jeudi 18 août 2011

Des musulmans récupèrent le lourd symbole de l’étoile jaune

étoile jaune récupération Le Conseil islamique de Nicolas Blancho lance une action qui provoque l’indignation générale.

L’étoile jaune est de retour. Utilisée à l’origine pour marquer les juifs lors des plus sombres périodes du XXe siècle, ce symbole se voit aujourd’hui dans les rues des villes suisses. L’initiative émane du Conseil central islamique de Suisse (CCIS) que préside Nicolas Blancho, comme l’a dévoilé Le Matin d’hier. L’étoile jaune à huit pointes (et non pas six) a été vue notamment à Lausanne. Il y est écrit «Muslim» en écriture gothique, la même graphie qu’avait utilisée le régime nazi pendant la guerre. Le but? Annoncer une manifestation contre l’islamophobie qui se tiendra en octobre à Berne. 5000 autocollants ont ainsi été distribués auprès des différentes mosquées et associations musulmanes de Suisse. Libre à la communauté d’en faire ce qu’elle entend. L’action est contestée.

«Le CCIS assimile les victimes de l’islamophobie de Suisse avec les victimes juives du nazisme, s’indigne Johanne Gurfinkiel, secrétaire générale de la Coordination contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD). La comparaison de ces deux situations tend en fait à banaliser le traitement subi par les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est écœurant! De plus, ce parallèle est historiquement faux et irresponsable.» Qaasim Illi, porte-parole du CCIS, se justifie: «Nous voyons des structures similaires entre l’antisémitisme sous le IIIe Reich et la vague islamophobe qui frappe notre pays. Il existe de nombreux cas de discriminations à l’égard des musulmans et nous souhaitons les mettre en lumière.»

L’opération choque des musulmans. Le directeur de la Fondation de l’entre-connaissance, Hafid Ouardiri, déplore la méthode: «Cette action est contre-productive! Le rôle de la communauté musulmane de Suisse est plutôt de créer des liens, de communiquer.» Même avis du côté du Centre islamique de Genève: «Cela nous choque autant que cela choque la communauté juive, réagit l’imam Youssef Ibram. Nous ne nous sentons pas exclus comme l’étaient les juifs sous le nazisme.» L’imam critique vivement l’attitude du CCIS, qu’il accuse de faire cavalier seul et de ne représenter qu’une extrême minorité des musulmans de Suisse. «Si l’UDC utilise des moyens irrespectueux pour communiquer, poursuit-il, nous ne devons pas suivre la même voie, mais plutôt répondre avec élégance.» Le CCIS défend, lui, la méthode en décrivant l’importance de pouvoir sensibiliser la population aux traitements racistes que subissent les musulmans. «Nous profitons d’avoir encore le droit de pouvoir nous manifester contre ce phénomène, explique Qaasim Illi. Ce ne sera peut-être plus le cas dans vingt ans.»

Kevin Grangier, porte-parole romand de l’UDC Suisse, concède un certain mérite à ce style de communication: «Pour faire le buzz, c’est plutôt malin.» Il n’est cependant pas d’accord avec le symbole utilisé, qu’il juge de «mauvais goût». Il espère que la communauté juive ne se contentera pas de simplement dénoncer l’acte, mais qu’elle attaquera le CCIS en justice. «Si le CCIS veut communiquer de manière provocante, qu’il le fasse, mais sans récupérer des symboles aussi lourds de sens.»

Eric Lecoultre

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