mercredi 16 décembre 2009

Minarets: la Cour des droits de l’homme saisie


DISCRIMINATION | L’ancien porte-parole de la mosquée de Genève, Hafid Ouardiri, a déposé une requête à Strasbourg.

Hafid Ouardiri.
© L. Guiraud/2008 | Hafid Ouardiri. «Mon but est d’ajouter de la démocratie à la démocratie, et non de mettre de l’huile sur le feu.»
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CAROLINE ZUERCHER | 16.12.2009 | 00:03

«J’ai toujours fait l’éloge de la Suisse, mais le 29 novembre, j’ai été choqué par la décision du peuple (ndlr: d’interdire les minarets) . Heureusement, le droit reste un moyen de se défendre.» Comment? Beaucoup y pensaient, Hafid Ouardiri l’a fait: l’ancien porte-parole de la mosquée de Genève a adressé hier à la Cour européenne des droits de l’homme une requête contre le vote populaire. «Mon but est d’ajouter de la démocratie à la démocratie, et non de mettre de l’huile sur le feu.»  

Hafid Ouardiri est entouré de cinq avocats suisses, français et belges, tous spécialistes des droits humains et tous bénévoles. Parmi eux, les Genevois Pierre de Preux et Pascal Maurer. Leur requête invoque l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), qui garantit la liberté de religion, et son article 14, qui interdit la discrimination.

«Le peuple s’est prononcé, s’enflamme Oskar Freysinger (UDC/VS). Si des personnes ne veulent pas le comprendre, qu’elles choisissent un autre pays!» Le conseiller national valaisan va plus loin: si la Suisse est condamnée, une initiative sera lancée pour qu’elle se retire de cette convention. Nous n’en sommes toutefois pas là. Car la CEDH prévoit que, pour qu’une requête soit recevable, toutes les voies de recours nationales doivent être épuisées.

«La voie directe (ndlr: celle choisie ici) n’est pas exclue, mais elle s’annonce difficile, précise le constitutionnaliste Andreas Auer. Il faudra établir que le requérant est une victime concrète d’une violation (ndlr: autre règle de recevabilité).»

Problème de recevabilité

Barbara Wilson abonde. Cette professeure de droit international public à l’Université de Lausanne estime qu’une violation de la Convention est probable puisque seuls les musulmans sont concernés par l’interdiction. «Mais il vaudrait mieux demander l’autorisation de construire un minaret, puis déposer un recours contre un refus et adresser en dernier lieu à la Cour.»

Me Pierre de Preux l’admet: la recevabilité pourrait poser problème. «La Cour est toutefois déjà entrée en matière dès lors que le résultat d’un recours était tellement prévisible qu’il en devenait certain, plaide-t-il. Et là, c’est le cas: l’interdiction est en force depuis qu’elle a été votée par le peuple et aucun Tribunal, en Suisse, ne peut la remettre en question.» Intervention davantage politique que juridique? «Il ne faut pas laisser perdurer une situation si problématique, répond Me Pierre de Preux. Autant régler ce contentieux sans attendre.»

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