mercredi 2 décembre 2009

Minarets: Genève prend acte dans la douleur


VOTATION | La plupart des élus sont d’avis qu’il faut contre-attaquer sur le terrain politique. Les radicaux dégainent les premiers.

© LAURENT GUIRAUD | Plus de 1000 personnes se sont réunies mardi en début de soirée sur le parvis de la cathédrale Saint-Pierre, entourant deux minarets de papier. Deux jours après le oui à l’initiative anti-minarets, elles ont manifesté leur solidarité avec les musulmans et leur rejet du racisme.
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MARC GUÉNIAT | 02.12.2009 | 00:00

Dimanche, l’onde de choc a traversé la Suisse. Comme la plupart des opposants à l’initiative, le président du Parti radical genevois, Hugues Hiltpold, prenait acte de ce vote qu’à l’exception de l’extrême droite, la classe politique a unanimement qualifié de discriminatoire. Dès lundi, le conseiller national revenait pourtant à la charge en proposant une initiative parlementaire pour contourner l’effet du choix de la vox populi. L’idée étant de remplacer dans le nouvel article constitutionnel «minarets» par «édifices religieux», afin d’offrir «à la population une alternative qui ne soit pas discriminatoire», résume le radical.

Et concrètement, la compétence d’autoriser lesdits «édifices» reviendrait aux communes. Autrement dit, libre à elles d’ériger des minarets sur leur territoire.

Naturellement, une telle initiative constitue en soi un camouflet pour le peuple suisse. Elle est donc prématurée, pour le libéral Pierre Weiss, qui préférerait «ramener un peu de sérénité dans ce débat». Le député juge «urgent de ne rien faire pour ne pas empirer la situation», rappelant que l’interdiction de la burqa est déjà pratiquement à l’ordre du jour.

Quant au vote des Genevois, Pierre Weiss s’en félicite, estimant que leur tolérance doit être mise en évidence afin de limiter les dégâts sur la Genève internationale et le tourisme. Mais l’essentiel de cette tâche revient selon lui à la Confédération.

«Un retour à la case départ»

De son côté, le président du Parti socialiste genevois, René Longet, s’il doute de la pertinence de la démarche d’Hugues Hiltpold, relève qu’elle a le mérite de montrer «que ce vote n’est pas immuable et qu’il ne faut pas l’accepter comme tel: ce qui a été fait peut être défait». Il rappelle à cet égard que la Suisse a discriminé les juifs pendant un siècle en interdisant l’abattage rituel. En ce sens, le résultat de dimanche constitue «un retour à la case départ». Plus que tout, le socialiste redoute une récupération du vote par les extrêmes droites européennes, dont certaines se sont déjà manifestées en applaudissant la Suisse des deux mains.

Premier citoyen du canton, le démocrate-chrétien Guy Mettan se soucie surtout des répercussions internationales du scrutin. «En perdant le soutien d’un quart, voire d’un tiers des pays du monde, la Genève internationale ne sera plus en bonne posture pour négocier une implantation par exemple», note le député. C’est pourquoi il faut impérativement «calmer le jeu et expliquer notre démocratie à l’extérieur» et «reprendre le combat politique à l’intérieur.»


Mille personnes se mobilisent

Une foule compacte a envahi hier soir le parvis de la cathédrale. Un bon millier de personnes, où la jeunesse était fortement représentée, ont répondu à l’appel de plusieurs organisations pour condamner l’initiative contre les minarets, acceptée dimanche par le peuple. Deux minarets de papier dressés sur les pavés et des centaines de bougies ont accompagné cette veillée durant laquelle une vingtaine d’orateurs ont pris la parole.

«Dimanche noir», «jour de honte», «date sinistre». Le vote du 29 novembre a ébranlé les consciences, mis à mal les confiances. «Nous n’avions pas imaginé que l’initiative pouvait passer, reconnaît Karl Grünberg de SOS-Racisme. Nous avons fait une erreur d’appréciation.» Au Conseil fédéral, on reproche de ne pas avoir invalidé l’initiative. La classe politique est vilipendée pour avoir laissé libre champ «aux discours haineux» de l’UDC. «Le danger, c’est l’UDC qui dresse des barrières entre les gens, non pas les musulmans», a déclaré une jeune intervenante.

«Dimanche matin, je me suis réveillée Suisse, avec les mêmes droits et devoirs que mes compatriotes, témoigne une jeune musulmane. Dimanche soir, je n’avais plus les mêmes droits.» «Ces droits qui sont le résultat d’une patiente conquête, a rappelé l’écologiste Marguerite Contat-Hickel. Et qui sont les garants de la paix entre les religions.»

«Racisme», «discrimination» étaient sur toutes les lèvres. Des haut-parleurs sortait le slogan: «Ni racisme ni xénophobie; nous sommes tous des musulmanes et des musulmans!» repris, quoiqu’assez timidement, par la foule.

Le président du Conseil d’Etat David Hiler et le modérateur des pasteurs ont apporté leur message de soutien.

Que faire? Les orateurs annoncent que «le racisme va se développer, d’autres mesures discriminatoires seront prises». Ils enjoignent les musulmans à ne pas se replier. Surtout, ils veulent «défaire dans l’honneur ce qui a été fait dans le déshonneur». Certains évoquent une contre-initiative, d’autres la voie judiciaire. En attendant, l’imam de la mosquée du Petit-Saconnex souhaite installer le minaret de papier devant son édifice. Et une jeune étudiante a encouragé la foule à «fabriquer plein de petits minarets à installer sur l’arbre de Noël»

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