vendredi 22 juillet 2005

LARA POP

Réponse dU POP, GAUCHE EN MOUVEMENT
à la consultation sur le projet de loi sur
l'Aide aux requérants d'asile
et à certaines catégories d'étrangers (LARA)


Remarques liminaires
Le POP, gauche en mouvement, remercie le Conseiller d’Etat M. Jean-Claude Mermoud, Chef du Département des institutions et des relations extérieures (DIRE) de nous avoir invité à la consultation de l’avant-projet précité. De manière générale, nous saluons le fait que les missions, publiques et très importantes, de la Fondation vaudoise pour l’accueil des requérants d’asile (Fareas) soient définies dans une loi.
Néanmoins, nous tenons à exprimer notre désapprobation concernant les délais imposés, si courts qu'ils rendent difficiles les conditions nécessaires à une prise de position conséquente, même si un délai supplémentaire nous a été accordé.
Par ailleurs, nous avons été surpris de constater que certains aspects du projet de loi sont si peu développés qu'ils entravent la possibilité de se déterminer en connaissance de cause, notamment en ce qui concerne le nouveau concept de prise en charge de la FAREAS.
Le fait de rendre public ledit concept de réorganisation de la FAREAS de façon déconnectée du projet mis en consultation, et ce, à deux jours du terme fixé pour la consultation, nous semble particulièrement regrettable. En effet, nous trouvons dans ce concept des éléments précis qui venant justement combler certaines lacunes du projet de loi, qui sont loin d'être anodins et qui ne sont pas soumis officiellement à consultation. Le fait enfin que la réorganisation de la FAREAS soit non seulement fondée sur la nouvelle vision présentée par le projet de loi, mais renforce encore la ligne sécuritaire amorcée par ledit projet, alors même que la consultation n'est pas terminée et surtout que le Grand Conseil ne s'est pas prononcé, ressemble fort à ce que l'on peut nommer du forcing, et ne respecte pas le processus démocratique habituel.

Généralités

L’avant-projet de loi soumis à consultation par le DIRE, que nous avons étudié avec beaucoup d’attention, devrait être complètement revu, car il va à l’encontre des résultats actuels de la recherche dans le domaine des migrations, qui montre que l’égalité de traitement, le respect de la dignité humaine et la protection particulière de certaines catégories (les mineur·e·s) devraient être les fondements de toute politique en la matière. La production de normes particulières d’aide sociale liées au statut légal des personnes introduit une inégalité de traitement préjudiciable à toute vie en société. En effet, il a été démontré que cette production de normes différenciées selon les catégories de statut de séjour renforce les discriminations dont sont victimes les personnes de nationalité étrangère, qui, quel que soit ce qu’elles font ou ne font pas, sont de facto insérées dans une catégorie qui leur ouvre ou leur ferme l’accès à certains droits. Cela va à fin contraire d’une politique d’intégration qui, réclamant une participation active des individus, exige d’eux qu’ils ne soient pas enfermés dans un statut. Cette inégalité de traitement ne fait en outre que renforcer les préjugés de la population autochtone concernant certaines catégories d’étrangers.
Dans ce sens, il est pour nous clair que l’aide sociale devrait être garantie à tous, sans différence d’application selon la catégorie (y compris pour les personnes sous le coup d’une NEM, ce qui a été récemment confirmé par le Tribunal administratif), conformément aux principes contenus dans la Constitution fédérale et dans la Constitution cantonale.
C’est dire que nous contestons l'introduction de l'aide d'urgence destinée spécifiquement aux personnes sous le coup d'une non-entrée en matière sur leur demande d'asile (NEM), et son extension aux personnes sans statut légal. Nous estimons pour notre part que la LARA devrait instaurer une base légale pour traiter toutes les personnes en situation irrégulière au minimum de la même façon que les requérant-e-s d'asile, étant donné que la norme d'assistance prévue pour ces derniers – qui constitue déjà un régime d'exception de l'aide sociale – ne se justifie juridiquement que par le caractère provisoire du séjour. En effet, si la Constitution fédérale pose un socle minimal incompressible, les cantons sont libres de déterminer leurs propres normes de prise en charge. Rappelons à ce propos que le canton de Vaud s'était opposé à la suppression d'assistance pour les personnes sous le coup d'une NEM.
Par ailleurs, l’aide sociale n’a rien à voir avec une tâche de police. Pour le POP, gauche en mouvement,, un des points les plus critiques du projet de loi est que celui-ci ancre une différence importante dans le traitement et dans les compétences en matière d’aide sociale. L'aide sociale ordinaire concerne ainsi les Suissesses et les Suisses et les personnes étrangères établies (permis B et C) et dépend du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS), alors que pour toute autre personne de nationalité étrangère, l’autorité compétente est la même autorité que celle de police des étrangers (Service de la population) et Fareas qui dépend également du DIRE. A la faveur de ce projet de loi, il nous paraît que l’occasion aurait été de proposer, au contraire, le passage de toutes les tâches d’assistance au DSAS, ceci d’autant que le volet de la prise en charge médicale, pour les requérants d’asile et les personnes en situation irrégulière, demeurera de la responsabilité du DSAS.

Le projet prévoit de maintenir la FAREAS dans un statut d'entité indépendante de l'État, à la seule fin de lui laisser la marge de manœuvre nécessaire pour s'adapter aussi rapidement que possible aux fluctuations de la population à assister, ce que permettent difficilement les règles de gestion applicables à l'État (sic, p. 8). Nous estimons qu'un organe délégataire devrait appliquer les règles de gestion du personnel de l'État qui le finance, et non pas les contourner. Par ailleurs, nous estimons contradictoire et même opportuniste l'intention d'à la fois maintenir la FAREAS dans un statut indépendant et de la doter de pouvoirs très importants, dont il est contestable qu'ils soient du ressort d'une instance non étatique (à de nombreuses reprises il est affirmé que la FAREAS est investie de la puissance publique). Nous estimons que la FAREAS est dotée de tous les attributs d'un service de l'administration, et que son statut devrait être transformé dans ce sens et être intégré au DSAS
Nous estimons que ce projet donne un pouvoir exagéré à l'exécutif, notamment en ce qui concerne la détermination des normes d'assistance. En effet, si une nouvelle norme d'assistance – aide d'urgence – devait être instaurée par cette loi, nous estimons que cette norme doit être au minimum précisée dans la loi elle-même. Au vu des enjeux qui se présentent – risque de tirer l'édifice de prestations sociales vers le bas – et des inégalités de traitement qui seraient instaurées – normes d'hébergement inférieures, minimum vital inférieur, prise en charge sanitaire et médicale inférieure – le Grand Conseil devrait être placé en position de se déterminer sur cette question sur la base d'informations précises et concrètes, ce qui n'est actuellement pas le cas. Au minimum, le Grand Conseil devrait, en plus du contrôle par ses commissions des finances et de gestion, pouvoir se prononcer et se déterminer périodiquement sur la politique en matière d’asile du canton, à l’image de la politique sanitaire.

De plus, et dans le contexte posé, le rapprochement entre l'entité compétente en matière d'accueil (FAREAS) et l'entité compétente en matière d'enregistrement administratif et de gestion des procédures (section asile du SPOP) - amorcé en 2002 par le rattachement de la FAREAS au DIRE - nous paraît relever d'une logique peu conforme à la mission d'accueil et d'aide prévue dans ce domaine. Plus précisément, le projet qui vise à adapter les prestations d'aide au stade d'avancement de la procédure nous semble en grave décalage avec la mission d'assistance. Les mesures prévoyant l'accès pour le personnel de la FAREAS aux informations ultra sensibles de plusieurs bases de données de la police des étrangers nous paraissent aussi déplacées qu'injustifiées et les garanties de confidentialité insuffisantes.
Nous sommes défavorables à la volonté exprimée dans le projet de loi, qui consiste dans le même temps à élargir considérablement les tâches de la FAREAS, et à confier l'entier des responsabilités à son directeur, qui en devient l'«unique organe dirigeant» en raison de la suppression du Conseil de fondation, et dont les prérogatives sont extraordinairement étendues. Ce double mouvement – attribuer de très larges prérogatives à un organisme et concentrer les responsabilités sur une seule personne - nous paraît non souhaitable, voire dangereux.



Prise en charge
Concernant l'étendue des prérogatives confiées à la FAREAS:
Pour le POP, gauche en mouvement, les modalités d’assistance ne sont pas des éléments adéquats pour régler des questions des procédures. L’aide sociale ne doit pas servir de moyen de coercition. Toute sanction décidée à ce titre doit donc avoir un lien étroit, qui n’est pas donné en l’état, avec les objectifs de l’aide sociale.

- les prérogatives en matière d'hébergement - et d'expulsion - nous semblent conférer un pouvoir disproportionné à l'organe délégataire, tout en évacuant les dispositions de droit privé qui devraient pouvoir s'appliquer; le pouvoir de menacer les récalcitrants des peines prévues à l'art. 292 du CP nous paraît abusif;
- les nouvelles prérogatives décisionnelles en matière de modification et de réduction de l'assistance (par application de sanctions), ne sont pas de son ressort. Le cadre posé est de plus insuffisamment précis (notamment en ce qui concerne les sanctions en cas d'incivilités);
- les nouvelles prérogatives en matière d'accès à des données confidentielles relevant de la loi sur l'asile ou de la police des étrangers nous paraissent injustifiées;
nous considérons que les nouvelles prérogatives autorisant le personnel de la FAREAS à procéder à des contrôles en tout temps dans les logements collectifs ou individuels, ainsi que le pouvoir confié au directeur de procéder à la fouille des biens personnels déroge aux principes de respect des libertés personnelles.


Concernant le type de prise en charge proposé:
- sur le plan social, nous sommes extrêmement préoccupés de constater l'absence de considérations par rapport à l'insuffisance actuelle de l'encadrement social de la FAREAS, ainsi que l'absence de la volonté de le renforcer: les informations présentées permettent pourtant de constater un taux d'encadrement social de l'ordre de 0.6 assistant-e social-e pour 100 personnes, ou autrement dit 3 assistant-e-s sociaux pour 500 personnes ! Cet encadrement devrait être nettement plus important pour permettre à des personnes, arrivées en Suisse le plus souvent après un long et épuisant parcours, de se trouver accueillies et aidées comme des êtres humains à part entière.
Nous estimons particulièrement préjudiciables ces lacunes dans un projet de loi portant sur l'aide aux requérants d'asile.
- Sur le plan médical et de l'accès aux soins, le projet prévoit un système de prise en charge médicale d'exception (soins d'urgence) plutôt que de garantir l’application de la loi et un accès égal pour tous et toutes aux soins indépendamment du statut et des revenus, alors que rien juridiquement ne s'y oppose. Le principe même d'un réseau de santé à disposition pour faciliter l'accès aux soins nous semble être une mesure positive. Nous nous inquiétons cependant de constater les termes dans lesquels la finalité de ce réseau organisé sous forme de double gate-keeping est présentée dans l'EMPL (p.24): «Le système de portails permet une réduction de la consommation de prestations médicales et donc des frais de santé.» Nous sommes pour notre part convaincus que la finalité première d'un système de portails devrait être de faciliter l'accès des usagers aux soins infirmiers et médicaux, et secondairement avoir une finalité de réduction de la «consommation», ou une finalité d'économies budgétaires. Neanmoins, nous sommes dans l'obligation de relever que le double portail – d'abord infirmier, puis médical - constitue une mesure d'exception supplémentaire qui s'applique à cette population (à l'heure actuelle, nous ne connaissons aucun autre exemple de ce type de rationalisation).
Nous estimons que les personnes en situation illégale (NEM et Sans-papiers) qui sont présentes sur le territoire cantonal doivent également pouvoir bénéficier de facilités d'accès aux soins infirmiers et médicaux, et que ces derniers ne soient pas restreints aux soins d'urgence. Les lacunes du système actuel pour ces derniers, ainsi que les conséquences négatives mises en évidence par les médecins devraient être considérées et prises en compte pour améliorer le système. En effet, et sauf situation très spécifique où un domicile ne peut être déterminé en Suisse, l’assurance obligatoire des soins inscrite dans la LAMal et son corollaire (le subside aux primes) devraient donc pouvoir éviter de créer une telle prise en charge minimale et d'exception (soins d’urgence).
-Nous nous opposons à l'octroi de prestations en nature. La pratique actuelle, soit le versement de forfaits d'assistance, est à notre sens hautement préférable. L'octroi de prestations en nature est fondamentalement associé à une visée désincitative et comporte un caractère humiliant pour la personne. De plus cela constitue une régression en matière d'assistance.

Protection particulière de certaines catégories
D’emblée, nous voulons signifier que nous ne comprenons absolument pas quelle logique préside à distinguer les mineurs non accompagnés de moins de 12 ans et de plus de 12 ans.
La recherche concernant les Mineur·e·s non-accompagné·e·s, tous âges confondus, montre que cette catégorie a des besoins spécifiques en matière d’encadrement, auquel l’avant-projet de loi ne répond pas. La grande majorité des Mineur·e·s non-accompagné·e·s a vécu des traumatismes importants ( huit Mineur·e·s non-accompagné·e·s sur dix ont été victimes de violences et deux tiers sont orphelins ou leurs parents sont très malades). L’impact produit par ces situations extrêmes n’a hélas jusqu’ici pas induit une prise en charge réelle des séquelles de la violence que ces enfants ont subie.
Les mesures devraient concerner l’ensemble de la catégorie, soit les mineur·e·s jusqu’à 18 ans, car leur situation particulière dans le domaine de l’asile est liée à leur minorité et les mesures de protection des mineur·e·s les concernent jusqu’à leur majorité. C’est un devoir d’humanité, conforme aux engagements de la Suisse en matière de protection de mineur·e·s, de leur accorder des mesures de protection particulières.
Si un lieu d’accueil spécifique doit bien leur être destiné (art. 33), ce lieu devrait bénéficier d’un encadrement social spécifique et important, supervisé par les spécialistes du Service de protection de la jeunesse, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant (Art 3.1 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, ratifiée par la Suisse).

Conclusion

Le POP, gauche en mouvement, n’a pas pu se prononcer en détail sur tous les points du projet de loi, mais nous considérons qu’en l’état, le projet est inacceptable et doit être revu dans son intégralité.
Il est impératif que la FAREAS soit considéré comme un service de l’Etat et soit rattachée au DSAS.
Nous considérons que l’aide sociale minimale est celle actuellement fournie par la FAREAS (qui est déjà 2 fois inférieure aux normes de l’aide sociale habituelle et donc déjà une forme d’exception) et nous nous opposons à toute aide moindre.
Nous considérons que le contrôle démocratique n’est pas garanti et que le rôle du Grand Conseil doit être revu et amplifié.


Au nom du POP GAUCHE EN MOUVEMENT
Bernard Borel, député
Aigle 18 juillet 05

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