samedi 28 novembre 2009

Une coupole islamique venue du ciel

SPECTACULAIRE Plusieurs centaines de musulmans d’Alsace ont assisté hier à l’installation de la coupole haute de 20 mètres sur la future grande mosquée de Strasbourg. La salle de prière devrait accueillir 1500 fidèles dès l’automne prochain. STRASBOURG, LE 27 NOVEMBRE 2009 / AFP Au moment où les Suisses votent pour ou contre les minarets, Strasbourg met sa grande mosquée sous toit. Et sans… minaret! Un article de Jean-Noël Cuénod, Strasbourg, pour 24 Heures.

«Dis, papa, tu vas mouiller ton beau costume!» «Mehdi, dans un moment pareil, on ne sent plus la pluie.» Si ce jeune père de famille musulman piétinait dans la boue d’un chantier, hier matin, ce n’était pas seulement pour célébrer l’Aïd-el-Kébir – la Fête du Sacrifice. C’était surtout pour assister à un événement attendu depuis près de vingt ans par ses coreligionnaires: la spectaculaire pose de la coupole sur la future grande mosquée de Strasbourg… à l’heure où les Suisses votent pour ou contre les minarets.

10% de musulmans

Haute de 20 mètres et demi et lourde de 37 tonnes, l’armature de cette coupole s’élève dans les airs, mue par une grue pachydermique de 500 tonnes. Chants et prières retentissent. Un vieillard en djellaba brun clair écrase une larme en tenant la main de sa petite fille qui sautille dans une flaque.

Un quart d’heure plus tard, sous les youyous des femmes voilées – mais non masquées –, l’armature est juchée sur son sommet, d’où elle contemple le centre de Strasbourg, près du pont du Heyritz qui enjambe l’Ill. Un rayon de soleil déchire le gris céleste. La pluie s’arrête. En tout, Allah est expert! Le squelette peut désormais recevoir sa couverture en cuivre.

Des lieux de culte dédiés à l’islam existent déjà dans la capitale alsacienne. Mais il manquait une grande mosquée aux musulmans, qui forment 10% de la population strasbourgeoise (272 975 habitants). «Pour en arriver là, ce ne fut pas aisé, croyez-moi!» nous avertit le sénateur-maire socialiste de la ville, Roland Ries. Après quelques années de tergiversations, un projet fut fixé en 1998. «A cette époque, l’extrême droite était puissante et s’est violemment opposée à cette construction. Le Front national avait même envahi la salle du Conseil municipal au cours d’une séance. J’ai dû la faire évacuer», se souvient le sénateur-maire.

Entre-temps, le projet a subi des coupes. Les espaces culturels et… le minaret, prévus au départ, ont été abandonnés. La grande mosquée devrait être définitivement achevée en juillet prochain – Inch’Allah!

Qui finance?

Le coût de cette opération s’élève à 8,5 millions d’euros (près de 13 millions de francs). Son financement? Le sénateur-maire Roland Ries nous l’explique: «La ville de Strasbourg met le terrain à disposition et couvre 10% du coût de construction; la région Alsace et le département du Bas-Rhin financent le projet à hauteur de 15%. Le reste est assuré par des dons provenant des communautés de l’islam. Pour éviter qu’un seul Etat musulman ne domine ce projet, la participation financière de chaque pays contributeur est limitée à 10% du montant de cette opération.» Des collectivités publiques françaises subventionnent donc largement – à raison de 25% – la construction de ce lieu de culte. Une telle situation ne serait pas possible dans les autres régions de l’Hexagone, qui sont soumises à la loi de 1905 interdisant le financement d’édifices religieux par les organes de la République. Mais elle ne s’applique pas à l’Alsace et à la Lorraine, qui connaissent le système du concordat entre pouvoirs publics et religions reconnues, à la manière de la plupart des cantons suisses, sauf Genève et Neuchâtel.

D’ailleurs, selon le sénateur-maire Ries, l’appui des quatre confessions alsaciennes reconnues – juive, luthérienne, réformée et catholique – en faveur de ce projet s’est révélé décisif. Dans la France laïque, les voies du Seigneur sont encore plus impénétrables qu’ailleurs!

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