mercredi 31 août 2005

Les réfugiés climatiques par millions


L’élévation du niveau des eaux condamnera 150 millions d’humains à quitter leurs maisons, voire leur pays,
d’ici à la fin du siècle. C’est cinq fois plus que le nombre de personnes déplacées dans le monde aujourd’hui pour des motifs politiques ou économiques.


Voici l'article d'Isabelle Martin dans 24heures:

Des centaines de milliers de personnes qui fuient en catastrophe une ville construite sous le niveau de la mer, envahie par les eaux: la Nouvelle-Orléans a subi de plein fouet les caprices du cyclone Katrina. Mais les habitants qui se sont exilés pendant quelques jours retrouveront rapidement leurs foyers. Il en ira tout autrement d'ici à la fin du siècle pour 150 millions de «réfugiés climatiques», qui devront quitter définitivement leurs maisons et leurs terres, submergées par la montée du niveau des océans.

Il est devenu, le 5 septembre 2000, le 189e Etat membre des Nations Unies. Mais jusqu'à quand? L'archipel de Tuvalu aura les pieds dans l'eau dans deux générations au plus tard. Foi de climatologue. Les 11 000 habitants abandonneront leurs îles pour se réfugier vraisemblablement en Nouvelle Zélande, un lointain voisin qui accueillera alors les premiers réfugiés climatiques du XXIe siècle.

Le réchauffement provoqué par les émissions de gaz à effets de serre aura alors rayé un premier pays de la carte du monde. «Le processus est en cours: les habituelles marées de printemps sont de plus en plus fréquentes et destructrices sur ces îles qui culminent à peine à quatre mètres au-dessus du niveau de la mer. Les vagues d'eau salée vont peu à peu rendre les terres agricoles infertiles, avant de les faire disparaître complètement sous les eaux», relève Martine Rebetez, climatologue à l'Institut fédéral de recherche WSL, à Lausanne.

Delta du Nil condamné

Et les petites îles micronésiennes ne sont qu'un exemple miniature de ce qui attend à terme les autres régions côtières de la planète. «D'ici à 2100, l'élévation du niveau des océans se situera dans une fourchette de 20 centimètres à un mètre», poursuit la climatologue. Un tiers des terres du Bangladesh seront immanquablement mangées par la mer, condamnant à l'exil plusieurs dizaines de millions de personnes. Le delta du Nil subira le même sort: aujourd'hui dix millions de personnes y vivent à une altitude inférieure à un mètre! Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) mis sur pied par l'ONU estime qu'à la fin du siècle, ce sont 150 millions de personnes qui seront déplacées de force en raison de la montée du niveau des océans. Directement menacés, les Pays-Bas rehaussent le niveau de leurs digues. Une solution «exportable» au reste du monde? «Non! Dans un pays riche, il est possible de construire des digues sur quelques dizaines de kilomètres de côtes. Mais il est impossible de protéger les dizaines de milliers de kilomètres de littoral, en Indonésie, au Bangladesh ou ailleurs», tranche Martin Beniston, climatologue à l'Université de Fribourg.

Et le pire reste à venir: «Le mécanisme est enclenché, et son inertie est énorme. Même si l'on stabilisait maintenant les températures, on n'échapperait pas à une élévation du niveau des océans sur plusieurs siècles», note Martine Rebetez.

Au tour de New York?

La fonte totale des glaces du seul Groenland, c'est une élévation du niveau des océans d'au moins six mètres. «On la prévoyait d'ici mille ans, commente la climatologue. Mais des observations récentes sur un glacier montrent que la fonte, c'est inattendu, s'est encore considérablement accélérée. Si cela est confirmé par d'autres études, on pourrait craindre que le Groenland fonde d'ici 500 ans, ou qui sait 200 ans.» A terme, des villes côtières comme New York seront largement affectées. «Les quais ne seront pas inondés dans un avenir immédiat. Mais les grosses vagues provoquées par les tempêtes provoqueront de plus en plus de dégâts», souligne Martin Beniston. A l'image de ce qui s'est passé cette semaine à la Nouvelle-Orléans.

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