lundi 23 juin 2008

Un centre de rétention en cendres

GAËL COGNÉ

LIBERATION - QUOTIDIEN : lundi 23 juin 2008

Le Centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes n’est plus qu’un amas de cendres : il a entièrement brûlé, hier après-midi, sans faire de victimes autres que des personnes incommodées par les fumées, selon la préfecture de police (PP), pour qui 249 personnes se trouvaient dans l’enceinte au moment du sinistre. Dans la pagaille, une cinquantaine de personnes en aurait profité pour s’enfuir, selon la PP. «Nous n’avons aucune certitude qu’il n’y ait personne sous les décombres» , indiquait hier soir la Cimade.

Les deux bâtiments (CRA 1 et CRA 2) ont commencé à flamber, presque simultanément, vers 15 h 45. «Plusieurs foyers d’incendie volontaire ont été détectés» , expliquait la préfecture de police. Rapidement, le feu aurait gagné l’ensemble du bâtiment. «C’était un vrai feu d’artifice. Je n’ai jamais vu un feu pareil. En trois quarts d’heure, tout avait brûlé. C’est simple, il n’y a plus de centre», rapporte une militante de SOS soutien sans-papiers présente sur les lieux.

Crise cardiaque. Selon des retenus contactés par téléphone, il y aurait des dizaines de blessés. «Il y a eu quatorze évacuations du CRA 2» , assurait l’un d’eux. Un autre, retenu dans le CRA 1, faisait état de «dizaines de personnes qui ne pouvaient plus marcher, emmenées sur des brancards». La préfecture indique qu’«aucun blessé grave [n’était] à déplorer» pour le moment. «Cependant, 20 personnes, incommodées par les fumées, ont été transférées à l’hôpital.» Plus de 150 pompiers et une cinquantaine d’engins ont été nécessaires pour lutter contre l’incendie.

Ce sinistre intervient après la vive tension suscitée par la mort, samedi, d’un Tunisien de 41 ans, décidé d’une crise cardiaque, selon la préfecture. Cet homme était retenu suite à une interdiction du territoire, depuis quatre jours à Vincennes. Selon les associations de soutien aux sans-papiers, l’homme aurait fait un malaise. Son compagnon de chambre l’aurait trouvé «dans une posture inquiétante». Les pompiers seraient arrivés sur place «trente à quarante minutes plus tard.» Le Samu, intervenu peu après, aurait passé trois heures sur place. Dans un communiqué, la préfecture répond que l’homme «se trouvait seul dans sa chambre au moment du décès».

Pour l’association SOS soutien sans-papiers, «ce Tunisien n’aurait pas dû être dans le centre de rétention. Il était malade. On a osé dire aux retenus qu’il était mort pendant le transport. Nous allons porter plainte pour non-assistance à personne en danger.» D’après les premières constatations médicales et l’autopsie, aucune «trace anormale» n’a été remarquée sur le corps, selon la PP.

La nouvelle de cette mort a circulé dans les deux centres de rétention. Samedi soir, déjà, des chambres auraient «cramé» et plusieurs incidents se seraient déroulés jusque tard dans la nuit. Pour la préfecture, il y a bien eu une tentative d’incendie de matelas, mais le centre était «relativement calme toute la soirée».

Hier vers 15 heures, quelques militants des collectifs de soutien aux sans-papiers se sont réunis devant le CRA pour demander des comptes sur le décès du Tunisien. A l’intérieur, les retenus ont organisé une cérémonie pour le défunt, explique un retenu joint par téléphone : «Une prière a eu lieu dans la cour. On a ensuite participé à une marche silencieuse. Des gens criaient, certains étaient agités, ils tiraient sur la grille, mais on leur a dit de se calmer. Il fallait respecter la cérémonie. Les policiers étaient très nombreux. Ils nous encadraient. Une fois la cérémonie finie, on devait se disperser. C’est alors que j’ai vu des gens qui sortaient tous les matelas des chambres. Les départs de feu ont commencé.»

Evacués. Certaines personnes font alors la sieste dans les chambres et doivent s’échapper par les fenêtres. Rassemblés et évacués, les retenus sont menés par groupe de 10 dans le gymnase de l’école de police voisine. «On nous a rassemblés au centre et on nous a gazés. Je ne sais pas pourquoi. Beaucoup de gens ont fait des malaises.» Les 200 retenus ont ensuite été transférés dans plusieurs centres de la région.

Depuis la fin 2007, les tensions se répètent au centre de rétention de Vincennes. Le député vert, Noël Mamère a demandé, hier, la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire, dénonçant les «conditions inacceptables» du quotidien des personnes retenues. De son côté, la Cimade met en cause un centre «non conforme à la réglementation» et regrette «la surdité de la préfecture de police et du ministère de l’Immigration».




14 retenus manquent à l'appel après l'incendie du centre de rétention de Vincennes

AFP - LIBERATION.FR : lundi 23 juin 2008

Les deux bâtiments du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, le plus grand de France, ont été détruits dimanche dans un incendie provoqué par des personnes retenues. Selon un bilan établi lundi matin, quatorze retenus en ont profité pour prendre la fuite sur les 249 que comptait le centre.

Dans le nuit de dimanche à lundi les retenus, qui avaient été regroupés dans le gymnase de l'école de police proche du CRA, ont été transférés vers d'autres centres en France situés à Lille (Nord), Nîmes (Gard), Palaiseau (Essonne) et Oissel (Seine-Maritime). Sur les dix-huit blessés légers dénombrés lors de cet incendie et qui avaient été conduits à l'hôpital parisien de l'Hôtel-Dieu, dix s'y trouvaient toujours lundi matin et devaient sortir dans la matinée, selon la PP.

Selon des sources concordantes, tout a commencé après le décès samedi d'un Tunisien sans-papier de 41 ans, mort d'une crise cardiaque. Sa mort a entraîné un rassemblement dimanche d'un collectif de sans-papiers devant le CRA vers 15H00, et selon une source proche de l'enquête, des retenus ont mis le feu à des matelas.

"A 15H45, plusieurs foyers d'incendie volontaire ont été détectés. (...) Le feu s'est propagé et a gravement endommagé les deux centres", -le CRA 1 et le CRA 2-, qui abritent des sans-papiers en attente d'expulsion ou de libération, selon la PP.

"Les deux bâtiments sont entièrement détruits et les personnes ont été évacuées dans le gymnase de l'école de police", situé dans le CRA, a indiqué à l'AFP un policier du syndicat FO police, Luc Poignant, confirmant des informations données par des membres du réseau Education sans frontières présents (RESF) sur place.

Selon Jean-Pierre Brard, député (app. PCF), qui a pu entrer dans le CRA peu après 18H00, il y a eu "au moins 14 blessés", intoxiqués par des gaz lacrymogènes utilisés par des forces de l'ordre pour disperser une manifestation à 14h30 des retenus du centre dans la cour. Le député Verts Noël Mamère a évoqué "une mutinerie" .

A 19H30, le feu était maîtrisé, a constaté une journaliste de l'AFP. L'opération a nécessité une cinquantaine d'engins et plus de 150 pompiers.

Selon la PP, le CRA, d'une capacité maximale de 280 personnes, contenait 249 retenus dimanche. Il a été ces derniers mois plusieurs fois le théâtre de tensions, certains retenus protestant contre leurs conditions de rétention.

Ces incidents interviennent alors qu'un Tunisien de 41 ans est décédé samedi en fin d'après-midi dans ce CRA, "d'une crise cardiaque", selon les premiers éléments de l'enquête. Ce ressortissant tunisien était "sous le coup d'une interdiction définitive du territoire français prise par la cour d'appel de Paris".

Son autopsie dimanche n'a rien révélé d'anormal, selon la PP. "Tant les premières constatations médicales que l’autopsie, réalisée dans le cadre de l’enquête en cours menée par la police judiciaire, écartent la présence de traces anormales", a-t-elle précisé.

Le député Verts Noël Mamère a demandé dimanche la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire, dénonçant les "conditions inacceptables" du quotidien des personnes retenues.

La Cimade, seule association autorisée dans les CRA, a mis en cause un centre "non conforme à la réglementation, déplorant "la surdité de la préfecture de police et du ministère de l'immigration".

Pour France Terre d'asile, ces "événements dramatiques étaient hélas prévisibles". L'association a dénoncé "une politique absurde qui (...) entache notre réputation de terre des droits de l'homme".

http://www.liberation.fr/actualite/societe/334094.FR.php

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