lundi 12 janvier 2009

Des Roumains se mobilisent contre les corbeaux de l’UDC

CAMPAGNE | Les affiches contre l'extension de la libre circulation des personnes choquent la communauté roumaine. Une pétition virtuelle milite pour son interdiction.

© | Adrian Rachieru, président de l'Association roumaine de Lausanne, estime que cette affiche de l'UDC contre l'extension de la libre circulation des personnes attaque son pays. Il se mobilise pour la faire retirer.

LAURE PINGOUD | 10.01.2009 | 00:05

Le regard mauvais, les griffes aiguisées et le plumage sombre, des corbeaux malfaisants dévorent la Suisse. Fidèle à son style, l'Union démocratique du centre use de la provocation pour combattre l'extension de la libre circulation des personnes à la Bulgarie et à la Roumanie. Et le procédé choque au sein des communautés visées. «Nous avons trouvé la campagne d'affichage tendancieuse et raciste. Elle s'attaque à deux pays qui viennent d'entrer dans l'Union européenne comme s'ils étaient des Etats voyous. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés», réagit Adrian Rachieru, le président de l'Association roumaine de Lausanne.

Soucieux de lutter contre les peurs que suscite la Roumanie, cet ingénieur installé dans le canton de Vaud depuis 1986 s'est donc mobilisé avec des compatriotes de Suisse pour dénoncer l'image véhiculée par cette affiche et la faire retirer. Ce petit comité, qui compte aussi l'écrivain lausannois Marius Daniel Popescu, appelle à signer, sur internet, une lettre ouverte adressée au Conseil fédéral, aux habitants et à aux partis politiques. «Nous considérons que cette campagne propage la haine et stigmatise d'une manière diffamatoire deux peuples membres de l'Union européenne», dénonce ce texte en demandant l'interdiction de la campagne.

Des échos à l'EPFL

La démarche a rapidement trouvé écho au sein de la communauté roumaine de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Arrivée en 2004 après des études en Roumanie, la doctorante Diana Ciressan a ainsi signé et fait circuler le manifeste, choquée par l'affiche qu'elle ressent comme une attaque. «Il faut protester! Bien sûr que la Roumanie est un pays en développement, avec des gens qui vont chercher du travail ailleurs. Mais on a vraiment quelque chose à donner à la Suisse et à l'Europe.» Son collègue Mihai Gurban, sur le point d'obtenir sa thèse, renchérit: «Nous ne sommes pas là pour voler ou créer des problèmes. Il y a beaucoup de Roumains à l'EPFL qui contribuent à la recherche suisse. Nous ne sommes pas des corbeaux, défend ce signataire de la lettre. Je sais qu'il y a peu de chance que la campagne soit touchée par notre action et je comprends que chacun exprime ses opinions, mais je veux montrer qu'une telle image n'est pas sans effet.»

La suite de cette mobilisation reste à écrire. Après la mise en ligne discrète de la lettre ouverte sur un site des Roumains de Suisse, ses initiateurs lancent, lundi, la collecte de signatures de cette pétition virt uelle – donc symbolique –, en la diffusant à large échelle. Ils espèrent récolter un maximum de paraphes, afin de sensibiliser la population et d'interpeller le Conseil fédéral.



Combat d'oiseaux dans une campagne qui se durcit

T rop molle la campagne en faveur de la libre circulation? C'est en tout cas ce qu'estiment certains partisans du oui. Ils en ont marre de voir pousser des pommes sur les affiches d'EconomieSuisse. Pour rappel, le placard présente un arbre dont la moitié des branches sont mortes et les autres pleines de pommes rouges.

Cette semaine, plusieurs voix se sont élevées pour critiquer cette «campagne abstraite et trop gentille». Pour la pimenter, des personnalités issues essentiellement du Parti radical prennent les choses en main. Ce dimanche, elles lanceront dans la presse leur propre campagne de soutien à la libre circulation et à son extension à la Roumanie et à la Bulgarie.

Dans leur projet, les fruits sont remplacés par… un corbeau! Oui, oui, le même que celui brandi par l'UDC. «Sauf que cette fois-ci, l'oiseau ne représente pas un Bulgare ou un Roumain, explique Otto Ineichen, l'entrepreneur qui en a eu l'idée. Il s'agit de l'UDC! C'est elle, le vrai rapace, pas les travailleurs. Avec notre communiqué, nous la controns en jouant sur le même terrain qu'elle.»

Un terrain miné, estiment pourtant des spécialistes de la communication. «Ce n'est pas très intelligent de faire la même chose que son adversaire, remarque un conseiller politique dans le Tages-Anzeiger. Cela peut s'avérer contre-productif.» Il n'y a d'ailleurs pas si longtemps, la campagne de l'UDC mettant en scène des moutons expulsés de Suisse n'avait fait parler d'elle qu'au moment où elle fut détournée par les adversaires du parti. Tant pis! Otto Ineichen prend le risque. D'autant que sa campagne a coûté quelque 150000 francs. «Au moins, elle fera parler d'elle, ajoute le radical lucernois. Et elle est plus clairequ'un pommier qui n'ades fruits que sur la moitié de ses branches!»

Une critique qu'EconomieSuisse semble avoir entendue. La semaine prochaine, l'organisation modifiera elle aussi ses affiches
en Suisse alémanique. L'arbre restera certes collé au mur, mais des pommes par dizaines y seront ajoutées. «Ainsi, les citoyens comprendront mieux que la libre circulation comporte de nombreux avantages», conclut-on chez EconomieSuisse.

 

NADINE HALTINER, ZURICH



Pour ses initiateurs, «l'affiche est excellente»

«Représenter la Roumanie et la Bulgarie comme des oiseaux rapaces qui volent la Suisse, constitue une grave insulte à l'adresse de chaque citoyenne et de chaque citoyen de ces pays.» Cette critique, formulée dans la pétition virtuelle, laisse de marbre Claude-Alain Voiblet, secrétaire général de l'UDC Vaud. «Nous ne disons pas cela. Nous disons que l'extension de la libre circulation à la Bulgarie et à la Roumanie est la porte ouverte aux abus», réagit le politicien qui «assume parfaitement» cette affiche.

«On aurait pu faire une image fade dont personne ne parle… Celle-ci veut provoquer, mais dans le bon sens du terme», poursuit-il. A ses yeux, la campagne remplit parfaitement sa mission. «Si on dépense de l'argent dans la communication, notre objectif est qu'elle soit bonne. Et cette affiche est excellente au niveau du message. Ce qu'en pensent nos adversaires nous est égal.»

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