samedi 5 août 2006

Le coeur à gauche - la raison à droite ?

Sous le titre "Après les vacances, il est douteux que les têtes se seront refroidies", Denis Barrelet dans 24 Heures nous livre ses réflexions sur l'enjeu des votations du 24 septembre.

Denis Barrelet
Correspondant parlementaire

Si on a le coeur à la bonne place, il y a des choses qu’on ne dit pas. Même si c’est la vérité. On ne dit pas que la plus grande partie des personnes arrivées en Suisse en demandant l’asile cherche en réalité un emploi les tirant de la pauvreté. On ne dit pas qu’elles feront tout pour prolonger leur séjour, et que le meilleur moyen d’y arri­ver pour elles est de se présen­ter en Suisse sans papiers, sans souvenir de leur passé ni de leur origine.
On admet que les dealers et autres vrais criminels doivent vite quitter le pays. Mais pour le reste, il n’y a que des gens persécutés qui appellent la compassion, et une loi inique, votée par un Parlement sans scrupule.
Sous la bannière de l’Orga­nisation suisse d’aide aux ré­fugiés, un comité de droite s’est récemment présenté de­vant le public, cachant préci­sément une bonne partie de la réalité. Quand, parmi les plus audacieux critiques de la loi soumise au peuple le 24 sep­tembre, on trouve l’ex-con­seiller d’Etat Claude Ruey, grand inventeur de l’«excep­tion vaudoise» à l’époque, on s’étonne. Tout ce qui a été pratiqué pour mettre en place cette «exception» - en favori­sant la lenteur des décisions et de leur exécution - est redit d’une autre manière. Selon Claude Ruey, les citoyens con­vaincus par la révision sont les victimes du «plus grand mensonge».
Dès l’instant où on dit la réalité, l’argumentation de­vient différente. On découvre que rapidité ne signifie pas arbitraire et injustice, mais bonne application des princi­pes fixés pour l’asile. La révi­sion écarte ceux qui veulent faire durer leur séjour en Suisse alors qu’ils ne sont pas persécutés. Jusqu’ici ils obte­naient une prime au séjour prolongé s’ils prétendaient ne pas avoir de papiers. Enlever cette prime, favori­ser ceux qui présentent des papiers qu’ils possèdent en réalité, ou qu’ils sont capables de se procurer rapidement, c’est un progrès normal. Eton­nant de voir avec quelle rapi­dité un demandeur d’asile dé­bouté retrouve la mémoire lorsqu’il souhaite épouser une Suissesse ou un Suisse, par exemple.
Remplacer l’assistance so­ciale par l’aide d’urgence est une mesure nécessaire si on veut que le séjour ne se pro­longe pas à l’infini. Dire que l’on jette les gens à la rue et qu’on fabrique des sans-papiers n’est pas vrai. On peut le voir depuis avril 2004, quand la me­sure a été introduite pour les demandeurs déboutés au terme de la procédure ordinaire. Plus de logement choisi, plus d’ar­gent remis, c’est le signal: la Suisse n’a plus d’attrait pour ces personnes. Les départs devien­nent soudain rapides.
La rapidité, c’est le maître mot d’un système correcte­ment appliqué et qui crée la confiance dans le public. Une entrée en matière refusée à ceux qui n’ont pas de papiers serait inadmissible si la règle était absolue. Or elle ne l’est pas. Mais elle vise une part très impor­tante de ceux qui jusqu’ici pouvaient pro­fiter d’une loi lacunaire. Dans leur émoi, les milieux de gauche refusent aussi la loi sur les étrangers. Est-il inadmissible de pousser les ressortissants étrangers à faire venir leurs enfants en Suisse plus jeunes, pour faciliter leur intégration et leur recherche d’emploi, alors qu’on sait leurs difficul­tés lorsqu’ils découvrent la Suisse tard? Est-il inadmissi­ble d’en finir avec les em­ployeurs sans foi ni loi et de les punir sévèrement désormais lorsqu’ils embauchent des sans-papiers? Drôle de gauche. Voilà tout le débat de la reprise, après les vacances. On le souhaite réaliste.

Denis Barrelet

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