Position de l'OSAR
Avant-projet de loi cantonale sur l’aide aux requérants d’asile et à certaines catégories d’étrangers (PLARA)
L’OSAR remercie le Conseiller d’Etat M. Jean-Claude Mermoud, Chef du Département des institutions et des relations extérieures (DIRE) de nous avoir invité à la consultation de l’avant-projet précité. De manière générale, nous saluons le fait que les missions, publiques et très importantes, de la Fondation vaudoise pour l’accueil des requérants d’asile (Fareas) soient définies dans une loi. L’OSAR est plus critique sur le fait que la compétence pour l’assistance aux personnes relevant de l’asile soit sous la tutelle du DIRE, et non du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS).
Par un hasard de calendrier, la décision du Tribunal administratif du canton de Vaud, du 15 juin, qui admet un recours prononcé par le Service d’aide juridique aux exilés (SAJE) pour le régime que le Conseil d’Etat a réservé, sans base légale, aux requérants frappées d’une non-entrée en matière, vient d’être connue. Il est à prévoir que cette décision aura encore des répercussions sur ce projet de loi et sur d’autres bases légales cantonales. Nous suivrons les discussions dans le canton de Vaud avec une grande attention.
Remarque liminaire
Cette loi permet de réunir dans un cadre unique l’ensemble des bases légales concernant la délégation des tâches que doit remplir la Fondation Fareas et renforce le contrôle du Conseil d’Etat. Un engagement plus important du canton de Vaud par rapport à la politique d’asile et une responsabilité accrue autour de la mission publique essentielle que remplit la Fareas sont, pour l’OSAR, certainement positifs.
Dans notre prise de position, nous nous bornerons à souligner cinq points qui touchent à des principes et ont un lien avec le mandat de l’OSAR :
L’assistance n’est pas une tâche de police
La conditionnalité de prestations d’aide sociale est problématique
Les principes de l’aide d’urgence doivent être définis
Séparation de la procédure d’asile et des aspects touchant aux prestations d’assistance
Les limitations de la liberté personnelle doivent notamment répondre au principe de la proportionnalité
Principes généraux
Autorité compétente pour l’assistance
L’aide sociale n’a rien à voir avec une tâche de police. Pour l’OSAR, un des points les plus critiques du projet de loi est que celui-ci ancre une différence importante dans le traitement et dans les compétences en matière d’aide sociale. L'aide sociale ordinaire concerne ainsi les Suissesses et les Suisses et les personnes étrangères établies (permis B et C) et dépend du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS), alors que pour toute autre personne de nationalité étrangère, l’autorité compétente est la même autorité que celle de police des étrangers (Service de la population) et Fareas qui dépend également du DIRE.
A la faveur de ce projet de loi, il nous paraît que l’occasion aurait été de réfléchir, au contraire, au passage de toutes les tâches d’assistance au DSAS, ceci d’autant que le volet de la prise en charge médicale, pour les requérants d’asile et les personnes en situation irrégulière, demeurera de la responsabilité du DSAS.
Conditionnalité de l’aide sociale
L’aide sociale ne peut et ne devrait donc pas constituer un moyen de coercition. En l’occurrence, le projet de loi en question le permet et le prévoit, créant de fait une forme de « double peine » pour les personnes dont l’aide sociale relève de la compétence de la Fareas. Ceci crée une inégalité de traitement avec les personnes suisses et les étrangers établis.
De plus et surtout, l’OSAR souligne qu’en ce qui concerne l’article 57 du projet de loi (réduction de l’assistance), les trois cas particuliers et cités dans le commentaire en page 65 sont problématiques, en regard du principe de la proportionnalité :
concept d’«incivilité» est trop peu précis, il laisse une marge d’appréciation beaucoup trop grande à l’autorité, en l’occurrence à la Fareas. Il nous paraît que la sanction, – qui consiste en une réduction de l’aide sociale, déjà minimale, pour un comportement d’«incivilité» par lequel, selon le commentaire en page 65, « […] il faut entendre tout comportement qui, sans être pénalement répréhensible, serait contraire aux mœurs, à l'ordre public ou, par exemple, à un règlement de maison édicté par la Fareas », – ne respecte pas le principe de proportionnalité.
cas d’infraction pénale : l’OSAR estime que les infractions pénales doivent donner lieu à des sanctions pénales, la réduction de l’aide sociale consacre le principe de la double peine et consacre une inégalité de traitement entre les requérants d’asile et les autres personnes étrangères.
refus de collaboration : va trop loin et est là aussi trop peu précis. L’OSAR ne partage pas l’avis exprimé dans le commentaire, en page 65, selon lequel cet état de fait rejoint de manière générale l’esprit de l’article 83 LAsi. Cet article permet de réduire l’aide sociale exclusivement si un lien étroit entre refus de collaboration et prestations d’assistance existe.
L’aide sociale doit répondre à des objectifs de prise en charge, à des fins d’intégration temporaire ou durable, mais ne saurait répondre à d’autres objectifs. Il faut de plus également se demander si une autre mesure, plus respectueuse des droits de la personne, ne pourrait pas mener à l’objectif escompté.
Incitations dans l’aide sociale
Pour l’OSAR, des incitations peuvent avoir, dans le cadre de la vie quotidienne des personnes hébergées dans un centre, des effets positifs. Les incitations, pour être probantes, devraient être couplées avec des éléments, en vue par exemple de faciliter l’exercice d’une activité lucrative.
Mais, dans le cas précis, elles ne sont pas adéquates, dès lors qu’elles n’ont qu’un caractère de sanction, qu’elles sont dictées par le seul objectif de faire des économies et qu’elles concernent des personnes qui touchent déjà une assistance minime. Les normes d’assistance pour les personnes du domaine de l’asile sont en-deça des recommandations minimales de la CSIAS. Nous doutons donc de la réussite d’un système incitatif tel qu’il est esquissé dans le projet.
Aide d’urgence
Suite au recours du SAJE, l’OSAR observera avec attention les développements. Pour l’heure, le fait que les personnes frappées d’une décision de NEM seront temporairement relogées dans les établissement gérés par la FAREAS et recevront l’aide sociale prévue pour les autres requérants d’asile est bien évidemment, sur le
plan de la dignité des personnes en question, une chose très positive.
En outre, dans le contexte du projet de loi en question, l’OSAR salue le fait que les autorités vaudoises s’en tiennent au principe selon lequel l’aide d’urgence constitue un minimum incompressible (p. 64).
L’OSAR salue aussi le fait que la Fareas prévoit des hébergements particuliers pour quelques catégories de personnes vulnérables. Par rapport aux modalités de l’aide d’urgence, nous nous permettons de rappeler ici nos principales revendications :
Les modalités de l’aide d’urgence doivent faire l’objet d’une loi
L’information quant au droit à l’aide d’urgence doit être garantie
Les « personnes vulnérables » sont pour l’OSAR : les enfants, les personnes âgées, les familles avec petits enfants, les personnes nécessitant des soins et les femmes enceintes.
L’aide au retour (conseils et prestations financières) doit être proposée aux personnes qui doivent quitter la Suisse
Les personnes concernées devraient disposer d’un document de légitimation, afin de faciliter leurs contacts avec les autorités, notamment pour leur éviter par exemple les contrôles policiers inopinés.
Séparation entre procédure et prestation d’assistance
Le rapprochement accru, qu’ancre le projet de loi en question, entre la Fareas et l'entité compétente en matière d'enregistrement administratif et de gestion des procédures (SPOP), devrait permettre d'adapter les prestations d'aide au stade d'avancement de la procédure:
« Les prestations et les lieux de vie mis à disposition seront adaptés aux différentes phases de séjour. Grâce à un bon échange d’informations avec les autorités chargées de la procédure, la FAREAS pourra adapter ses prestations à l’état d’avancement de la procédure. […] » (p.18).
Pour l’OSAR, il est fondamental de séparer les deux aspects, qui poursuivent des objectifs diamétralement opposés. Une fois de plus, les modalités d’assistance ne sont pas des éléments adéquats pour régler des questions des procédures. L’aide sociale ne doit pas servir de moyen de coercition. Toute sanction décidée à ce titre doit donc avoir un lien étroit, qui n’est pas donné en l’état, avec les objectifs de l’aide sociale.
1.1.1Limitation de la liberté personnelle et principe de proportionnalité
De l’avis de l’OSAR, certaines prérogatives données à la Fareas vont trop loin et sont problématiques, dès lors qu’elles limitent fortement la liberté personnelle.
La FAREAS dispose en tout temps du libre accès à toutes les structures d'hébergement, collectives ou individuelles :
« En cas de trouble, la FAREAS peut en tout temps faire appel à la force publique pour rétablir le calme et appréhender les fauteurs de trouble. Même en dehors de troubles, le directeur de la FAREAS ou les agents de la force publique peuvent en tout temps procéder à la fouille des biens personnels des requérants d'asile afin de constater ou de prévenir la commission d'une infraction pénale ou pour rechercher des objets illicites ou dangereux. Dans ce dernier cas, une fouille corporelle peut être effectuée dans un logement collectif, conformément à l'article 9 LAsi, par un agent du même sexe appartenant à la force publique »
L’OSAR estime que ces prérogatives représentent des atteintes aux droits fondamentaux exagérées et que leur conformité aux articles 10 et 13 de la Constitution est douteuse. Nous soulignons de plus que l’article 9 de la LAsi ne concerne la fouille des biens que pour « rechercher des documents de voyage, des pièces d’identité ou des objets dangereux », et rien d’autre. Il est de plus évident pour l’OSAR que seul en présence d’un soupçon avéré et concret, l’autorité devrait pouvoir intervenir.
Le pouvoir d’appréciation discrétionnaire laissé à l’autorité, en l’occurrence la direction de la Fareas, est également hautement problématique.
En conclusion
L’OSAR ne se prononce pas en détail sur tous les points du projet de loi, notamment lorsqu’elle concernent la politique cantonale, mais tenait à rappeler les principes qu’elle défend et notamment le fait que l’assistance sociale aux personnes du domaine de l’asile ne devrait pas être une tâche de police, mais relever d’une autorité d’action sociale.
Si l’OSAR estime judicieux que le Conseil d’Etat s’implique davantage dans la politique d’asile, par le biais d’une responsabilité accrue sur les missions de la FAREAS, il est tout autant fondamental de disposer à la tête de l’institution d’une direction et d’un personnel porteurs de visions. Les missions de la Fondation devraient donc reposer sur une politique de prévention et de réductions des risques, notamment par un encadrement social renforcé des populations à héberger. Nous regrettons que l’encadrement repose, dans ce contexte, essentiellement sur un volet sécuritaire et nettement moins sur un volet d’encadrement social, comme le laisse présager le taux relativement modeste d’encadrement par des assistants sociaux. Les conséquences sont à la fois la charge excessive qu’elle fait porter sur le personnel et la péjoration du lien social.
La qualité de l’accueil et un dialogue, dès la phase d’accueil, avec les personnes à héberger, quant à leurs perspectives réalistes en Suisse, nous semblent devoir être privilégiés. L’OSAR est soucieuse que la Confédération et les cantons poursuivent une politique d’asile respectueuse de la dignité des requérants et requérantes d’asile, y compris, celles et ceux qui devront quitter la Suisse.
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