PORTRAIT - Député de la droite populiste en Suisse, dans le canton du Valais, écrivain et chanteur à ses heures, l'initiateur de la votation de dimanche dernier contre les minarets est avant tout un provocateur qui entend bousculer les élites helvètes.
Oskar Freysinger a vu son initiative «antiminarets» approuvée par plus de 57 % des Suisses. («Danke» signifie «merci» en Allemand). Crédits photo : AP
Quand les premières estimations sont tombées, dimanche après-midi, Oskar Freysinger visitait, pour la première fois de sa vie, une mosquée. «Les résultats m'ont pris de court. J'ai eu un moment de panique, raconte-t-il auFigaro. Je ne m'attendais pas à gagner… Mais je me suis dit : mon propos n'est ni extrémiste ni haineux, les choses devraient bien se passer.» À la sortie, au moment de remettre ses chaussures, il n'en mène pas large, tout de même, lorsqu'un fidèle lui assène : «J'vous boxerais bien la gueule !»
Sans lui, la votation contre les minarets n'aurait pas eu lieu. Ses amis de l'Union démocratique du centre (UDC), le parti de la droite populiste dont il est député depuis 2003, tergiversaient. Il les a convaincus. Il y a un an, alors que des demandes de permis de construire des minarets sont présentées dans plusieurs cantons, une initiative populaireest déposée, forte de 113 540 signatures. Soutenue par des membres de l'UDC et de l'Union démocratique fédérale (UDF, droite évangélique), elle est aussitôt combattue par le gouvernement fédéral. «Dans un pays où tous les partis participent au gouvernement - UDC incluse -, qui est l'opposition à la classe politique ? interroge Oskar Freysinger. C'est le peuple. Et moi, je sens les frustrations de la population.» Bien «senti». Contre toute attente, et alors même que ses partisans n'y croyaient pas, l'initiative «anti-minarets» a été approuvée, dimanche, à plus de 57 % des voix, et avec une participation record. «La société civile a voulu poser des limites, analyse le député. Car les élites sont complètement déconnectées du réel. Il fallait donner un signal fort avant que ça ne devienne comme en Grande-Bretagne ou en France. L'État laïque a de plus en plus de mal à s'imposer, en Suisse comme ailleurs.»
Quarante-neuf ans, l'allure d'un baba cool, avec sa guitare sous le bras, son catogan et sa chemise sans col, il ne correspond pas forcément au stéréotype du Suisse ultraconservateur. Pour lui, c'est sans doute un atout. Avec ses provocations quasi permanentes, son humour parfois graveleux et ses petites phrases assassines, cet ancien professeur d'allemand, père de trois enfants, séduit bien au-delà des cercles de la droite conservatrice.
«J'ai osé dire que l'immigration massive et incontrôlée est un danger pour la cohésion sociale. Qu'être suisse, c'est une question de valeurs et que ceux qui refusent ces valeurs n'ont rien à faire chez nous, écrit-il sur son site Internet. Ce qui m'a donné la force de tenir la dragée haute à tous les bien-pensants gauchistes et moralisateurs béats, ces dernières années, c'est avant tout le sentiment d'avoir une mission à accomplir. Cette mission consiste à être une voix discordante dans l'harmonie trop parfaite du consensus mou.»
Après l'internement à vie des délinquants dangereux, après l'imprescriptibilité des actes de pédophilie, c'est donc dans un combat contre les minarets qu'Oskar Freysinger se lance. La Suisse, qui compte environ 400 000 musulmans sur une population de 7,5 millions d'habitants, n'abrite pourtant que quatre mosquées munies de minarets… Mais, pour lui, l'islam avance «à visage couvert», à l'ombre des burqas. «L'islam est une religion qui ne fait pas de distinction entre l'Église et l'État, explique le député. On pourrait la qualifier de religion politique. Dans certains pays européens, cela débouche sur des exigences de législation parallèle. Nous ne voulons pas de ça en Suisse. En s'en prenant au minaret, qui est un symbole de pouvoir, notre initiative entendait placer un garde-fou avant que la situation ne devienne irréversible.»
«Expulser les criminels étrangers»
Le barde aux longs cheveux, qui gratifie parfois son auditoire de chansons à textes et de virulentes fables de son cru, horripile une grande partie de la classe politique et des médias helvètes. «Je me suis fait traiter de Le Pen de pacotille… Je me suis fait traiter de sale Suisse… raconte-t-il. Si défendre l'État de droit et l'égalité entre hommes et femmes, c'est être fasciste, alors je suis fasciste, mais l'insulte personnelle me fait mal.»
La candidature de cet écrivain et poète à ses heures fut même rejetée, en 2005, par l'Association des auteurs de Suisse, suscitant une énorme polémique sur la liberté d'expression. «Mon nom, ici, dans les milieux littéraires, est associé à la peste, lâche Oskar Freysinger. Toutes les portes me sont fermées.» Qu'à cela ne tienne, le conseiller national UDC s'arrangea pour devenir membre de l'Association des écrivains serbes de Suisse ! «C'est piquant, non ? rigole-t-il. Les Serbes sont souvent présentés comme les méchants, or ils pourraient donner des leçons d'ouverture d'esprit et de tolérance au milieu littéraire suisse.»
Aujourd'hui, il est surtout «inquiet pour (s)a famille». «Des menaces, j'en reçois tout le temps, mais il suffit d'un fou, dit-il. Et il y a eu ce précédent de l'incendie (inexpliqué) de ma maison, en 2002.»
Le Conseil fédéral, qui garde en mémoire la crise des caricatures danoises, en 2006, craint, lui, pour la sécurité du pays et ses intérêts économiques. «Alors il faudrait se coucher pour vivre en paix ? s'exclame Oskar Freysinger. C'est ce que Chamberlain et Daladier ont pensé à Munich en 1938… Si les conséquences sont telles, c'est la preuve que ce que nous faisons pour nous défendre est légitime.»
Le fer de lance de la campagne antiminarets ne croit pas aux représailles. «Ce vote n'est pas antimusulmans, souligne-t-il. Nous avons toujours été clairs : nous n'exigeons pas l'assimilation des musulmans, mais leur intégration. Nous ne nous attaquons pas aux lieux de culte, à la liberté de religion, ni à ses aspects sacrés, comme l'avaient fait les caricaturistes danois.» Croit-il à un appel du gouvernement suisse auprès de la Cour européenne des droits de l'homme ? «Cette même cour européenne qui a banni les crucifix des écoles italiennes ? Elle ne peut tout de même pas faire deux poids, deux mesures ! assène- t-il. Et puis les Suisses ne le supporteraient pas !»
Déjà, il pense à son prochain combat, une initiative «pour expulser les criminels étrangers». «Nous voulons bien accueillir les gens, mais il faut qu'ils se comportent correctement, indique le député. On a déjà reçu plus de 230 000 signatures. C'est énorme !» En attendant, «avec les musulmans, les choses vont se calmer, assure-t-il. Et puis, d'ici trente ou quarante ans, l'islam aura fait sa mue, et il n'y aura plus de problème. Il faut que l'islam ait son siècle des Lumières.»
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