Une jeune demandeuse d'asile russe, désignée "Norvégienne de l'année" après avoir écrit un livre sur sa vie de sans-papiers, a été expulsée de Norvège lundi, à l'issue d'une saga qui a tiraillé le gouvernement et ému l'opinion publique pendant deux semaines.
Agée de 25 ans, Maria Amelie, le pseudonyme sous lequel elle a écrit son ouvrage "Norvégienne illégale", vivait en situation irrégulière en Norvège depuis que sa famille originaire d'Ossétie du Nord avait été définitivement déboutée de sa demande d'asile en 2004. Elle a été arrêtée lundi matin quand elle s'est présentée à un commissariat d'Oslo conformément à ses obligations imposées par son régime de contrôle judiciaire. "Je suis fatiguée et j'ai peur", a dit la jeune femme brune en descendant de voiture, munie d'une petite valise rouge, à la cohorte de journalistes qui l'attendaient. Arrêtée sans opposer de résistance, Maria Amelie a été placée dans un vol Aeroflot pour Moscou, accompagnée de son petit ami norvégien.
Madina Salamova --son vrai nom-- avait été désignée "Norvégienne de l'année" en décembre par l'hebdomadaire Ny Tid. Le jury estimait qu'elle avait "donné un visage à ceux qui n'en ont pas" en acceptant de mettre sa situation en péril avec la parution de son ouvrage censé sensibiliser les lecteurs aux conditions des sans papiers.
Arrivée en 2002 en tant que mineure en Norvège où elle a passé plus d'un tiers de son existence, Maria Amelie est considérée comme un exemple d'intégration réussie --elle a décroché un master sous une fausse identité-- même si elle était contrainte de vivre dans la clandestinité. "La plupart des gens pensent que je suis norvégienne. Je parle norvégien, je pense norvégien et je rêve en norvégien", a-t-elle dit aux médias locaux. La jeune femme a été arrêtée par la police le 12 janvier alors qu'elle venait de faire une intervention dans une école. Libérée après quelques jours, elle était depuis sous contrôle judiciaire.
Son cas a mobilisé les Norvégiens qui ont manifesté par milliers pour qu'elle puisse rester dans le pays, fait la Une des journaux et déchiré la coalition de gauche au pouvoir. Formation dominante du gouvernement, le parti travailliste a refusé de faire une exception, pour ne pas être accusé de faiblesse par la droite populiste, principale force d'opposition qui prône une politique d'immigration ultra-restrictive. Membre de la coalition, la Gauche socialiste plaidait, elle, pour que Maria Amelie reste, faisant valoir le manque persistant de personnes hautement qualifiées dans un pays où le taux de chômage tourne autour de 3,5%. "Il ne faut pas récompenser les personnes qui choisissent la clandestinité et qui vivent illégalement depuis longtemps dans ce pays", a tranché le Premier ministre travailliste Jens Stoltenberg. "Chacun est égal devant la loi", a-t-il dit la semaine dernière devant le Parlement.
Sous la pression de l'opinion, le gouvernement a cependant accepté d'entrouvrir la porte du territoire: il a annoncé qu'il allait changer la loi pour permettre aux demandeurs d'asile déboutés, une fois revenus dans leur pays, de postuler pour un permis de travail en Norvège sans avoir à passer par une période de quarantaine. Mais un retour en Norvège, où l'attend un poste de journaliste, ne devrait pas être possible avant plusieurs semaines, le temps pour le gouvernement d'amender la loi et pour la jeune femme de réunir les papiers nécessaires. En attendant, son entourage nourrit des craintes pour sa sécurité en Russie.
Les parents de Maria Amelie avaient fui l'Ossétie du Nord, une petite république du Caucase russe, après avoir fait l'objet de menaces de la mafia locale en vue d'obtenir le remboursement d'une dette, selon les médias norvégiens.
Pierre-Henry Deshayes, Oslo, AFP
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