samedi 20 décembre 2008

Les sans-papiers s'invitent pour Noël

Les sans-papiers s'invitent pour Noël

Paru le Dimanche 21 Décembre 2008 dans le Courrier
   OLIVIER CHAVAZ    

SuisseC'est un réveil soudain, presque inattendu. Quelque cent cinquante femmes, hommes et enfants sans statut légal ont fait irruption sur la scène médiatique et politique en occupant une église en vieille ville de Zurich, la Prediger Kirche. Un rassemblement a simultanément eu lieu à Lausanne. Soutenus par les organisations de défense des migrants, ces sans-papiers et ces recalés du circuit de l'asile réclament le droit de rester et de travailler dignement sur sol helvétique. A la veille de Noël, ces actions rappellent que la Suisse se distingue en Europe par la fermeté d'une législation sans cesse renforcée. 
Que le coup d'envoi ait été donné à Zurich constitue une bonne nouvelle. Contrairement à certaines pratiques, romandes notamment, qui sont objectivement plus souples, le centre économique du pays applique avec zèle les lois fédérales. Les autorités zurichoises n'ont ainsi jamais présenté de demande de régularisation collective, alors qu'une forte proportion des 90 000 sans-papiers (une estimation basse de l'Office fédéral des migrations datant de 2004) résident et occupent un emploi au noir dans ce canton. Sans l'adhésion de Zurich, une nouvelle requête lancée par des cantons –à l'image de Genève et ses 5000 permis– n'aurait pas plus de chance d'aboutir, estiment les associations. Au bord de la Limmat, cette politique inhumaine se décline également dans le domaine de l'asile. Réduite à sa plus simple expression, l'aide d'urgence pour les requérants frappés d'une non-entrée en matière (NEM) et ceux qui ont été déboutés est par exemple distribuée sous forme de bons Migros. Et ces personnes sont contraintes de changer de foyer chaque semaine. Une incitation à la délinquance, en quelque sorte. Au-delà du cas zurichois, les revendications du mouvement valent néanmoins pour l'ensemble de la Suisse. L'action lausannoise en est la preuve. Parviendra-t-on à remettre la question du droit des migrants au centre du débat? Il faudra en tout cas une bonne dose de détermination. Entamée au début de la décennie, la campagne de soutien aux sans-papiers avait marqué quelques points sous le règne de la conseillère fédérale Ruth Metzler, avant d'être douchée par l'arrivée de Christoph Blocher au Conseil fédéral. L'adoption claire par le peuple des lois révisées sur l'asile et les étrangers, en 2006, n'a ensuite rien arrangé. Quant à Eveline Widmer-Schlumpf, elle ne semble pas disposée à desserrer la vis. Reste que ces lois laissent théoriquement la possibilité de procéder à des régularisations. Leurs promoteurs en avaient fait un argument pour convaincre la population. Mais ces maigres ouvertures ne sont même pas exploitées. Dans ce contexte, c'est bien l'incurie de la politique migratoire qu'il convient de dénoncer inlassablement.

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