samedi 20 décembre 2008

Sangatte au coeur de Paris

L'HUMANITE
http://www.humanite.fr/2008-12-19_Societe_Sangatte-au-coeur-de-Paris

Société - Article paru le 19 décembre 2008

SANGATTE AU COEUR DE PARIS

Réfugiés . Des centaines de migrants afghans, y compris des mineurs,
dorment dans les rues de Paris. Une pétition réclame de nouvelles places
d'hébergement.

Certains ont à peine quatorze ans. Les plus âgés, la trentaine. Tous les
soirs, place du Colonel-Fabien, dans le 10e arrondissement de Paris, des
dizaines de jeunes hommes attendent. Leur espoir ? Réussir à monter dans
les bus de l'Atlas qui transportent les sans-abri dans des centres
d'hébergement, et éviter ainsi de passer une nouvelle nuit dehors. Ce
sont des Afghans, dans leur très grande majorité, et il y a aussi
quelques Irakiens et Iraniens. Ils ont fui des pays en guerre, parcouru
l'Europe pendant des mois et atterri à Paris, au carrefour des routes
migratoires.

Selon les associations, quelque 150 migrants séjourneraient actuellement
dans le 10e arrondissement, dont de nombreux mineurs. Les gares de l'Est
et du Nord les font rêver d'ailleurs, plein de promesses : Calais pour
passer vers l'Angleterre, mais aussi les pays scandinaves, nouvel éden
pour les réfugiés. Certains espèrent aussi rester en France où ils
demandent l'asile. « Nous nous battons contre cette idée qu'ils ne
seraient ici qu'en transit, souligne Jean-Michel Centres, du collectif
des exilés du 10e. Beaucoup veulent demander l'asile, mais les
conditions de vie dans lesquelles on les maintient, c'est un frein. »

Privés de tout, ces migrants ne peuvent compter que sur les associations
pour se nourrir, se loger et se vêtir. Certaines avancées, comme
l'ouverture d'un kiosque d'informations, ne masquent pas l'insuffisance
criante de leur prise en charge. Une pétition, à l'initiative du PCF et
signée par un millier de riverains, réclame l'ouverture de cent places
d'hébergement supplémentaires. Une délégation d'élus doit être reçue
aujourd'hui au ministère du Logement pour dénoncer les « conditions de
vie inhumaines » des exilés du 10e.

« Depuis la fermeture du centre de Sangatte en 2002, le nombre de
migrants à Paris a explosé, témoigne Jean-Michel Centres. Durant l'hiver
2005-2006, nous avons assisté à une brusque augmentation du nombre de
mineurs afghans due à la fermeture des camps du haut-commissariat aux
réfugiés au Pakistan et aux renvois forcés vers l'Afghanistan. » En
2007, le collectif comptabilisait 483 mineurs, et 615 en 2008, soit 25 %
d'augmentation. La loi et les conventions internationales obligent
l'État à assurer une protection à tout mineur étranger isolé,
particulièrement vulnérable aux dangers de la rue et des réseaux. La
réalité est tout autre.

Les associations financées par l'État pour accueillir les mineurs et les
mettre à l'abri sont saturées : le dispositif Versini, mis en place en
2003, ne compte que 70 places. Il revient à France Terre d'asile et à
Enfants du monde (Droits de l'homme) la difficile tâche d'évaluer, à la
lumière des lampadaires, l'âge des migrants… « Essayez de déterminer qui
est mineur ici ! s'emporte Pierre Henry, le directeur de France Terre
d'asile. C'est très difficile. Résultat : nous allons prendre ceux qui
nous semblent les plus fragiles. Nous connaissons les limites du
dispositif, mais il a le mérite d'exister. » L'association réclame un
pilotage régional sur la question des mineurs étrangers isolés,
impliquant l'État, les associations, les collectivités…

La situation devrait s'améliorer ces jours-ci, la ville de Paris ayant
annoncé le 15 décembre la création de vingt places supplémentaires
d'accueil pour les mineurs étrangers. L'accueil reste pourtant
insuffisant. Ces jours-ci, ils seraient entre quinze et vingt mineurs à
dormir sur les trottoirs de la capitale. « Ces jeunes sont en danger,
alerte Jean-Michel Centres. Régulièrement les gardiens du square
Villemin nous alertent sur des sollicitations sexuelles. Sans compter le
froid, les problèmes de santé et la tentation de retourner sur la route
de l'exil et d'aller se cacher sous un camion à Calais. »

http://www.educationsansfrontieres.org/ ?article16889.

Marie Barbier

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