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RENVOI | Fahad K. a passé sa première nuit en Suède. Le requérant irakien rendu célèbre par le film documentaire « La forteresse» a été expulsé hier. Pour le réalisateur Fernand Melgar, il n’y avait plus d’espoir en Suisse.LAURENT GRABET ET MARTINE CLERC | 03.04.2009 | 00:00
«Bonjour Fernand. désolé de vous déranger. Je suis bien arrivé en Suède. Je vous rappellerai plus tard. Merci à tous!» Hier en milieu de journée, après six jours de silence, le documentariste suisse Fernand Melgar, qui présente actuellement son film La forteresse à Bueno-Aires, a reçu ce SMS de Fahad K.
Le requérant d’asile irakien qui était devenu le héros de ce film venait d’être «relâché» à l’aéroport de Stockholm après avoir été expulsé de Suisse par vol spécial du Département fédéral de justice et police (DFJP). Lequel n’a communiqué qu’une fois l’Irakien parti.
«Fahad paye le prix fort!»
C’est en effet en Suède que le jeune homme avait déposé sa première demande d’asile. Et selon les accords de Dublin, dont la Suisse est signataire, c’est donc à ce pays d’accepter sa demande d’asile ou de le renvoyer en Irak. Là-bas, sa vie serait menacée par des milices islamistes.
«Fahad a été déposé en miettes à l’aéroport après avoir été isolé en cellule de sécurité dans des conditions inhumaines, accuse Fernand Melgar. Cette expulsion est donc finalement un soulagement pour nous étant donné que toutes les voies de recours avaient été épuisées. Mais Fahad a payé le prix fort!»
Paradoxalement, cette histoire a réconcilié le documentariste avec son pays. «Fahad a donné un visage à tous ces requérants anonymes qu’on expulse au petit matin depuis les durcissements des lois sur l’asile», commente le Vaudois. Son histoire a soulevé une gigantesque vague d’indignation. Plus de 6000 personnes ont signé la pétition lancée pour que son cas soit reconsidéré.
«Des centaines d’entre eux ont écrit directement à Eveline Widmer-Schlumpf, souligne Melgar. Mais l’administration fédérale s’est malheureusement enfermée dans l’aveuglement. Elle est restée au plus près de la loi oubliant que trop de justice crée l’injustice et en niant la vocation de terre d’asile de notre pays.»
Pour Brigitte Hauser-Süess, porte-parole du DFJP, ce renvoi n’a rien d’inhumain. «Comme la Suisse, la Suède est un pays de droit signataire de la Convention de Genève sur le statut des réfugiés et de la Convention européenne des droits de l’homme. Si Fahad K. risque vraiment sa vie dans son pays, la Suède ne l’y renverra pas.»
Que va devenir l’Irakien?
Fahad K. a passé sa première nuit en Suède dans un centre de transit de la banlieue de Stockholm. Selon Elise Shubs, sa mandataire juridique qui a pu le contacter hier, «il a été informé qu’il serait ensuite transféré dans un centre d’hébergement situé à plus de 1000 km au nord et où il avait déjà été placé lors de sa précédente demande d’asile.»
Ses défenseurs ont l’intention de trouver à Fahad K. un logement à proximité de la capitale pour lui épargner cet éloignement. «Une pratique acceptée par l’Office suédois des migrations», commente Johan Rahm, son porte-parole.
Le Ministère suédois de la Justice l’a assuré aux DFJP et l’a confirmé hier à la Tribune de Genève : le requérant a désormais 21 jours pour recourir contre la décision prise l’an dernier de rejeter sa demande d’asile. Laquelle avait été assortie d’une décision de renvoi vers l’Irak.
Fahad K. pourra bénéficier d’une assistance juridique financée par l’Office suédois des migrations. Son sort sera ensuite entre les mains d’un tribunal des migrations.
«Il se prononce en général 3 ou 4 mois plus tard, indique Johan Rahm. En cas de nouveau refus, Fahad K. pourra encore faire appel. Son séjour en Suède pourrait alors durer de nombreux mois.»
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