mercredi 31 août 2005

Les doutes sur la détention prolongée des requérants à expulser

Le nombre de requérants d’asile expulsés sous contrôle est pratiquement identique à Genève (ici à Champ-Dollon) et à Zurich. Or Genève en avait placé 7% en détention et Zurich 95%.


Lire l'article de Denis Barrelet dans 24heures

Pour combattre la criminalité, la Commission de gestion du Conseil national veut limiter la liberté de mouvement des requérants au début de leur séjour en Suisse. Elle émet des doutes sur l’utilité d’une détention prolongée pour préparer l’expulsion.
La détention avant expulsion peine à prouver son utilité
La détention d’un étranger en vue de son expulsion a fait ses preuves. C’est une des conclusions du rapport que la Commission de gestion du Conseil national a consacré aux mesures de contrainte introduites il y a dix ans. La commission constate cependant que cette incarcération n’est véritablement utile que durant les trois premiers mois de la détention. Actuellement, elle peut aller jusqu’à neuf mois. Gouvernement et Conseil des Etats veulent la porter à dix-huit mois. Le Conseil national doit se prononcer lors de la session d’automne.

Une telle prolongation aurait elle un effet psychologique sur les détenus qui s’ingénient à torpiller la recherche de papiers d’identité permettant leur expulsion? La Commission de gestion constate que les recherches qu’elle a fait faire ne permettent pas de trancher cette question. Elle rend toutefois attentif au fait que cette détention prolongée ne devrait pas prendre soudain le caractère d’une peine pour insoumission.
La commission de gestion a fait examiner de près la situation dans cinq cantons: Genève, Valais, Bâle-Campagne, Zurich et Schaffhouse. Le taux d’expulsion après une telle détention est de 94% pour les étrangers en situation irrégulière, de 62% pour les requérants d’asile déboutés. En fait, si le Valais, Bâle-Campagne et Zurich utilisent ce moyen systématiquement, Genève l’applique rarement, préférant donner des conseils en vue du retour et procéder à une escorte le jour du départ.
Expériences opposées
Le nombre de requérants d’asile expulsés sous contrôle est pratiquement identique à Genève (11%) et à Zurich (13%). Or Genève en avait placé 7% en détention et Zurich 95%. Seule incertitude: le nombre de dossiers en suspens dans le canton de Genève. La commission de gestion avoue ne pas avoir d’explication. Il est plus élevé de 57% à ce qui devrait être la norme. La commission se borne à enregistrer l’explication du canton, selon lequel il accueillerait un nombre disproportionné d’Africains, soit des personnes souvent très difficiles à expulser.
Dans ses recommandations au Conseil fédéral, la commission dénonce cette inégalité de traitement et demande que des mesures soient prises pour résoudre le cas de Genève et d’autres cantons similaires. Elle demande aussi des efforts pour conclure de nouveaux accords de réadmission et pour créer des incitations propres à faciliter les retours.
De manière générale, la commission estime qu’après dix ans d’expérimentation, le moment est venu d’uniformiser l’application des mesures de contrainte. Elle demande aussi que les cantons soient amenés à fournir des chiffres permettant de faire des comparaisons.
Au chapitre de la délinquance, la commission constate qu’à Genève et à Zurich, un tiers environ des requérants d’asile étaient inscrits dans les registres de police (chiffres de 2001 et 2002); 12% le sont pour des délits liés au trafic de stupéfiants (à titre de comparaison, ces chiffres sont de respectivement 12% et 1% parmi les jeunes hommes résidant en Suisse). Grâce aux périmètres d’exclusion imposés aux délinquants, on est parvenu à diminuer sensiblement le nombre de délits en matière de stupéfiants. D’où la recommandation de la commission visant à assigner à un certain périmètre ou à exclure d’une certaine zone les requérants d’asile pendant les premiers trois à six mois de la procédure déjà. Une mesure à laquelle le Conseil fédéral n’a pas songé.
Cantons satisfaits
Quant à la collaboration entre la Confédération et les cantons, au chapitre de l’exécution des renvois, tout ne va pas pour le mieux. Les cantons sont en général satisfaits, tout en demandant que l’Office fédéral des migrations (ODM) renforce ses effectifs et accélère les procédures. L’ODM, lui, reproche aux cantons de l’informer tardivement ou pas du tout de la levée de la détention de personnes tenues de quitter le pays. Il lui arrive ainsi fréquemment de continuer la recherche de pièces d’identité pour les personnes qui ont passé dans la clandestinité.

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