vendredi 22 juillet 2005

LARA PAM

Réponse de la Plate-forme Asile-Migration
à la consultation sur le projet de loi sur
l'Aide aux requérants d'asile
et à certaines catégories d'étrangers (LARA)





Cette réponse constitue la position majoritaire des membres de la Plate-forme Asile-Migration à la consultation citée en titre.
La réponse de Caritas, dont certaines positions diffèrent, sera transmise de manière séparée.



Remarques préliminaires
Concernant la forme de cette consultation, nous tenons à exprimer notre désapprobation concernant les délais imposés, si courts qu'ils rendent difficiles les conditions nécessaires à une prise de position conséquente.
Par ailleurs, nous avons été surpris de constater que certains aspects du projet de loi sont si peu développés qu'ils entravent la possibilité de se déterminer en connaissance de cause, notamment en ce qui concerne le nouveau concept de prise en charge de la FAREAS.
Le fait de rendre public le concept de réorganisation de la FAREAS de façon déconnectée du projet mis en consultation, et ce à deux jours du terme fixé pour la consultation, nous semble particulièrement regrettable. En effet, nous trouvons dans ce concept des éléments précis qui venant justement combler certaines lacunes du projet de loi, qui sont loin d'être anodins et qui ne sont pas soumis officiellement à consultation. Le fait enfin que la réorganisation de la FAREAS soit non seulement fondée sur la nouvelle vision présentée par le projet de loi, mais renforce encore la ligne sécuritaire amorcée par ledit projet, alors même que la consultation n'est pas terminée et surtout que le pouvoir législatif cantonal ne s'est pas prononcé, ressemble fort à ce que l'on peut nommer du forcing. En effet, tout le contenu de la réorganisation de la FAREAS échappe ainsi à la volonté du législatif. De tels procédés ne respectent pas selon nous les principes et processus démocratiques qui sont en vigueur en Suisse, ce que nous déplorons vivement. Pour ces raisons, et bien que les principes de réorganisation de la FAREAS ne soient pas soumis à consultation, nous nous prononçons sur les points directement liés à certains aspects du projet de loi.

Généralités

Nouvelles normes d'assistance catégorielles et base légale
Si nous pouvons apprécier de façon positive la volonté du législateur de doter l'assistance cantonale en matière d'asile d'une loi qui précise et clarifie les missions et prérogatives des différents acteurs en présence, nous sommes opposés à l'instauration de nouvelles normes d'assistance catégorielles et impliquant de nouvelles inégalités de traitement, dont la justification finaliste – utilisation du levier du droit à l'aide sociale pour poursuivre des buts exogènes de politique des étrangers – ne va pas de soi, comme l'a rappelé le Tribunal administratif récemment (arrêt PS.2004.0230 du 15 juin 2005). À ce titre, nous contestons l'introduction de l'aide d'urgence destinée spécifiquement aux personnes sous le coup d'une non-entrée en matière sur leur demande d'asile (NEM), et son extension aux personnes sans statut légal.
En effet, ce projet concrétise une nette séparation concernant le traitement en matière d'assistance des personnes en fonction de leur statut. Plus précisément, l'aide sociale ordinaire concerne les Suisses-ses et les personnes étrangères permis B et C, et dépend du DSAS. Pour toutes les autres personnes de nationalité étrangère - permis en deçà du B, ainsi que sans permis – c'est un double régime d'exception (ou un régime d'exception dédoublé): assistance des requérants d'asile (livret F, N, et S), et aide d'urgence pour tous les autres (requérant-e-s d'asile déboutés, personnes sous le coup d'une NEM et Sans-papiers).
L’introduction d'une nouvelle norme - aide d’urgence - a également pour effet de d’instaurer un nouveau montant financier largement inférieur à tous ceux existant, y compris celui du régime d’exception d’aide sociale pour requérant-e-s d’asile. Les recommandations introduisent en effet un sous-sous-minimum vital, puisque son montant (théorique) de 240.- par mois est inférieur de moitié au minimum servi aux requérants d’asile, et représente moins du quart du montant d’aide sociale ordinaire destiné aux besoins essentiels. Des points de vue conceptuel et juridique, cette étape est loin d’être anodine puisqu’elle abaisse drastiquement le seuil critique du minimum vital. Pour exemple, dans les recommandations en matière d’aide sociale de la CSIAS révisées dernièrement à la baisse, on trouve l’inscription d’un minimum vital absolu chiffré à 800.- par mois. Lequel minimum est considéré comme intouchable et comme l’extrême limite en dessous de laquelle on ne peut en aucun cas aller sans attenter à la dignité humaine. De toute évidence, il y a dignité et dignité... Autrement dit, la conception de la dignité humaine se concrétise différemment selon le statut des personnes: ce qui serait indigne pour une personne de nationalité suisse ou pour une personne de nationalité étrangère établie en Suisse semble ne pas l'être pour une personne sans papiers. Ainsi, bien que le concept de dignité humaine s'applique dans l'esprit de la Constitution fédérale à la qualité d'être humain, il est mis en œuvre dans la réalité helvétique comme une notion à géométrie variable. Accepter de nouvelles normes c'est donc accepter aussi qu'il y ait différentes modulations de la dignité humaine (selon le statut et le mérite ?).
Nous estimons pour notre part que la LARA devrait instaurer une base légale pour traiter toutes les personnes en situation irrégulière au minimum de la même façon que les requérant-e-s d'asile, étant donné que la norme d'assistance prévue pour ces derniers – qui constitue déjà un régime d'exception de l'aide sociale – ne se justifie juridiquement que par le caractère provisoire du séjour. En effet, si la Constitution fédérale pose un socle minimal incompressible, les cantons sont libres de déterminer leurs propres normes de prise en charge. Rappelons à ce propos que le canton de Vaud s'était opposé à la suppression d'assistance pour les personnes sous le coup d'une NEM.


Compétences
Nous estimons que ce projet donne un pouvoir exagéré à l'exécutif, notamment en ce qui concerne la détermination des normes d'assistance. En effet, si une nouvelle norme d'assistance – aide d'urgence – devait être instaurée par cette loi, nous estimons que cette norme doit être au minimum précisée dans la loi elle-même. Au vu des enjeux qui se présentent – risque de tirer l'édifice de prestations sociales vers le bas – et des inégalités de traitement qui seraient instaurées – normes d'hébergement inférieures, minimum vital inférieur, prise en charge sanitaire et médicale inférieure – le pouvoir législatif devrait être placé en position de se déterminer sur cette question sur la base d'informations précises et concrètes, ce qui n'est actuellement pas le cas.
Par ailleurs, nous trouvons que le passage de compétences d'un exécutif à un autre est actuellement inopportun, c'est-à-dire de vouloir transférer les compétences en matière d'assistance relevant du Département de la santé et de l'action sociale (DSAS) au Département des institutions et des relations extérieures (DIRE). Doter l'autorité compétente en matière d'asile et de police des étrangers de nouvelles compétences en matière d'assistance - qui plus est déléguées en majeure partie à un organe délégataire de statut privé mais en relation hiérarchique directe avec le chef de département – nous paraît relever d'un mélange des rôles peu indiqué pour assurer de manière satisfaisante la mission d'assistance dont il est question. Nous prônons le maintien des compétences en question au DSAS, et que ce département assume l'entier du cahier des charges en matière d'assistance – ce qui implique selon nous le retour de la FAREAS sous la responsabilité du DSAS.
De plus, et dans le contexte posé, le rapprochement entre l'entité compétente en matière d'accueil (FAREAS) et l'entité compétente en matière d'enregistrement administratif et de gestion des procédures (section asile du SPOP) - amorcé en 2002 par le rattachement de la FAREAS au DIRE - nous paraît relever d'une logique peu conforme à la mission d'accueil et d'aide prévue dans ce domaine. Plus précisément, le projet qui vise à adapter les prestations d'aide au stade d'avancement de la procédure nous semble en grave décalage avec la mission d'assistance. Les mesures prévoyant l'accès pour le personnel de la FAREAS aux informations ultra sensibles de plusieurs bases de données de la police des étrangers nous paraissent aussi déplacées qu'injustifiées et les garanties de confidentialité insuffisantes.
Nous sommes défavorables à la volonté exprimée dans le projet de loi, qui consiste dans le même temps à élargir considérablement les tâches de la FAREAS, et à confier l'entier des responsabilités à son directeur, qui en devient l'«unique organe dirigeant» en raison de la suppression du Conseil de fondation, et dont les prérogatives sont extraordinairement étendues. Ce double mouvement – attribuer de très larges prérogatives à un organisme et concentrer les responsabilités sur une seule personne - nous paraît non souhaitable, voire dangereux.
Le projet prévoit de maintenir la FAREAS dans un statut d'entité indépendante de l'État, à la seule fin de lui laisser la marge de manœuvre nécessaire pour s'adapter aussi rapidement que possible aux fluctuations de la population à assister, ce que permettent difficilement les règles de gestion applicables à l'État (sic, p. 8). Nous estimons qu'un organe délégataire devrait appliquer les règles de gestion du personnel de l'État qui le finance, et non pas les contourner. Par ailleurs, nous estimons contradictoire et même opportuniste l'intention d'à la fois maintenir la FAREAS dans un statut indépendant et de la doter de pouvoirs très importants, dont il est contestable qu'ils soient du ressort d'une instance non étatique (à de nombreuses reprises il est affirmé que la FAREAS est investie de la puissance publique). Nous estimons que la FAREAS est dotée de tous les attributs d'un service de l'administration, et que son statut devrait être transformé dans ce sens.

Prise en charge
Concernant l'étendue des prérogatives confiées à la FAREAS:
- les prérogatives en matière d'hébergement - et d'expulsion - nous semblent conférer un pouvoir disproportionné à l'organe délégataire, tout en évacuant les dispositions de droit privé qui devraient pouvoir s'appliquer; le pouvoir de menacer les récalcitrants des peines prévues à l'art. 292 du CP nous paraît abusif;
- les nouvelles prérogatives décisionnelles en matière de modification et de réduction de l'assistance (par application de sanctions), ne sont pas de son ressort. Le cadre posé est de plus insuffisamment précis (notamment en ce qui concerne les sanctions en cas d'incivilités);
- les nouvelles prérogatives en matière d'accès à des données confidentielles relevant de la loi sur l'asile ou de la police des étrangers nous paraissent injustifiées;
- nous considérons que les nouvelles prérogatives autorisant le personnel de la FAREAS à procéder à des contrôles en tout temps dans les logements collectifs ou individuels, ainsi que le pouvoir confié au directeur de procéder à la fouille des biens personnels déroge aux principes de respect des libertés personnelles.
Concernant le type de prise en charge proposé:
- sur le plan social, nous sommes extrêmement préoccupés de constater l'absence de considérations par rapport à l'insuffisance actuelle de l'encadrement social de la FAREAS, ainsi que l'absence de la volonté de le renforcer: les informations présentées permettent pourtant de constater un taux d'encadrement social de l'ordre de 0.6 assistant-e social-e pour 100 personnes, ou autrement dit 3 assistant-e-s sociaux pour 500 personnes ! Nous estimons particulièrement préjudiciables ces lacunes dans un projet de loi portant sur l'aide aux requérants d'asile.
- Sur le plan médical et de l'accès aux soins, le projet prévoit un système de prise en charge médicale d'exception (soins d'urgence) plutôt que de garantir l’application de la loi et un accès égal pour tous et toutes aux soins indépendamment du statut et des revenus, alors que rien juridiquement ne s'y oppose. En effet, et sauf situation très spécifique où un domicile ne peut être déterminé en Suisse, l’assurance obligatoire des soins inscrite dans la LAMal et son corollaire (le subside aux primes) devraient donc pouvoir éviter de créer une telle prise en charge minimale et d'exception (soins d’urgence).

à propos du concept de réorganisation de la FAREAS
Mis à part le nouveau volet sécuritaire de l'encadrement qui est très largement présenté, ce concept développe essentiellement une vision de l'aide sociale reposant sur une logique d'incitations et de sanctions (introduction d'évaluations du comportement des requérants d'asile, contrats de «réciprocité» ayant une incidence sur l'assistance financière, programmes d'occupation «imposés», etc.) dictée par le principal objectif de faire des économies et de contrôler les requérants d'asile, lesquels reçoivent déjà, rappelons-le, une assistance minime. Le fait de relier directement les programmes d’occupation à une politique de bonus malus ayant une incidence directe sur le niveau de l’assistance reçue, ainsi que sur le type d’hébergement des requérants d’asile nous semble inopportune à différents titres. Nous estimons qu’une telle association est dangereuse dans la mesure où elle subordonne l’aspect incitatif des mesures aux conséquences sanctionnantes de ne pas entrer dans une telle relation. L’«obligation» qui en résulte – puisque le fait de ne pas s’y soumettre implique des sanctions, comme une réduction financière ou de ne pas pouvoir accéder à un logement individuel - affaiblit ou rend caduc l’objectif premier, tel qu’il est affiché en tout cas. Cette obligation relative semble d’autant plus inopportune à la lumière des considérations portées sur le fait que l’accès à des programmes d’occupation ou de formation est soumis à sélection en fonction des disponibilités de places, des besoins et des aptitudes des candidats.
Relevons de plus que certains programmes d’occupation et de formation sont présentés comme l’occasion de suppléer à des emplois salariés nécessaires au fonctionnement de base de la fondation, voire même de remplacer des emplois qualifiés, par exemple lorsqu’il s’agit d’assurer l'encadrement de mineurs non accompagnés.
La sous-estimation de la valeur de l'appui social apporté par les professionnels, et la confirmation de son extrême faiblesse (taux d'encadrement) nous semblent particulièrement inquiétantes dans ce contexte. L'option présentée, consistant à concentrer le travail social (et la formation) essentiellement sur les six premiers mois de séjour des requérants d'asile, nous paraît tenir insuffisamment compte des conditions particulières objectives vécues par ces derniers: en effet, ces personnes cumulent la plupart du temps divers traumatismes - dont celui de l'arrivée – qui peuvent entacher leur capacité à «répondre» de manière optimale au programme d'action proposé: deux mois de «phase d'accueil» et quatre mois de «phase de socialisation» (cours de français intensifs, sensibilisation à l'environnement local, informations sur procédure d'asile, orientation professionnelle et formation en vue d'un projet d'occupation), au terme desquels l'appui social est interrompu, et ce pour la suite du séjour. Ce manque de considération à la fois pour les besoins des personnes à assister et pour l'encadrement social est également patent si l'on se réfère à l'«offre» nouvelle de la FAREAS concernant les mineurs non accompagnés de plus de 12 ans, et répondant à un objectif d'économies: pour ces derniers, il est prévu de consacrer un site spécifique, avec un encadrement professionnel réduit, complété par l'appui de requérants d'asile en programme d'occupation (voir notre position développée à l'article 33).
Les enchaînements logiques qui introduisent les nouvelles dispositions en matière de contrôle et de sécurité reposent selon nous sur des partis pris et sur des raisonnements tronqués: par exemple, de mettre exclusivement l'accent sur «le nombre croissant de jeunes hommes célibataires, dont certains encore mineurs, [...] qui s'intègrent plus difficilement et acceptent moins docilement les règles en vigueur», pour légitimer le renforcement de la surveillance et de la sécurité. Fonder ainsi des dispositions réglementaires sur des cas particuliers nous semble pour le moins contestable, dans la mesure où le système construit devra ensuite s'appliquer à tous. Enfin, de nombreux passages révèlent des propos que nous jugeons dénigrants à l'égard des requérants d'asile, ou reposent sur des sous-entendus dénigrants: il s'agit notamment d'éviter que les nouveaux arrivants soient en contact avec des personnes déjà présentes de longue date afin de favoriser la concentration intellectuelle et l'émulation des uns et des autres dans une dynamique constructive, avec séparation des sites (logique de contamination).


Position sur le projet de loi, article par article

Article 2 Champ d'application personnel
Concernant les catégories de personnes concernées par cette loi:
- par souci de clarté, nous estimons que les personnes disposant d'une admission provisoire (livret F) devraient figurer nommément dans cet article, ainsi que les personnes bénéficiant d'une protection provisoire (livret S). En effet, et bien que l'article 3 précise que par requérant d'asile on entend toute personne séjournant sur le territoire vaudois sur la base de la LAsi et dont la Confédération subventionne l'assistance, nous jugeons insuffisant que les personnes visées ne soient nommées précisément que dans le commentaire de l'EMPL (p.35-36).
- Nous ne comprenons pas la logique qui pousse à nommer à part les requérants d'asile mineurs non accompagnés, à plus forte raison dans l'ordre présenté (pas même à la suite).
Nous proposons de fait la formulation suivante:
(La présente loi s'applique)
- aux requérants d'asile (livret N), y compris aux mineurs non accompagnés, aux personnes titulaires d'une admission provisoire (livret F), et aux personnes titulaires d'une protection provisoire (livret S);
- aux personnes ayant fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière sur leur demande d'asile;
- aux personnes séjournant illégalement sur territoire vaudois, pour autant qu'ils ne soient pas en procédure.
Elle ne s'applique pas aux personnes dont le statut de réfugié a été reconnu.

Article 3 - Définitions
Aide d'urgence
Comme annoncé plus haut, nous sommes opposés à l'instauration d'une nouvelle sous-norme d'assistance. Quand bien même une telle sous-norme devait être introduite:
- contrairement à ce qui est mentionné concernant l'aide d'urgence, le contenu de cette dernière n'est pas défini par la loi sur l'action sociale vaudoise, comme l'a confirmé récemment l'arrêt PS.2004.0230 du TA;
- les grands principes de fixation d'une telle nouvelle norme doivent être à tout le moins présentés et précisés dans le cadre légal de la LARA, afin que le pouvoir législatif puisse se prononcer sur cette question en connaissance de cause.
À propos des commentaires de l'EMPL concernant les normes d'assistance: «Ces normes sont fixées par le Conseil d'État, qui les adaptera si nécessaire à la conjoncture en matière d'asile, aux marchés immobiliers ou aux circonstances budgétaires notamment.» (p. 36-37). Nous ne pouvons qu'insister sur le fait qu'il convient d'abord de fonder ces normes sur la notion du besoin à couvrir et non de les faire dépendre de la conjoncture, qu'elle soit en matière d'asile, ou budgétaire. Les ajustements des minima vitaux qui sont concrétisés dans les normes d'assistance ne devraient en aucun cas dépendre de facteurs politiques ou de stratégies exogènes au risque de les vider de leur contenu.

Article 5 - Conseil d'Etat
À propos des conventions à conclure avec les assureurs pour la couverture des risques maladie et accident des requérants d'asile: la formulation actuelle vise les requérant-e-s d'asile et personnes associées (livrets N, F, S), au détriment des personnes ne disposant pas d'un tel titre de séjour, mais pourtant présentes sur le territoire cantonal (personnes en situation illégale, y compris celles sous le coup d'une NEM). À ce titre, et même si ces personnes sont censées quitter le territoire à terme, nous estimons qu'elles doivent elles aussi bénéficier d'une affiliation à l'assurance maladie obligatoire, plutôt que d'être soumises à un régime d'exception – discriminatoire en termes d'accès aux soins.
Pour cette raison, nous proposons de modifier la dernière entrée comme suit:
- conclut des conventions avec les assureurs pour la couverture des risques maladie et accident des personnes de nationalité étrangère visées par l'article 2 de la loi.

Article 6 - Département en charge de l'asile
Avant dernier paragraphe: «Le département [en charge de l'asile] décide de l'octroi de l'aide d'urgence aux personnes dont la demande d'asile a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière, ainsi qu'à celles qui séjournent illégalement sur territoire vaudois.»
Nous nous opposons au fait que ce soit le département en charge de l'asile qui octroie l'aide d'urgence, si une telle norme devait être introduite. Nous estimons qu'il revient au département compétent en matière d'assistance – le DSAS – d'assumer l'entier du cahier des charges y relatif. À ce titre, c'est le DSAS qui est compétent pour décider l'octroi de l'aide d'urgence. C'est ce dernier département qui doit également être chargé des relations avec la FAREAS et contrôler l'activité de cette dernière (cf. aussi notre position sur les articles 38 et 39).
Par ailleurs, nous nous inquiétons de voir dans le texte proposé qu'il est prévu que le département lui-même – une si haute instance puisse se déterminer sur chaque dossier.

Article 8 - FAREAS
«La FAREAS est compétente pour limiter les prestations d’assistance conformément à la LAsi et pour prononcer les sanctions prévues par la présente loi.»
Nous désapprouvons cette disposition: en effet, il est nécessaire de maintenir une cohérence dans le niveau des prérogatives prévues. Ainsi, le parallélisme impose que si le département décide de l'octroi d'une prestation, c'est à lui que revient la compétence de la limiter ou de prononcer des sanctions, et non pas à la FAREAS.
Dans le commentaire de l'EMPL en p.38, on peut lire que «Dans le cadre de ses compétences, la FAREAS est investie de la puissance publique. Pour autant qu'elles en remplissent les conditions, toutes les mesures qu'elle prendra seront donc des décisions administratives.»
Sur ce point, nous répétons notre désaccord. En effet, soit la FAREAS est une autorité publique et à ce titre prend des décisions administratives, soit elle n'est pas de statut public et ne peut remplir ce rôle. Il est incorrect à notre sens de jouer le statut public/privé en fonction des intérêts parfois divergents qui se présentent selon la matière considérée.

TITRE 3: Assistance aux requérants d'asile
CHAPITRE I: Dispositions générales
Article 10 – Forme
Nous nous opposons à l'octroi de prestations en nature. La pratique actuelle, soit le versement de forfaits d'assistance, est à notre sens hautement préférable. L'octroi de prestations en nature est fondamentalement associé à une visée désincitative et comporte un caractère humiliant pour la personne. Cela constitue également une régression en matière d'assistance. Nous nous référons simplement à cet égard au fait qu'il est mentionné dans l'EMPL en p. 65 à propos des sanctions, qu'«Outre la réduction de prestations, la sanction pourra également consister en une modification de ces dernières. On pense notamment à la suppression d'une prestation financière au profit d'une prestation en nature, [...]», qui prouve l'aspect rédhibitoire de l'octroi de l'aide en nature.

Article 14 – Remboursement
«La décision entrée en force de la FAREAS est assimilée à un jugement exécutoire au sens de l'article 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite.»
Nous considérons cette disposition comme étant totalement abusive et qu'il est disproportionné d'assimiler une décision prise par un organe délégataire en matière d'assistance à un jugement exécutoire.

CHAPITRE II: Prestations en nature
Section 1: Hébergement
Articles 18 et 19 – Relation d'hébergement, prolongation de l'hébergement et expulsion
Si les tribunaux ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur l’application des dispositions sur le droit du bail pour les hébergements en centre, il n’est à notre sens pas certain qu’une telle jurisprudence soit applicable sans autre pour un hébergement en appartement, surtout quand il s’agit de requérants qui financent eux-mêmes leur loyer. Signalons à cet égard que le Tribunal des Baux est entré en matière au moins sur un cas de notre connaissance. Inscrire dans la loi une exclusion du droit privé en la matière pour consacrer la relation de subordination que suppose le droit public nous paraît inadéquat. Nous nous interrogeons d’ailleurs sur la légitimité de prévoir un système différent de celui prévalant en matière d’aide sociale ordinaire. En effet, l’octroi de l’ASV et bientôt du RI ne met pas en cause la relation de bail à loyer. Ces mesures d’exception sont d’autant plus choquantes que le droit du bail est précisément conçu comme devant assurer une protection à la partie la plus faible au contrat. En l’espèce on assiste à une prise de pouvoir extraordinaire de la part d’une autorité qui n’est même pas un organe administratif.
Par ailleurs, si les articles 16ss du projet nous paraissent déjà aller beaucoup trop loin en ce sens, l’exposé des motifs fournit en plus une interprétation extrêmement large des prérogatives attribuées à la FAREAS. Quelques exemples d’une prise de pouvoir extraordinaire et à notre sens non justifiée:
La possibilité d’ordonner une expulsion d’un appartement sans aucun contrôle judiciaire, alors que les locataires auraient par exemple toujours payé leur loyer, et sans possibilité d’obtenir une prolongation au-delà de trois mois. Cette violence dans un contexte de marché du logement saturé avec des services sociaux communaux dans l’incapacité de reloger correctement est inacceptable.
Considérer, comme le fait le message ad article 19 et sans qu’il n’y ait aucune mention de ce fait dans la loi, que les décisions prises par la FAREAS sont investies de la puissance publique et qu’une transgression de telles décisions équivaut à un délit pénal (art. 292 CP) nous paraît être une grave entrave à la légalité stricte qui doit s’appliquer en matière pénale. Tout d’abord, rappelons que pour éviter d’appliquer les dispositions de la Loi sur le personnel, on renonce à faire de la FAREAS une entité administrative, trouvant plus avantageux de maintenir son statut privé. Or, dans le cas qui nous occupe, il semble arrangeant de lui trouver des pouvoirs de puissance publique. Il est à notre sens tout à fait opportuniste de considérer une institution comme privée ou publique en fonction des intérêts du moment.
Nous signalons que la distinction entre le contenu des articles 20 et 21 ne nous semble pas des plus claire, mis à part que l'article 20 concerne à la fois les appartements et centres d'hébergement, et que l'article 21 ne concerne que les centres d'hébergement. En termes de contenu, la limite entre ce qui est de l'ordre du contrôle et respectivement de la surveillance nous semble particulièrement floue dans les commentaires de l'EMPL: notamment en ce qui concerne les fouilles: est-ce du contrôle ou de la surveillance ? De ce fait, nous trouvons que ces articles prêtent à confusion et nécessitent au minimum d'être remaniés pour gagner en cohérence et en limpidité.

Article 20 – Contrôle
La possibilité de contrôle en tout temps et sans aucun soupçon d’une quelconque infraction des logements mis à disposition nous paraît une violation du droit de chacun-e au respect de sa personnalité et de sa vie intime et familiale. Cette disposition viole en particulier à notre sens l'article 13 Cst. féd. (Protection de la sphère privée: «Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu’elle établit par la poste et les télécommunications.»), ainsi que l'article 8 CDEH qui protège la vie familiale et privée.
A cet égard, nous relevons avec étonnement que le commentaire (p. 44) a pourtant bien perçu une partie de l'atteinte à la sphère privée, puisqu'il mentionne que: «Sauf urgence ou suspicion de commission d'une infraction pénale, la visite des lieux ne se fera pas pendant la nuit afin de respecter la sphère privée.» Or, la protection de la vie privée n'est pas restreinte à la nuit et nous ne voyons pas ce qui - en dehors de toute infraction soupçonnée - pourrait justifier une atteinte aussi grave. Se pose alors la question de la légitimité de la possession d'un double de clé des appartements détenus par la FAREAS.
Nous contestons que la surveillance prévue à l'art 20 LARA puisse s'appliquer sans qu'il y ait mise en danger de l'ordre public aux logements individuels.

Article 21 – Surveillance des centres d'accueil
Nous sommes d'entrée frappés par l'écart existant entre le contenu de l'art 21 LARA et son commentaire. Nous distinguerons donc nos commentaires portant sur l'article de la loi et ceux concernant l'exposé des motifs.
Le texte légal proposé prévoit que «La FAREAS assure la surveillance des centres qu'elle gère. Elle peut confier cette tâche à un tiers. En cas de troubles ou de suspicion d'infraction pénale à l'intérieur d'un centre d'accueil, la FAREAS peut faire appel à la force publique pour faire constater les faits et rétablir l'ordre».
Tout d'abord, nous nous opposons au principe d'une délégation en chaîne (soit qu'une tâche publique confiée à un organe délégataire privé puisse être à son tour déléguée par sous-traitance à un tiers). Le contrôle et la responsabilité de l'administration sur de telles tâches - qui peuvent toucher à des libertés essentielles garanties par la Constitution fédérale - devient à notre sens trop ténu.
Nous demandons que la possibilité mentionnée dans l'article 21 de sous-traiter la surveillance des centres gérés par la FAREAS soit supprimée.
Le fait que la FAREAS puisse faire appel à la force publique pour rétablir l'ordre ou constater une infraction ne nous pose aucun problème, pour autant qu'il existe des indices sérieux et concrets d'une mise en danger ou d'une infraction. Par contre, l'extension qui en est faite par l'interprétation de cet article dans le commentaire nous paraît des plus inquiétante. Si nous nous référons à la page 44 de l'exposé des motifs, on peut découvrir que dans le cadre de sa surveillance, le directeur de la FAREAS ou un agent de la force publique serait à même d'opérer des fouilles y compris personnelles. De deux choses l'une: soit il y des soupçons fondés d'une infraction pénale et les forces de l'ordre sont autorisées - en dehors de la LARA - à effectuer une telle fouille, soit il n'y a aucun indice sérieux d'une infraction et l'on ne voit pas comment une telle fouille pourrait se justifier, ni par les forces de l'ordre et encore moins par un privé.
Notons qu'il n'y a aucune base légale permettant au directeur de la FAREAS d'effectuer une telle fouille (ni personnelle ni sur les objets) en dehors d'un centre collectif. En effet, l'art. 9 LAsi ne s'applique qu'aux centres collectifs. De plus, l'art. 9 LAsi ne permet d'effectuer cette fouille que dans un objectif précis, soit rechercher des documents de voyage, des pièces d'identité ou des objets dangereux. Il s'agit donc d'une démarche beaucoup plus restrictive que celle entendue dans l'exposé des motifs.
Nous sommes très inquiets de l'approximation, des glissements et de l'ampleur des tâches de surveillance confiées à la FAREAS - et le cas échéant par sous-traitance - alors que tous ces actes portent manifestement atteinte à des droits fondamentaux garantis à chaque être humain: soit la liberté personnelle (art. 10 Cst.) et le droit à la protection de la sphère privée (art. 13 Cst.). Rappelons que toute atteinte à de tels droits doit être prévue dans une loi au sens strict, et ce de manière précise, respecter le principe de proportionnalité et garantir le noyau dur du droit. Les mesures envisagées ne nous paraissent en rien remplir ces conditions.
En tout état de cause, nous estimons que pour ce qui concerne des délits potentiels, les dispositions ordinaires de police sont suffisantes. Si les dispositions présentes dans le commentaire de cet article visent à prévenir d'autres types de risques, elles ne sont pas suffisamment explicites pour que l'on puisse comprendre en quoi et pour quoi des mesures de surveillance reviendraient à la FAREAS. Enfin, cas échéant, de telles éventualités devraient être nommées dans la loi, et pas seulement dans son commentaire.

Section 2: Encadrement médico-sanitaire
Sous-section 1: Assurance maladie
Nous estimons que des dispositions analogues devraient figurer sous chiffre 5 (aide aux personnes sous le coup d'une NEM et en situation illégale).
Il s'agit en effet de garantir l’application de la loi et un accès égal pour tous et toutes aux soins indépendamment du statut et des revenus, puisque rien juridiquement ne s'y oppose. En effet, et sauf situation très spécifique où un domicile ne peut être déterminé en Suisse, l’assurance obligatoire des soins inscrite dans la LAMal et son corollaire (le subside aux primes) devraient donc pouvoir éviter de créer une telle prise en charge minimale et d'exception (soins d’urgence).

Sous-section 2: Soins infirmiers et médicaux
Article 24 – Principe
Le principe même d'un réseau de santé à disposition pour faciliter l'accès aux soins nous semble être une mesure positive. Nous nous inquiétons cependant de constater les termes dans lesquels la finalité de ce réseau organisé sous forme de double gate-keeping est présentée dans l'EMPL (p.24): «Le système de portails permet une réduction de la consommation de prestations médicales et donc des frais de santé.» Nous sommes pour notre part convaincus que la finalité première d'un système de portails devrait être de faciliter l'accès des usagers aux soins infirmiers et médicaux, et secondairement avoir une finalité de réduction de la «consommation», ou une finalité d'économies budgétaires. Par ailleurs, nous sommes dans l'obligation de relever que le double portail – d'abord infirmier, puis médical - constitue une mesure d'exception supplémentaire qui s'applique à cette population (à l'heure actuelle, nous ne connaissons aucun autre exemple de ce type de rationalisation).
Nous estimons que les personnes en situation illégale (NEM et Sans-papiers) qui sont présentes sur le territoire cantonal doivent également pouvoir bénéficier de facilités d'accès aux soins infirmiers et médicaux, et que ces derniers ne soient pas restreints aux soins d'urgence. Les lacunes du système actuel pour ces derniers, ainsi que les conséquences négatives mises en évidence par les médecins devraient être considérées et prises en compte pour améliorer le système.

Article 25 – Limitation du choix du fournisseur de prestations
Le commentaire figurant en p. 46 de l'EMPL: «le recours à un réseau infirmier en sus du traditionnel réseau médical répond indéniablement aux impératifs de santé publique et de prévention de certaines maladies, notamment contagieuses.» devrait s'appliquer selon toute logique également aux personnes sous le coup d'une NEM. Par ailleurs, s'il s'agit d'un impératif de santé publique, il devrait être élargi sans retard à l'ensemble de la population...

Section 3: Accompagnement social
Article 26 - Principe
Nous sommes parfaitement convaincus de l'importance de l'accompagnement social et l'estimons indispensable et indissociable de la mission d'assistance confiée à la FAREAS. À ce titre, nous ne pouvons que nous étonner du peu de commentaires accompagnant la section qui lui est consacrée. Cependant, cela nous paraît révélateur du manque de considération accordé dans l'ensemble du projet de loi à cette dimension pourtant fondamentale de l'aide aux requérants d'asile (pour exemple, on trouve des considérations relevant de ce domaine dans les développements consacrés à l'hébergement en pp.40-42, alors qu'aucun développement n'est consacré spécifiquement à cette question). Révélateur également du manque de compétences et d'expérience dans ce domaine de la part du Département des Institutions et des relations extérieures. Ce constat ne fait que confirmer notre position comme quoi il est inopportun de transférer les compétences en matière d'assistance du DSAS au DIRE.
Mettant en relation les prestations nommées dans l'article 26 – qui ne représentent pas la totalité des prestations, puisqu'il est précisé «notamment» - et le taux d'encadrement qu'il est possible de calculer selon les informations fournies en p.13 de l'EMPL, soit 3 assistant-e-s sociaux (AS) pour 500 personnes, nous sommes particulièrement préoccupés par l'insuffisance patente de l'encadrement social à la FAREAS, et par l'ampleur des tâches qui lui sont pourtant confiées. À cela s'ajoute l'inquiétude de voir qu'aucun commentaire sur le taux d'encadrement social souhaité ou nécessaire n'est présent dans ce projet de loi, ni même la mention d'une quelconque volonté de renforcer cet aspect.
Nous estimons que cet aspect lacunaire du projet doit impérativement être repris et développé, afin de maintenir un minimum de crédibilité à cette loi. Le taux d'encadrement social nécessite en particulier d'être reconsidéré et renforcé.
C’est dans le concept de réorganisation de la FAREAS que nous trouvons des précisions sur la façon dont l’encadrement social serait organisé. Nous estimons cette conception problématique en regard des besoins des personnes à assister, que ce soit à leur arrivée ou à plus long terme. En particulier, l'option présentée, consistant à concentrer le travail social (et la formation) essentiellement sur les six premiers mois de séjour des requérants d'asile, nous paraît tenir insuffisamment compte des conditions particulières objectives vécues par ces derniers: en effet, ces personnes cumulent la plupart du temps divers traumatismes - dont celui de l'arrivée – qui peuvent entacher leur capacité à "répondre" de manière optimale au programme d'action proposé: deux mois de "phase d'accueil" et quatre mois de "phase de socialisation" (cours de français intensifs, sensibilisation à l'environnement local, informations sur procédure d'asile, orientation professionnelle et formation en vue d'un projet d'occupation), au terme desquels l'appui social est interrompu, et ce pour la suite du séjour.
La conception visant à concentrer l’encadrement social sur les six premiers mois de séjour au détriment de la suite du séjour nous paraît ainsi problématique à la fois pour les besoins des personnes à assister et pour les effets escomptés de l’encadrement social. Nous sommes convaincus qu’un encadrement social est utile voire indispensable au-delà des six premiers mois de séjour et qu’il est essentiel de créer les conditions nécessaires pour qu’un appui social puisse être disponible, en volume et en qualité suffisants afin de répondre dans la durée aux besoins de la population à assister.

Article 27 – Programmes d’occupation et de formation
Nous sommes globalement favorables à l’organisation de mesures destinées à favoriser le maintien et le développement des compétences sociales et des aptitudes professionnelles des requérants d’asile durant leur séjour en Suisse. Il est à notre sens très important que de telles mesures servent en premier lieu à bénéficier aux personnes à qui elles sont destinées. Leur intérêt réside ainsi pour nous dans leur dimension positive de socialisation et d’intégration.
Nous sommes par contre nettement plus réservés lorsque leur justification est présentée en tant que «facteur de réduction des coûts de fonctionnement du domaine de l’asile», comme le souligne le commentaire en p.46. Le concept de réorganisation de la FAREAS marque à notre sens un pas supplémentaire lorsqu’il relie directement les programmes d’occupation à une logique d’incitations et de sanctions – ou de bonus malus - ayant une incidence directe sur le niveau de l’assistance reçue, ainsi que sur le type d’hébergement des requérants d’asile. Nous estimons en effet qu’une telle association est dangereuse dans la mesure où elle subordonne l’aspect incitatif aux conséquences sanctionnantes de ne pas entrer dans une telle relation. L’«obligation» qui en résulte – puisque le fait de ne pas s’y soumettre implique des sanctions, comme une réduction financière ou de ne pas pouvoir accéder à un logement individuel - affaiblit ou rend caduc l’objectif premier, tel qu’il est affiché en tout cas. Cette obligation relative semble d’autant plus inopportune à la lumière des considérations portées sur le fait que l’accès à des programmes d’occupation ou de formation est soumis à sélection en fonction des disponibilités de places, des besoins et des aptitudes des candidats.
Relevons de plus que certains programmes d’occupation et de formation sont présentés comme l’occasion de suppléer à des emplois salariés nécessaires au fonctionnement de base de la fondation, voire même de remplacer des emplois qualifiés, par exemple lorsqu’il s’agit d’assurer l'encadrement de mineurs non accompagnés.

TITRE 4: ASSISTANCE AUX MINEURS NON ACCOMPAGNéS
Article 33 - Hébergement
Nous ne comprenons absolument pas quelle logique préside à distinguer les mineurs non accompagnés de moins de 12 ans et de plus de 12 ans. Un enfant de plus de 12 ans reste un mineur, comme le souligne un passage confinant à l'absurde dans les commentaires: «Un requérant d'asile mineur non accompagné est un mineur, et à ce titre la loi sur la protection des mineurs (LProMin) s'applique à lui sans restriction, sous réserve des articles 33 à 35 du présent projet» (c'est nous qui soulignons).
La volonté de créer un centre de premier accueil destiné aux mineurs de plus de 12 ans nous semble dans ce cadre incompréhensible, et d'autant plus difficile à concevoir au vu des problèmes liés à la faiblesse de l'encadrement social à la FAREAS - l'EMPL ne donne aucune précision à ce sujet d'ailleurs.
À la lumière des précisions trouvées dans le concept de réorganisation de la FAREAS, notre inquiétude n'en est que renforcée. On y lit en effet que: «La prise en charge dans le canton des requérants d’asile mineurs non accompagnés n’est pas satisfaisante: une partie d’entre eux sont placés en structure FAREAS ordinaire et ne bénéficient pas d’un encadrement suffisant, alors que d’autres, placés dans des structures spécialisées, sont «sur-encadrés» à des coûts trop élevés. Sur demande du Canton, la FAREAS a soumis une offre basée sur un encadrement professionnel limité et un appui de requérants d’asile adultes formés. [...] Comme pour l’aide d’urgence, cette nouvelle prestation sera l’occasion de développer des programmes d’occupation pour la fourniture de repas et l’encadrement des mineurs.» (p.23-24) Nous sommes particulièrement étonnés de constater que le placement de mineurs non accompagnés dans des structures adéquates avec encadrement professionnel est considéré dans leur cas comme trop coûteux, comme si ces enfants ne méritaient pas l'encadrement et la protection à laquelle leur situation leur donne droit par application de la Loi sur la protection des mineurs.
La solution imaginée par la FAREAS qui vise, par mesure d'économies, à réduire l'encadrement professionnel – déjà plus que minimal dans le cas de la FAREAS – et de le compléter par des requérants d'asile en programme d'occupation, apparaît dans ce cadre comme totalement incongrue. La solution présentée déroge manifestement à plusieurs égards à l'article 3 al.1. de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la Suisse, qui précise: «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale».
Nous ne pouvons que souligner avec conviction que les mineurs non accompagnés constituent une population particulièrement fragilisée – ce sont des enfants sans parents, qui plus est exilés - et qu'à ce titre, ils méritent une protection et un encadrement professionnels conséquents.
Nous désapprouvons cette disposition dans son ensemble, et demandons instamment sa suppression.

TITRE 5 : AIDE AUX PERSONNES AYANT FAIT L'OBJET D'UNE DÉCISION DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE ET AUX PERSONNES SÉJOURNANT ILLÉGALEMENT SUR TERRITOIRE VAUDOIS
Article 37. – Principe
Selon les récentes considérations du Tribunal administratif (arrêt PS.2004.0230 du 15 juin 2005), il n'existe pas actuellement dans le canton de Vaud de base légale suffisante pour déterminer que les personnes sous le coup d'une NEM ont droit à une aide d'urgence plutôt qu'à l'aide sociale ordinaire (ASV). Il appartient donc au législatif – le Grand Conseil vaudois – de statuer sur cette question.
Par analogie, le même raisonnement doit s'appliquer aux personnes en situation illégale qui ont théoriquement actuellement droit à l'ASV selon l'arrêt du TA PS 2004/0025 du 1er juin 2004, et ce malgré la nouvelle directive figurant dans le recueil d'application 2005 de l'ASV. En effet, la directive distingue parmi les personnes en situation illégale celles qui sont en procédure et qui peuvent continuer à prétendre à l'ASV en attendant une décision et celles qui ne le sont pas, ces dernières ne pouvant bénéficier que d'une aide d'urgence. Cette distinction introduisant une nette discrimination en défaveur de la seconde catégorie de personnes, une telle décision aurait dû être du ressort du pouvoir législatif également.
On peut enfin noter que dans le PLARA, la distinction opérée par le Conseil d'État et figurant dans le recueil d'application de l'ASV semble abandonnée, le traitement le plus défavorable s'appliquant apparemment à toutes les situations sans différenciation.
Nous réaffirmons notre position exposée plus haut: la LARA devrait instaurer une base légale pour traiter toutes les personnes en situation irrégulière de la même façon que les requérant-e-s d'asile, étant donné que la norme d'assistance prévue pour ces derniers – qui constitue déjà un régime d'exception de l'aide sociale – ne se justifie juridiquement que par le caractère provisoire du séjour.

Article 38. – Compétences
Comme nous l'avons déjà affirmé, c'est au DSAS que doit revenir la compétence dont il est question dans cet article: nous sommes en particulier défavorables à l'examen des conditions du droit à l'assistance par le département en charge de l'asile ou l'un de ses services, car les autorités ont pour devoir minimal de permettre aux intéressé-e-s de faire valoir leur droit auprès d'une autre instance que celle chargée de l'exécution du renvoi. Les personnes en situation de détresse ont droit à obtenir cette aide sans qu'elle soit subordonnée à l’exécution du renvoi, ni conditionnée à la communication de l’identité personnelle. Le commentaire expose lui-même (pp.50-51) que l'octroi de l'aide ne saurait être assorti de conditions hormis celle du besoin et de la subsidiarité de l'aide, et qu'un éventuel refus de se soumettre aux mesures d'identification ne saurait faire obstacle à ce droit.
Nous estimons que l'organisation prévue dans ce projet est à ce point dissuasive qu'elle entrave l'application du droit aux conditions minimales d'existence prévu à l'art. 12 Cst. féd.

TITRE 9 : TRANSMISSION DE DONNÉES PERSONNELLES
D’entrée, on peut s’étonner que le chapitre s’intitule: «Transmission de données personnelles» alors qu’il s’agit de l’accès et du traitement des données personnelles et que précisément la transmission par la FAREAS est prohibée.
L’accès et le traitement des données personnelles par un organe délégataire privé comme la FAREAS nous paraît inacceptable à de nombreux titres. Tout d’abord notons que les informations contenues dans la procédure d’asile doivent être considérées de toute évidence comme des données sensibles au sens de l’art. 3 LPD. En effet, il s’agit d’opinions et d’activités politiques ou religieuses, de santé, de sphère intime, d’orientation sexuelle, de race etc. Ces données sont d’autant plus sensibles qu’elles peuvent être sources de persécutions dans l’État d’origine des requérant-e-s. C'est bien pour cela que le secret est garanti concernant les motifs d'asile.
Or, l’accès sans limites au dossier des personnes concernées est traité en deux articles lapidaires. En comparaison du dispositif mis en place aux articles 96ss LAsi, les dispositions cantonales paraissent totalement indigentes compte tenu de la gravité de l’atteinte et des risques de dérive évidents. C'est en effet dans l'EMPL que l'on apprend qu'il s'agit de l'accès à AUPER et MEDUSA, sans précision toutefois des informations contenues dans ces deux bases de données. Il nous paraît essentiel de préciser – notamment pour les député-e-s qui devront se prononcer – ce que contiennent précisément ces bases de données. Le secret concernant les motifs d'asile doit être impérativement garanti. Imaginons en effet la surprise d’une requérante d’asile à qui on a garanti le secret lors de ses auditions sur ses motifs d’asile, qui réalise que n’importe quel assistant social d’une fondation - qui plus est privée - connaît l’ensemble de son dossier y compris par exemple qu’elle a été violée et que son mari n’est pas le vrai père de son enfant. Si l'on ajoute à cela le fait que de nombreux employé-e-s de la FAREAS entretiennent des liens parfois étroits avec certaines communautés étrangères de la place, les fuites, y compris jusqu’au pays d’origine sont inévitables et les conséquences potentiellement dramatiques.
Rappelons que selon l’art. 4 LPD, les données récoltées ne doivent être traitées que dans le but qui est indiqué lors de leur collecte. Or, si la LAsi prévoit la collecte de ces informations, c’est dans le but d’établir la qualité de réfugiée d’une personne, non de permettre d’adapter des phases d’assistance en fonction de l’avancée de la procédure.
Enfin, cet accès sans limites aux dossiers sensibles des personnes en charge de la FAREAS ne nous paraît en rien justifié. Bien que nous nous opposions au rapprochement entre l’octroi de l’aide sociale et la procédure de renvoi, si ce souhait de rapprochement devait être maintenu, il ne nécessite certainement pas l’accès direct au dossier. Des informations sur le stade de la procédure pourraient être communiquées par le SPOP sans que le contenu du dossier soit pour autant et dans sa totalité accessible.
Pour les raisons mentionnées, nous nous opposons formellement au maintien de ces dispositions.

TITRE 10 : SANCTIONS ET VOIES DE DROIT
CHAPITRE I: Sanctions
Art. 57. – Réduction de l’assistance
Comme le précise le commentaire en p. 65, d’après le Tribunal fédéral, les cas de réduction des prestations d’assistance prévues à l’article 83 LAsi peuvent être précisés par les cantons pour autant qu’ils ne contredisent pas le sens et l’esprit du droit fédéral. Or, selon l’esprit de l’art. 83 LAsi, seuls des motifs en lien avec l’octroi des prestations sociales peuvent justifier leur réduction, par exemple le refus de renseigner sur sa situation financière ou le refus de faire les efforts que l’on peut raisonnablement exiger pour l’amélioration de sa situation. La réduction des prestations d’assistance ne devrait pas avoir pour but une sanction de caractère punitif.
En particulier, on voit mal le lien entre la réduction des prestations d’assistance et le prononcé d’une condamnation pénale. La condamnation en elle-même est la sanction adéquate pour un comportement donné, prévue par la loi et prononcée par un juge pénal. L’assistance sociale, qui est destinée à permettre aux personnes indigentes de vivre, ne peut pas être modulée, à titre punitif, en complément du droit pénal, qui plus est sur décision du directeur de la FAREAS. Conjuguer la condamnation pénale et la réduction d'assistance revient alors à infliger une double peine à la personne fautive. Pour être conforme au principe de la proportionnalité, des mesures spéciales ne pourraient être prises qu’en cas d’atteinte directe à la FAREAS, à son fonctionnement ou à la sécurité des usagers par exemple.
Par ailleurs, nous jugeons que l'extension des cas particuliers pour lesquels la LAsi prévoit la possibilité d'une sanction prenant la forme d'une réduction de l'assistance à l'incivilité est disproportionnée. Cette dernière notion – incivilité – n'est pas définie dans le projet de loi, et la définition figurant dans le commentaire est si floue («Par incivilité, il faut entendre tout comportement qui, sans être pénalement répréhensible, serait contraire aux mœurs, à l'ordre public ou, par exemple, à un règlement de maison édicté par la FAREAS.» p.65) que l'on ne peut exclure des risques d'arbitraire. En matière de sanctions, en raison des atteintes au minimum vital qu’elles impliquent, la base légale doit être suffisante, c’est-à-dire qu’elle doit pour le moins préciser pour chaque comportement quelle sanction est prévue. La réduction des prestations d’assistance est une sanction grave qui ne peut être prise sur simple violation d’une quelconque règle interne à la FAREAS. Nous ne pouvons accepter de voir figurer dans un texte de loi une disposition imprécise et ouvrant la porte à l'arbitraire. Le renvoi général à l’appréciation du directeur de la FAREAS, tant pour le choix des comportements justifiant la sanction que pour le choix de la sanction elle-même, au cas par cas, ne nous paraît pas conforme au principe de la légalité.
Sur un autre plan, nous considérons que la réduction par sanction de l'assistance des RA/AP au niveau de l'aide d'urgence est également disproportionnée et hors de propos, sachant que l'assistance prévue en matière d'asile est déjà largement inférieure aux recommandations émises par la CSIAS. Devant de telles propositions, nous ne pouvons que manifester notre inquiétude de voir que l'aide d'urgence, en tant que nouvelle norme «plancher» d'assistance, est déjà utilisée dans ce projet de loi comme levier pour menacer les auteurs d'éventuels comportements inadéquats. Nous jugeons que les dispositions punitives existantes sont suffisantes, en regard du minimum vital servi aux personnes en procédure d'asile, qui se présente déjà comme particulièrement étriqué.
Pour les raisons avancées, nous nous opposons fermement à la réduction de l'assistance au niveau de l'aide d'urgence, ainsi qu'à l'extension des cas de réduction des prestations d’assistance prévus.

Article 58 - Compétences
Nous réaffirmons notre opposition à cette disposition: il est nécessaire de maintenir une cohérence dans le niveau des prérogatives prévues. Ainsi, le parallélisme impose que si le département décide de l'octroi d'une prestation, c'est à lui que doit revenir la compétence de la limiter ou de prononcer des sanctions, et non pas à la FAREAS.

Position de la Plate-forme Asile-Migration, élaborée par Caroline Regamey avec l'appui de Magalie Gafner, CSP Vaud.
Lausanne, le 11 juillet 2005.

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