Rose*, 30 ans est demandeuse d'asile à Beauvais. Craignant pour sa vie, cette professeur assistante en droit à été obligée de fuir son pays alors qu'elle venait d'être admise au barreau.
BEAUVAIS, MERCREDI DERNIER. Rose vit en France depuis cinq mois. Elle a connu la rue et vit aujourd’hui dans un foyer. (LP/A.D.)
Elle est arrivée le 20 mai au petit matin devant la gare de Beauvais. Habillée d’un jean et d’un tee-shirt, avec quelques billets en francs congolais comme tout trésor. Rose, 30 ans, est demandeuse d’asile. « Je ne savais même pas où j’étais, se souvient-elle. J’avais atterri à Roissy deux jours plus tôt.
J’ai été hébergée dans une famille pendant deux jours, puis quelqu’un est venu me chercher pour me déposer devant la gare de Beauvais. On m’a dit : Tu es une grande fille. Maintenant, à toi de te débrouiller. » Ce matin-là, une autre jeune Africaine vient de débarquer. C’est elle qui va guider Rose dans ses démarches. « Je ne savais même pas qu’il fallait demander l’asile, se souvient-elle. Je n’avais rien préparé. J’ai fui pour sauver ma vie. » Rose n’est pourtant pas n’importe qui dans son pays. A Kinshasa, elle est professeur assistante en droit à l’université. Elle prépare en parallèle le concours pour devenir avocate.
« J’ai été choisie pour faire partie d’une commission de contrôle à l’université. Un parlementaire, ami du chef de l’Etat, avait voulu s’inscrire en deuxième cycle de droit dans une université privée en fournissant de faux documents. Les doyens ont étalé l’affaire au grand jour. Ils ont été déchus. Moi, je suis allée un mois en Afrique du Sud en attendant que l’affaire se tasse. » Rose apprend alors qu’elle est admise au barreau. « Mais depuis cette histoire, je n’ai eu que des blocages : je n’ai jamais pu remettre mon dossier. J’étais reconnue par mon université mais pas par le rectorat. Du coup, je n’avais pas de salaire. »
Avec les bénéfices de son petit business d’import-export de vêtements, elle fait vivre sa mère et ses trois sœurs étudiantes. « Mais je recevais des menaces par téléphone. Je craignais pour ma vie, je n’allais même plus au travail tellement j’avais peur. » Rose se réfugie dans de la famille éloignée et change de numéro de téléphone. C’est le père d’une de ses étudiantes qui va la faire sortir du pays. Un passeur ? « Pour moi, c’est un ami qui m’est venu en aide. Mais c’était payant : 3000 $. Un jour, il m’a appelée, une demi-heure plus tard, je l’attendais au bord de la grande route. » L’homme se charge des formalités. A l’aéroport, Rose ne sait même pas qu’elle embarque pour la France.
Son arrivée à Beauvais ressemble à un cauchemar. « J’ai vécu dans la rue pendant un mois. Je dormais sous le pont de Paris à Beauvais. On était une trentaine. Le froid, la promiscuité, la saleté… »
Du vivant de son père, la famille de Rose avait des domestiques à Kinshasa. Elle n’avait jamais connu la précarité. Depuis la fin du mois de juin, elle est hébergée dans un foyer. Elle gère au jour le jour ses 326 € mensuels d’allocation temporaire d’attente (ATA). « Le jour où je m’achète un manteau, je ne mange pas. Pour moi, aller voir une association, c’est dire que je suis pauvre. Je peux travailler, mais je n’en ai pas le droit. » Depuis cinq mois, son dossier est en cours d’instruction par l’Ofpra.
Adeline Daboval dans le Parisien
* Le prénom a été changé.
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