mercredi 26 mars 2008

Des requérants d'asile sont détenus illégalement à l'aéroport

MIGRATIONS - Des requérants d'asile croupissent des semaines voire plus dans la sordide zone de transit de Genève-Cointrin. En toute illégalité, a tranché le Tribunal fédéral.
Au cafouillage s'ajoute l'illégalité. En début d'année, l'Office fédéral des migrations (ODM) se faisait épingler par différents observateurs pour n'avoir pas su anticiper les modifications de la loi fédérale sur l'asile1. Aujourd'hui, c'est le Tribunal administratif fédéral (TAF) qui lui tape sur les doigts. Dans trois arrêts publiés au début du mois, la Haute cour a donné raison à des requérants d'asile se plaignant d'avoir été détenus arbitrairement dans la zone de transit de l'aéroport de Genève durant plusieurs semaines, dans des conditions particulièrement éprouvantes. Dans chacun des trois cas soumis à la justice, celle-ci a mis en évidence une violation de la loi fédérale sur l'asile (LAsi) par l'ODM.
La LAsi – modifiée suite aux votations du 24 septembre 2006 – stipule en effet qu'en cas de refus provisoire de laisser entrer un demandeur d'asile sur territoire helvétique, les autorités disposent de 20 jours pour notifier leur décision à l'intéressé. Passé ce délai, le requérant doit pouvoir sortir de l'aéroport et être attribué à un canton pour la poursuite de la procédure d'asile.


L'ODM reconnaît des «fautes internes»

En l'occurrence, l'ODM peine à tenir ces délais à l'aéroport. Les cas soumis au TAF concernent un Indien, un Nigérien et un Chinois ayant déposé une demande d'asile à leur arrivée en Suisse. C'était au début février. Demandes refusées de fait par l'ODM qui les a assignés à la zone de transit de Cointrin en attendant de pouvoir les renvoyer dans leur pays d'origine. Dans les trois cas, les 20 jours n'ont pas été respectés. A notre connaissance, les requérants attendent toujours une décision formelle, environ deux mois après...
Dans ces conditions, le tribunal ne pouvait que désavouer l'ODM et autoriser les trois requérants à séjourner en Suisse. En outre, il n'aura fallu aux juges que trois petites pages pour motiver leur décision. L'ODM est en outre condamnée à payer une partie des frais de justice des requérants.
A force d'insistance, l'ODM a bien voulu s'expliquer, via son service de la communication, sur les dysfonctionnements constatés par la justice. Jonas Montani nous dit tout d'abord que les trois affaires défendues au tribunal sont des «cas particuliers» qui ne relèvent donc pas d'une pratique généralisée. Il s'agit en outre de problèmes purement techniques.


Un an d'impréparation

L'ODM reconnaît avoir commis des couacs, ou plutôt des «fautes internes» en langage administratif, fautes qui ont occasionné des retards. Mais une fois tombées les décisions de justice, les requérants ont été libérés «dans les deux ou trois jours».
M. Montani plaide le manque d'expérience. Depuis le premier janvier de cette année, l'ODM applique la nouvelle loi sur l'asile qui prévoit que la procédure puisse être effectuée entièrement depuis les aéroports et non plus seulement dans les centres d'enregistrement et de procédure (CEP) de Chiasso, Vallorbe, Bâle et Kreuzlingen. La tâche en est devenue plus lourde, d'autant que les cantons auxquels les requérants sont attribués doivent aussi s'adapter.
Ces explications ne satisfont pas Michel Ottet. «Ils ont eu plus d'une année pour se préparer à la nouvelle législation!», tempête le permanent de l'association Elisa (anagramme de Asile) et auteur des trois recours au TAF. Pour lui, l'ODM souffre de «problèmes d'inorganisation», face à une procédure «horriblement compliquée»: «les auditions sont faites à Genève, qui transmet à Berne, puis cela passe par Zurich avant de revenir à Genève...»
Mais ces questions administratives ne sauraient justifier à ses yeux de maintenir illégalement des personnes en détention. «Ce qui est plus grave, poursuit-il, c'est que même une fois que le TAF ordonne de laisser un demandeur d'asile entrer en Suisse l'ODM confirme qu'elle retarde l'exécution de deux ou trois jours. Pour des questions de paperasse!»
Ce type «d'abus» en matière d'asile, le militant annonce qu'il ne les laissera pas passer, menaçant au besoin d'une plainte contre l'ODM. Ce ne serait pas sa première... I

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