Finlande, Danemark, Allemagne : les uns après les autres, les Etats européens suspendent les renvois de réfugiés vers la Grèce à la suite d'une décision de justice qui contraint l'UE à reconsidérer ses règles en matière de traitement des demandes d'asile.
La Cour européenne des droits de l'homme a fait souffler un vent de panique en condamnant vendredi la Belgique à verser 20.000 euros à titre de dédommagement à un demandeur d'asile afghan renvoyé en Grèce conformément à une règlementation de l'Union européenne, dite "Dublin II" : celle-ci prévoit que toute demande d'asile soit examinée dans le premier pays d'accueil dans l'Union européenne. La Cour a fondé sa décision sur le fait que les demandeurs d'asile sont systématiquement placés en détention en Grèce et sont souvent brutalisés par la police. En outre, très peu de demandes aboutissent. La décision fait désormais jurisprudence et tous les demandeurs d'asile renvoyés en Grèce par d'autres pays européens en vertu de la règlementation sont pratiquement assurés d'avoir gain de cause s'ils saisissent la justice.
En ordre dispersé, les Etats de l'UE décident en conséquence de traiter les demandes incombant normalement à la Grèce. "Les gouvernements ont la trouille, car des milliers de plaintes pourraient être déposées", a commenté lundi un responsable européen sous couvert de l'anonymat. Après le Danemark dimanche, la Finlande a renoncé lundi à renvoyer les demandeurs d'asile arrivés sur son territoire via la Grèce. La Suède avait pris les devants en novembre 2010. L'Allemagne avait suivi, en décidant de suspendre les renvois pendant un an. L'Autriche a pour sa part vu sa marge de manoeuvre en matière de renvois limitée par la Cour Constitutionnelle. "Beaucoup d'autres pays devraient suivre", a prédit le responsable européen.
La Grèce se frotte les mains d'être ainsi soulagée. La secrétaire d'Etat chargée de l'Immigration, Anna Dalaras, a salué lundi l'"approche positive" des partenaires européens sur "la question de la levée de Dublin II". Avec des dizaines de milliers d'Afghans ou d'Irakiens entrés ces dernières années par la Turquie voisine, le pays s'estime exposé à une charge disproportionnée en matière d'asile et veut remettre en cause la règle actuelle.
La Commission européenne voit ce mouvement conforter aussi sa position. Depuis des mois, elle propose en effet aux gouvernements de réviser les accords de Dublin, mais se heurte au refus de la majorité des Etats, conduits par l'Allemagne et la France. "La Commission a proposé un mécanisme d'urgence" permettant de suspendre les renvois de demandeurs d'asile dans le pays où ils sont entrés dans l'UE lorsque ce pays est confronté à des difficultés, notamment des afflux massifs, a estimé Cecilia Malmström, commissaire européenne chargée du dossier.
Selon l'Agence européenne de surveillance des frontières extérieures (Frontex), plus des trois quarts des 40.977 personnes interceptées au cours du premier semestre 2010 sont entrées via la Grèce en provenance de Turquie. Le refus de toute dérogation à la règle du traitement des demandes dans le premier pays de passage bloque aussi depuis un an l'ambitieux projet de doter l'UE d'un régime commun pour le droit d'asile à l'horizon 2012. "On va voir ce que les Etats vont décider. Maintenant ils ne peuvent plus s'en laver les mains en renvoyant les demandeurs arrivés par la Grèce", a souligné le responsable européen.
L'UE a enregistré près de 250.000 demandes d'asile entre juillet 2009 et septembre 2010. Plus de la moitié -183.000- ont été déposées dans six pays : Allemagne, France, Suède, Belgique, Royaume-Uni et Pays-Bas.
Christian Spillman, Bruxelles, AFP
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