Lire l'éditorial de Marco Gregori dans le Courrier
Certes, l'issue du scrutin ne faisait guère de doute. Toutes celles et ceux qui ont mené campagne contre les lois sur l'asile et les étrangers –que la majorité populaire ne nous empêchera pas de qualifier de xénophobes– avaient conscience de se battre pour l'honneur. Mais assister hier après-midi à l'impitoyable annonce des résultats canton après canton avait de quoi déprimer le plus optimiste des militants des droits humains.
Même si on savait depuis le 24 novembre 2002 que le dépeçage final du droit d'asile et des étrangers n'était qu'une question de temps. Ce jour-là, les Suisses refusaient à une très faible majorité une initiative populaire de l'UDC durcissant considérablement la loi sur l'asile. Depuis, Christoph Blocher, le fer de lance de la formation d'extrême droite, a accédé au Conseil fédéral et a pu concrétiser ses funestes intentions avec la complicité non seulement de son parti, mais également de la grande majorité des élus bourgeois du parlement.
Ce verdict s'inscrit en outre dans une continuité certaine. Depuis 1987, chaque fois que les autorités fédérales ont présenté des projets de restriction sur l'accueil et les droits des migrants, la population les a acceptés à une confortable majorité. Cela s'est déjà produit sept fois en vingt ans avec toujours des pourcentages favorables d'au moins deux tiers des votants.
Devenue avec le temps une véritable litanie, la traque aux abus dispose d'un nouvel arsenal législatif qui donne froid dans le dos. Tant dans la loi sur l'asile que dans celle sur les étrangers, le migrant est d'abord vu comme une menace, un fauteur de troubles, un profiteur dont il convient de se méfier. Alors on érige des barrières, soit en interdisant toute forme d'immigration qui ne proviendrait pas de l'Union européenne –ce qui exclut près de 95% des habitants de la planète–, soit en faisant de l'accès à l'asile un mirage. Et si malgré tout un étranger, avec quelque statut que cela soit, parvient à passer nos frontières, tout est bon pour lui rendre économiquement et socialement la vie impossible.
Alors, que le Conseil fédéral et le parlement ne viennent pas nous dire que ces deux lois favorisent l'intégration! Presque tout dans les textes témoigne du contraire, à commencer par les obstacles mis au regroupement familial.
Enfin, ce scrutin constitue une gifle pour les dizaines de milliers de personnes vivant en Suisse sans statut légal et contribuant à sa prospérité. Pris d'un élan d'inconscience et d'ingratitude, deux votants sur trois ont signifié à ces migrants de l'ombre une forme de rejet qui laissera des traces.
Retournons le verdict des urnes dans tous les sens: difficile d'y voir une lueur d'espoir. Et pourtant. Là où un vrai débat a pu se dérouler avec la population, là où la propagande officielle a pu être contrebalancée et les mensonges dénoncés, la défaite n'a pas des allures de Berezina. On a ainsi pu voir que de l'autre côté de la Sarine, la campagne précédant la votation n'a de loin pas atteint l'ampleur qu'elle a eue en Suisse romande. Sans doute le sursaut moral de certaines personnalités de droite qui, à Genève, Neuchâtel ou Lausanne, se sont fortement mobilisées contre les lois a-t-il également eu un impact. Insuffisant certes, mais il a permis une timide prise de conscience.
Maigre consolation, convenons-en!
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