vendredi 23 décembre 2005

Sans-papiers à Genève, un an d'enlisement


Antoine Grosjean dans La Tribune de Genève fait le bilan des résultats de la démarche genevoise en faveur des sans-papiers: pas grand chose...
Un pas en avant, deux en arrière. La demande de régularisa­tion des clandestins genevois n'avance pas. Au contraire. Le durcissement de la Loi sur les étrangers, que le parlement vient de boucler, ne laisse que peu de place à l'espoir. A moins que... Maintenant que la loi est sous toit, peut-être le climat sera-t-il plus serein pour aborder enfin le débat politique sur les sans-papiers?



Pour l'instant, le gouvernement genevois est bien seul dans sa démarche. Il y a bientôt une année qu'il demandait au Conseil fédéral de régulariser 5600 étrangers travaillant illégalement comme employés de maison à Genève. Depuis, aucun autre canton ne s'est engouffré dans la brèche. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir multiplié les contacts bilatéraux afin de trouver des alliés. Peine perdue.

A l'instar de Zurich, beaucoup de cantons nient purement et simplement la pro­- blématique des sans-papiers. Le rapport publié en avril par les services mêmes de Christoph Blocher - faisant état de 100 000 clandestins vivant en Suisse - semble avoir été aussitôt oublié. Politiquement, ni la gauche, ni les organisations de solidarité avec les sans-papiers, déjà absorbées par les référendums contre les lois sur l'asile et sur les étrangers, ne sont pressées de tendre une telle perche à une UDC triomphante.

La balle est dans le camp genevois


De son côté, le ministre de Justice et Police a toujours fait savoir qu'il était par principe opposé aux régularisations collectives, leur préférant l'examen des dossiers au cas par cas, comme le prévoit la législation. Christoph Blocher craint qu'une régularisation collective ne fasse appel d'air. La ligne dure choisie par le parlement ne fait que renforcer le conseiller fédéral dans sa position. Les cartes sont actuellement entre les mains des autorités genevoises.

Après plusieurs rencontres avec le conseiller fédéral ou ses services - la dernière ayant eu lieu en octobre - le Conseil d'Etat, qui a entre-temps changé de composition, doit revenir à Berne début 2006 avec de nouvelles propositions. Mais lesquelles? L'essence de la demande genevoise tient dans sa dimension collective, justement au cœur du désaccord avec le Conseil fédéral.

Laurent Moutinot, depuis peu chef du Département genevois des institutions, dont dépend le domaine de l'immigration, semble reposer tous ses espoirs sur une prise de conscience au niveau national: «Les faits sont têtus, mais les choses peuvent évoluer rapidement dans ce domaine. Si la question des clandestins devenait un vrai problème pour Zurich, alors on s'en préoccu­perait sans doute à l'échelon national. Toutefois, nous n'arriverons pas à débloquer la situation du premier coup.»

Pour le conseiller d'Etat, cette illégalité semble arranger beaucoup de monde. «Il est tellement plus pratique de fermer les yeux. Personnellement, je trouve inadmissible de tolérer cette situation avec son cortège d'exploitation et d'indignité. La réalité est là: le travail domestique est en partie effectué par des clandestins. Maintenir ces gens dans un statut illégal est indigne.»

La demande genevoise n'est cependant pas encore enterrée. «Elle ne peut pas l'être tant que le débat politique n'a pas eu lieu», souligne la conseillère nationale libérale Martine Brunschwig Graf. L'ex-conseillère d'Etat genevoise, qui à ce titre a mené les négociations avec Berne, ne voit pour l'instant pas de grandes possibilités dans l'action parlementaire. «Les cantons et l'Administration fédérale ne veulent pas voir le problème, malgré le rapport de l'Office fédéral des migrations. Ce déni de réalité, qui en arrange plus d'un, est désolant.»

Pendant ce temps, à Genève, 5600 clandestins continuent à faire des ménages en toute illégalité...

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