Consommateurs de cocaïne et policiers ont trop tendance à prendre Anasthase Lokonon pour un dealer. Ce Lausannois, citoyen suisse, s’insurge.
Grosse fatigue pour Anasthase Lokonon, Lausannois de 33 ans et noir de peau. De plus en plus souvent, il a maille à partir avec des quidams qui le prennent pour un petit vendeur de cocaïne. Le dernier funeste quiproquo a fini devant la justice.
En décembre dernier, le Suisse d’origine togolaise se promène vers 21 h place Saint-François. Ignorant le syllogisme «si tous les dealers étaient Noirs, tous les Noirs ne seraient pas dealers», un inconnu venu de Genève lui demande de la coke.
Le Lausannois lui dit qu’il se trompe. L’homme devient agressif et sort un couteau suisse. Le Lausannois réussit à éviter le coup de couteau dans le ventre, prend la fuite et appelle la police qui arrête l’agresseur. Il sera condamné pour tentative de lésions corporelles, menaces et contraintes. «Cela me révolte, constate la victime de l’agression, mais les gens pensent que la quasi-totalité des Noirs sont des dealers.» Et les méprises ne sont pas rares.
Place Bel-Air, quelques mois auparavant, un homme en trottinette prend Anasthase Lokonon à partie. Même quiproquo, noir de peau, mais pas dealer! Les deux hommes en viennent aux mains. Cette fois-là, après avoir porté plainte, il y a eu arrangement. Le Lausannois obtient en contrepartie des excuses et 100 francs de dédommagement.
Les policiers aussi
Plus récemment, sur la place Chauderon, selon Anasthase Lokonon, ce sont des policiers lausannois en civils qui contrôlent l’homme noir de peau. Contacté, Marc Vuilleumier, municipal de Police, rappelle «que la police lausannoise s’efforce actuellement de diminuer le plus possible les a priori lors des contrôles d’identité». Mais Anasthase Lokonon voit dans cet événement un «délit de faciès». Son agacement est d’autant plus grand que deux contrôles policiers antérieurs lui restent encore en travers de la gorge.
Cour européenne des droits de l’homme
En octobre 2006 dans le train Lausanne-Yverdon, le malchanceux dit avoir été contrôlé au tout petit matin par la police ferroviaire. Cela finit par une fouille intime dans les locaux du poste de la gare de Lausanne. «C’était humiliant. J’étais nu et ils m’ont demandé de m’accroupir», raconte le passager du train du matin. «Quand ils ont fini de contrôler mon identité, les agents m’ont demandé pourquoi je n’avais pas dit que j’étais Suisse.»
Anasthase dépose alors une plainte. La police dira au juge qu’il n’avait jamais été interpellé. Le magistrat insistera sans obtenir d’autres informations et finit par prononcer un non-lieu. Un recours plus tard, le Tribunal d’accusation confirme le non-lieu. Le Lausannois a poussé l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg.
Il y a deux ans, Anasthase Lokonon porte encore plainte pour avoir été molesté par la police ferroviaire alors qu’il refusait de montrer ses papiers d’identité. Cela se passait le 10 juillet 2007. «Ces hommes étaient en civil et ne se sont pas légitimés.»
A l’époque, dans nos colonnes, les CFF avaient expliqué que ce contrôle renforcé était tout à fait légitime. «Cette fois, j’ai été condamné à une semaine de travaux d’intérêts publics», reconnaît le voyageur.
La cause de tous ces soucis? Anasthase n’en doute pas un instant: la couleur de sa peau, évidemment. «Mais que cela soit clair, je ne me blanchirai pas comme Michael Jackson», conclut le trentenaire.
Alain Walther dans 24 Heures
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