, et dont on dit qu'elle jouit, en Suisse, d'une grosse cote de popularité.

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