Dans Noir sur blanc, le journaliste Günter Wallraff, déguisé en Somalien, éprouve la xénophobie des Allemands. Un documentaire édifiant à découvrir sur Arte.
Le Noir est un individu de race humaine et de taille agréée par les plus hautes autorités sanitaires, auquel le Blanc rechigne à louer une place de camping. Normal : le Noir ne se déplace qu'en tribu avec des sacs bourrés de tam-tam, pour faire des ribouldingues infernales. Et de chèvres vivantes pour ripailler au petit déj'. Que des embarras tout ça. Alors qu'il serait si bien dans une case. En Afrique.
C'est ce qui ressort de Noir sur blanc, le documentaire choc de Pagonis Pagonakis et Susanne Jäger. Le journaliste blanc Günter Wallraff s'y est grimé en Somalien, peinture noire et perruque crépue, et a écumé l'Allemagne pendant un an. En caméra cachée. Pour dresser un état des lieux du racisme dans son pays. Il est accablant. Effarant. Entre humiliations, insultes et coups. "Dans un train, entouré de 600 fans de foot ivres morts, j'ai cru mourir, se souvient Wallraff. C'est une policière qui m'a sauvé. Mais il n'y a qu'en me déguisant en Noir que je peux comprendre ce qu'il subit. Mon but est de dénoncer une certaine réalité et de faire changer les choses."
Outre-Rhin, lors de sa sortie en salles, en 2009, Noir sur blanc a fait scandale. Xénophobes, les Allemands ? Allons donc. Et puis tourner ça en douce... "C'est la polémique habituelle, mais, en caméra ouverte, Wallraff n'aurait jamais obtenu ces réactions. Pour ce sujet, sa méthode d'investigation est justifiée", estime le producteur Hervé Chabalier. Qui en connaît un rayon sur la question : il s'est fait allumer comme un réverbère dès la première diffusion des Infiltrés, sur France 2. "L'infiltration est parfois la seule manière de révéler la vérité, poursuit-il. Mais elle ne doit pas devenir systématique et il ne faut pas que le journaliste crée une mise en scène. Son rôle est de chercher des dysfonctionnements, pas de les provoquer."
Au pire, un psychopathe ; au mieux, un loufiat
En l'occurrence, Wallraff n'a qu'à apparaître pour susciter le rejet. Il s'assied sur un banc près de deux vieux, ils se barrent. Il se pose dans une barque, les passagers lui commandent des bières. Le Noir est, au pire, un psychopathe, au mieux, un loufiat. "Rien ne me surprend : c'est ce que les Noirs vivent chaque jour en France, aujourd'hui, commente Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires (Cran). Le racisme bestial, comme la xénophobie banale." Lozès avoue quand même avoir serré les poings en regardant Noir sur blanc. Il trouve nécessaire de montrer aussi ce racisme "de petite intensité" que nul ne voit à moins d'être "de l'autre côté de la barrière". Il dit que les politiques ne font aucune proposition constructive pour lutter contre la discrimination et que les Français sont "dans le déni". Et de conclure : "Il faut une prise de conscience. Elle passe aussi par ce genre de film". Après le tournage, Wallraff a eu des cauchemars pendant six mois. Pour les Noirs, le cauchemar ne cesse jamais.
Sandra Benedetti dans l'Express
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