samedi 13 décembre 2008

VIOLENCES DOMESTIQUES · Depuis qu'elle est appliquée, la Loi fédérale sur les étrangers (LEtr) révèle

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P R O P O S RECUEILLIS PAR ISABELLE STUCKI dans Le courrier

2006: après référendum, la population a accepté la Loi fédérale sur les étrangers (LEtr). Entrée en vigueur au début de cette année, elle règle le séjour en Suisse des personnes qui ne sont pas ressortissantes de l'Union européenne (UE). Alors qu'il avait été vendu comme une grande innovation, l'article 50 et son application posent de sérieux problèmes. Sensé protéger les migrantes victimes de violence conjugale, l'article met en péril le permis de séjour de celles qui osent quitter leur conjoint. Juriste active au sein d'un collectif d'avocat-e-s lausannois qui traite passablement de cas liés à cette problématique, Elisabeth Chappuis analyse les effets de la LEtr. Quelle regard portez-vous sur la Loi fédérale sur les étrangers en général? Elisabeth Chappuis: Un regard très critique. La LEtr représente et matérialise la politique migratoire suisse. Le problème principal que pose cette loi réside dans l'octroi de permis causaux. A savoir que la personne ne vit pas en Suisse en tant que telle. Mais, dans le cadre du regroupement familial, en tant que «conjoint de». De ce fait, elle est entièrement dépendante de l'effectivité de sa relation conjugale. Qu'est-ce qu'implique l'article 50 de la LEtr? Cet article concerne particulièrement les personnes arrivées en Suisse au titre du regroupement familial. Elles obtiennent un permis de séjour parce que leur conjoint est au bénéfice d'un permis C ou qu'il est suisse. L'article 50 règle le statut de ces femmes lorsqu'il y a dissolution du couple. En cas de séparation ou de divorce, le droit au permis ou à son renouvellement tombe. Sauf si l'union conjugale a duré plus de trois ans et que l'intégration en Suisse est réussie. Le permis peut aussi être renouvelé pour des «raisons personnelles majeures». La violence conjugale, notamment. Mais n'oublions pas le principe directeur du système: quand une femme vient en Suisse pour vivre avec son conjoint et qu'elle s'en sépare, les autorités considèrent que le but du séjour est atteint et que la femme en question n'a plus rien à faire en Suisse. Concrètement, que se passe-t-il quand une migrante dénonce la violence dont elle est victime et quitte le domicile conjugal? Quand la femme veut renouveler son permis, on lui demandera si son statut a changé. Si c'est le cas, le Service cantonal va ensuite examiner si les conditions de l'article 50 sont réunies. Mais les femmes victimes de violence conjugale n'ont aucune garantie que leur permis sera renouvelé dans le cas où elles quittent le conjoint. Les cantons de Vaud, Neuchâtel et Genève sont relativement bien disposés à renouveler le permis des migrantes violentées, et donnent souvent, mais pas forcément, des préavis favorables. Or, c'est la Confédération à travers l'Office fédéral des migrations (ODM) qui donne son approbation. L'ODM renvoie-t-il de Suisse des femmes migrantes battues? Les autorités fédérales de manière générale! Tout est toujours un problème de preuves et, contrairement aux autorités cantonales qui sont proches des gens, l'ODM n'a aucune connaissance du terrain. L'ODM ne rencontre jamais les personnes concernées. Il donne presque systématiquement un préavis négatif et offre un délai à la femme migrante pour qu'elle puisse faire des remarques. L'ODM prend ensuite une décision qui va le plus souvent dans le sens de son préavis, quelles que soient les remarques de la femme battue. La loi prend nommément en compte la violence conjugale. Est-ce une avancée? Que la violence conjugale soit inscrite dans la loi peut être considéré comme une reconnaissance sociale symbolique du phénomène. Juridiquement, tel était déjà le cas par le biais de directives. Pourquoi la loi lie-t-elle violence conjugale et réintégration dans le pays de provenance? Parce que le système veut que si la femme se sépare, elle doit rentrer. Ce n'est que si ce retour est inexigible que l'on va lui permettre de rester en Suisse. Ainsi, pour obtenir la prolongation de son permis de séjour, la victime devra non seulement prouver les violences qu'elle subit, mais également démontrer que sa réintégration sociale dans son pays est fortement compromise. Comment interpréter la «réintégration dans le pays de provenance»? Comme la loi n'est entrée en vigueur qu'en 2008, nous avons peu de recul. En général, le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral se chargent de préciser ces détails. Ses décisions font office de jurisprudence. Pour le moment, aucun cas n'a encore été tranché sous l'empire de la LEtr. Le critère de la réintégration sociale a-t-il pris le pas sur la violence conjugale? C'est difficile à dire. Même si les deux critères sont d'importance égale et cumulatifs, les autorités compétentes des cantons de Vaud, Neuchâtel ou Genève ne semblent pas trop s'attarder sur la réintégration, pour autant que la femme souffre effectivement de violence conjugale. On ne sait pas encore quel poids sera accordé par les tribunaux supérieurs à ces deux critères qui, normalement, ont le même poids. Comment faudrait-il modifier la loi pour que les femmes soient protégées? Notamment en octroyant des permis individualisés qui ne dépendent pas du statut matrimonial. De manière plus générale, il faudrait prévoir un vrai droit au permis de séjour en cas de violence, notamment pour les personnes sans papiers. La LEtr précarise-t-elle particulièrement les femmes? La loi précarise tout particulièrement les femmes, dans le cadre du regroupement familial. Leur situation est très différentes des femmes originaires d'un pays de l'UE.

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