samedi 28 novembre 2009

Expulsion d’Abdiraschid: réactions

Trois lettres dans le courrier des lecteurs de 24 Heures, en réaction à l’expulsion d’Abdiraschid, jeune Somalien mineur et non accompagné.

imageA Rome, Abdiraschid a dormi à plusieurs reprises aux alentours de la gare. Photo Eric Andeville.

Quel manque d’humanité

A propos de l’article intitulé «A 17 ans, il est expulsé, tout seul, vers l’Italie» (24 heures du 14 novembre 2009):

Je suis très ému et choqué par l’expulsion d’un jeune mineur car nous sommes en relation avec un Congolais de 16 ans en apprentissage et vivant dans un foyer. Arrivé à 12 ans au CEP (Centre d’enregistrement et de procédure) de Vallorbe en provenance de Kinshasa via l’Italie, ce jeune homme n’a plus de famille. Qu’adviendra-t-il de lui en cas de retour en Italie?

Que l’ODM ne puisse être sensible à chaque cas, peut-être, mais je demande simplement un peu d’humanité. Bien sûr, on ne le jettera pas dans un wagon à bestiaux — non plus jamais ça! — on affrète un avion, quelle chance!

J’espère qu’il s’en sortira dans un pays dont il ne connaît pas la langue, mais parfois je me prends à cauchemarder: ces jeunes ont l’habitude de se débrouiller, donc plusieurs possibilités s’offrent à eux. Ils peuvent devenir vendeur de drogue, s’initier à la prostitution et, en plus, la mafia leur ouvrira certainement les bras.

Nous avons voté pour les Accords de Dublin soit, mais on met me semble-t-il les droits humains en sourdine. Cela me fait souci pour la réputation et l’avenir de la Suisse

René Maillefer, Ballaigues

Un Etat de droit? Vraiment?

Enseignant dans une école pour migrants, je me suis occupé pendant trois mois d’une classe de demandeurs d’asile et de réfugiés statutaires, dont faisait partie le jeune Somalien mineur qui vient d’être renvoyé en Italie. J’ai été très choqué d’apprendre la brutalité de l’expulsion. Je l’ai toujours traité comme un enfant de 17 ans, orphelin de père, très motivé pour apprendre notre langue, nos habitudes, et désireux de trouver une formation ici.

La Suisse a ratifié, en 1997, la «Convention relative aux droits de l’enfant» (ONU). Depuis il y a eu les Accords de Dublin 2, renvoyant, par une procédure sommaire, à la première terre d’asile (drôle d’euphémisme) tout requérant arrivé dans un 2e ou 3e pays successif.

Notre pays n’avait pas le droit de se parjurer!

L’enfant somalien devait être protégé dans notre pays, selon la Charte de l’ONU, avec la garantie que, face à toute décision administrative ou judiciaire, «l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale» (Article 3). On a commis un crime de lèse-enfance. Faisons-nous bonne figure en bafouant des accords contraignants? C’est bien joli de proclamer que la Suisse est membre de l’ONU, mais se réserve le droit de revenir sur ses engagements envers les enfants.

Cette légèreté me révolte. Mon élève vient d’un pays aux mains des seigneurs de guerre depuis 1990, sans garanties ni existence de l’Etat. On lui a dit: «Ici en Suisse, vous êtes dans un Etat de droit.» Ah oui? Même quand on passe allègrement outre aux conventions qu’on a pourtant signées de notre plus beau paraphe?

Jacques Depallens, Renens

Explications choquantes

A lire ce reportage, je suis tout simplement dégoûté.

Les explications des divers protagonistes «responsables» dans cette affaire sont choquantes. Un adolescent est encore un enfant, de chair, de cœur, qui a faim, qui a soif, qui n’a pas seulement besoin de vêtements et qui ne comprend rien aux menottes.

La loi est une chose, son application en est une autre, confiée à des humains, eux aussi de chair et de cœur. Elle n’impose pas une application de granit ou une réaction d’indifférence. Du cœur, de la charité, un sentiment de compassion devraient prévaloir sur l’orgueil politique. Je ne parle pas du sentiment chrétien bientôt disparu dans ce pays!

Si je souhaite que le cas Abdirashid mobilise les réactions nécessaires à l’âme d’un enfant qui devrait pouvoir se nourrir de tendresse, j’invite aussi chaque citoyen possédant encore un cœur de bonté pour les plus malheureux de se souvenir de ceux qui me font honte, à l’heure prochaine des choix électoraux.

Mon pays, c’est aussi ceux qui trahissent ma confiance électorale. Ma responsabilité civique, c’est de les congédier.

Francis C. Lachat, Villeneuve

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