Sœur Marie-Rose, ultime recours des requérants, fait plier le Valais
VALAIS. Floué par l'administration cantonale, un requérant d'asile se
verra rembourser son dû, sanctionne le Tribunal administratif fédéral.
La décision réveille une affaire beaucoup plus ample.
Xavier Filliez
Mercredi 26 mars 2008
L'Ursuline fait plier le ministre. Ainsi pourrait s'intituler la saga
qui oppose le conseiller d'Etat socialiste Thomas Burgener à la
religieuse et porte-voix des migrants opprimés Sœur Marie-Rose Genoud.
Depuis près de dix ans, Sœur Marie-Rose s'applique à dénoncer les «abus»
du canton en matière de gestion financière des requérants d'asile qui
exercent une activité lucrative en Valais.
Le Tribunal administratif fédéral (TAF) lui donne aujourd'hui
partiellement raison, en même temps qu'il admet le recours - contre
l'Office des migrations (ODM) - d'un requérant lésé. «La législation sur
l'asile ne renferme aucune disposition autorisant les cantons à procéder
[...] à des retenues supplémentaires sur ce revenu à titre de
remboursement des frais d'assistance [...]», stipule, en substance,
l'arrêt du 13 mars dernier.
Commentaire sobre de Sœur Marie-Rose, qui voit dans la sanction fédérale
une forme de reconnaissance pour ses nombreuses années de lutte au
chevet des migrants: «A travers cette décision, on reconnaît que le
canton a violé le droit, purement et simplement.»
Le canton avait avoué à demi-mot
Détonateur de l'affaire: des retenues sur salaire abusives, dénoncées
dès 1998 par Sœur Marie-Rose, progressivement escortée dans son combat
par un essaim de personnalités au rang desquelles le conseiller national
Stéphane Rossini (PS/VS) et l'ex-chancelier de la Confédération François
Couchepin. Le canton a longtemps nié toute méprise. Puis, en 2004, après
de longues années de pression médiatique et autres interventions
parlementaires, il a fini par admettre sa faute, concédant une
«interprétation peu judicieuse de la loi fédérale» par ses services.
Le Service de l'action sociale, précisément, a opéré des prélèvements
indus sur le salaire des requérants. Prélèvements effectués
parallèlement à ceux de la Confédération -prévus par la loi sur l'asile-
à titre de remboursement de dette d'assistance (ndlr, comptes de sûreté).
L'affaire ne se limite pas au cas unique traité aujourd'hui devant le
TAF, bien au contraire. Lors de son mea culpa, le canton a reconnu 44
cas litigieux totalisant des prélèvements indus pour un montant de
146000 francs, entre 1992 et 1996. Mais il s'est ensuite heurté à un
imbroglio administratif que le conseiller d'Etat Thomas Burgener
commente ainsi: «En 2005, sur notre demande, le département de Christoph
Blocher avait refusé de rétrocéder la somme sous prétexte que les délais
de recours étaient dépassés. La récente décision du tribunal permettra
le remboursement des requérants qui ont fait recours dans les délais,
mais pas les autres, hélas...»
Pour sortir de cette impasse, et en réponse à une motion parlementaire,
Thomas Burgener propose aujourd'hui de faire appel à un fonds cantonal
(ndlr, «fonds humanitaire») pour rembourser tous les lésés.
Faute avouée à demi pardonnée? Pas vraiment. Les défenseurs des
requérants exigent davantage que ce que ne leur tend le ministre.
Stimulés par la décision du TAF, ils demandent la réouverture de tous
les dossiers de requérants ayant exercé une activité lucrative en Valais
de 1992 à ce jour, convaincus que les cas reconnus «ne constituent que
la pointe de l'iceberg». Véronique Barras, membre du comité, s'indigne
plus que jamais des agissements du canton: «Nous restons persuadés qu'il
y a plus que 44 cas. D'autre part, le canton continue ses pratiques de
ponction illégale...», prétend la députée, faisant allusion à des
prélèvements qui ont cours aujourd'hui sous la forme de dépôts de garantie.
A l'action sociale, le dossier est apparemment trop délicat pour qu'un
chef de service ne se risque au commentaire. On renvoie la patate chaude
à l'étage. Et à l'étage, Thomas Burgener promet qu'«aucun prélèvement
indu n'est plus effectué aujourd'hui par le canton».
Nouvelle expertise demandée
Reste que Sœur Marie-Rose et ses disciples continueront de titiller le
ministre Burgener là où il est le plus chatouilleux. «Une expertise
indépendante doit désormais être menée au sein du service de l'action
sociale» pour déterminer l'ampleur des dégâts et indemniser tous les
lésés, estime la religieuse, déconcertée par «l'inefficacité complice»
des organes de surveillance.
Depuis le début de l'affaire, plusieurs contrôles ont en effet été menés
dans l'administration, mais «avec une légèreté coupable», renchérit
Véronique Barras, qui critique le laxisme de la commission de gestion du
Grand Conseil aussi bien que l'Inspection cantonale des finances. Le
chef de l'inspection des finances, Christian Melly, s'en défend: «Notre
rôle est de contrôler la concordance entre des retenues et des
directives cantonales. Et non pas de déterminer la validité des
directives. Nous ne sommes pas juristes.»
Alors que le dossier lui valu les remontrances de son propre parti, dont
certains membres avaient brandi la menace d'une désolidarisation (LT du
15.11.2007), ce nouvel épisode rend la tâche de Thomas Burgener un peu
plus ardue encore. En plus d'assumer les erreurs de ses prédécesseurs,
il se retrouve aujourd'hui à devoir mettre à nu ses services pour
prouver sa bonne foi à une religieuse des plus opiniâtres. «Si une
demande d'expertise externe nous est adressée, alors nous l'étudierons»,
lâche-t-il comme promesse d'un timide engagement. Sœur Marie-Rose sera à
la tribune pour la leçon: «J'ai toujours gardé une certaine assurance.
Ils ont les beaux discours, mais nous avons les faits.»
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