La loi Besson sur l’immigration, actuellement en cours d’adoption, a pour ambition de faire école en Europe.
L’arrivée soudaine de francophones de Tunisie en Europe ne peut laisser Paris indifférent. La proximité de la langue, l’abondance de Français d’origine maghrébine, les liens historiques font à l’évidence de l’Hexagone une destination privilégiée. En réaction, Michèle Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères, s’est exprimée lundi 14 février en faveur d’un « rôle accru pour l’agence Frontex ou de la création d’un système européen de gardes-frontières ». Éric Besson, ancien ministre de l’immigration, aujourd’hui chargé de l’industrie, a quant à lui préféré faire une adresse directe aux Tunisiens qui souhaitent tenter leur chance en Europe. « Ne faites pas cela, parce que vous mettez votre vie en danger, et parce que l’entrée en Europe, contrairement à ce que vous pensez, n’est pas automatique », a-t-il rappelé.
Étendre le dispositif en dehors des points de contrôle frontaliers
Elle le sera encore moins si, comme le défend Éric Besson, la politique de « zone d’attente », sur le point d’être élargie en France, sert de modèle pour le reste de l’Union européenne. Dans sa présentation du projet de loi relatif à l’immigration, qui sera examiné en seconde lecture à l’Assemblée nationale à partir du 8 mars, l’actuel ministre de l’industrie avait en effet assigné à son texte l’ambition de « poser les premières pierres d’une politique européenne de l’immigration ». Les zones d’attente existent depuis 1992 en France. Elles ont été créées dans les gares, les ports et les aéroports pour donner un statut juridique aux étrangers dont l’entrée sur le territoire français a été refusée. La loi Besson propose d’étendre ce dispositif en dehors de ces points de contrôle frontaliers, lorsqu’un groupe d’au moins 10 étrangers vient d’arriver en France. Les migrants pourront y être retenus pour une durée maximale de vingt-six jours, pendant laquelle les autorités étudieront leur demande d’admission.
Décalage avec la réalité
Selon l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), le droit d’asile dans ces zones serait quasiment inopérant. « La procédure y est très rapide », explique Brigitte Espuche, secrétaire générale de l’organisation, qui considère effectivement cette disposition comme un laboratoire au profit de l’ensemble de l’Union : « Un étranger peut très bien être refoulé dans l’heure sans même avoir eu le temps d’enregistrer sa demande d’asile. Alors qu’un étranger sur le territoire français dispose de beaucoup plus de temps pour formuler sa requête de protection et étayer son dossier. » Pour l’heure, l’extension des zones d’attente reste en décalage avec la réalité : en dix ans, la France n’a vécu que deux afflux marquants de migrants. L’un en janvier 2010, alors que 123 Kurdes débarquaient sur la plage corse de Paragano, au sud de l’île. L’autre en février 2001, où 910 réfugiés kurdes également, à bord d’un navire marchand, se sont échoués près de Saint-Raphaël dans le Var.
Juridiquement hors territoire français et donc de l’UE
Mais en défendant la mise en place de ce dispositif, Éric Besson marque sa différence avec d’anciennes propositions que la France n’avait pas soutenues. En 2003, lors du sommet européen de Thessalonique, Tony Blair, alors premier ministre britannique, avait appelé à créer des centres de transit dans les pays d’origine des migrants pour traiter leur demande d’asile. En 2004, l’Allemagne avait aussi réclamé l’installation de zones en Afrique du Nord, où seraient examinées les demandes d’entrées sur le territoire. Un tel centre a été expérimenté au Mali. La France, elle, propose que ces centres soient sur sol européen, mais en étant juridiquement hors de son territoire et donc de l’UE.
Jean-Baptiste François dans La Croix
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