Benghazi est la deuxième ville du pays, après Tripoli. Avant la révolte actuelle, des milliers de travailleurs venus des pays de l’Afrique sahélienne sont venus s’y installer. Les évènements de ces derniers jours ont libéré Benghazi du joug de Kadhafi, mais ont fait de la ville un véritable enfer pour ces hommes.
Des Africains soupçonnés d'être des mercenaires à la solde de Kadhafi, détenus dans une salle du tribunal de Benghazi ©REUTERS/Suhaib Salem
Ils sont une vingtaine à vivre dans une maison en construction de 3 étages. Le bâtiment n’est pas terminé, les murs sont encore en béton brut. Les chambres ressemblent à des cellules, il n’y a même pas de fenêtre. Ils viennent du Mali, du Niger ou encore du Tchad et ils sont terrorisés. Omar est l’un d’entre eux. Il travaillait comme maçon avant la révolution. Maintenant, il n’ose plus sortir de cet endroit pourtant peu accueillant.
Des rumeurs de meurtres racistes courent dans Benghazi. Il faut dire que depuis le début de cette révolution, Muammar Kadhafi a fait appel à des mercenaires africains pour le défendre. Des hommes coiffés de casques jaunes en plastique que l’on a vus lors des affrontements un peu partout dans le pays. Que l’on voit encore dans Tripoli actuellement. Et la population de Benghazi a du combattre ces hommes, lourdement armés par le régime. La rébellion s’est emparée de la ville la semaine dernière. Et maintenant, tous les Noirs qui se trouvent ici sont suspectés d’être des mercenaires. Des gens qui ont tué des révolutionnaires, des frères, des parents, des proches, des amis des habitants de Benghazi.
Ces travailleurs africains rencontrés à Benghazi sont terrés dans cette maison insalubre. Lorsqu’ils sortent, c’est pour parcourir les quelques mètres qui les séparent de l’épicerie, juste en face. Dès qu’ils tentent d’aller plus loin, ils sont insultés, menacés. Certains disent avoir été frappés. C’est le cas de Driss. Il était soudeur dans une entreprise pétrolière. Et hier lorsqu’il est sorti dans la rue, il dit que 2 jeunes Libyens l’ont poursuivi et l’ont battu.
Le racisme est très présent à Benghazi. La population est franchement hostile aux noirs. Avec cette révolution et ces mercenaires embauchés par Kadhafi, le racisme s’est développé ici. Et même des gens plutôt cultivés sont capables de tenir des propos xénophobes particulièrement violents. Et vous trouverez difficilement des Libyens pour prendre la défense de ces immigrés, totalement isolés. On leur reprochait déjà auparavant de venir piquer des emplois. Désormais les griefs sont bien plus graves... Ces derniers jours, les pays européens, la Chine, l’Inde… ont affrété des avions, des bateaux, des bus pour évacuer leurs ressortissants. Mais rien pour les Africains : ils viennent de pays pauvres. Qui n’ont rien prévu pour leur permettre de revenir au pays en sécurité. Ils regardent à la télévision les évacuations d’autres étrangers vivant en Libye. Mais ce n’est jamais leur tour. Ils se sentent complètement oubliés. Ils ont aussi vu à la télévision des prisonniers que l’on présente comme des mercenaires alors qu’ils ont reconnu des amis ou des collègues de travail, des Africains installés ici depuis plusieurs mois.
Ils ne travaillent plus, ils n’ont donc plus beaucoup d’argent. Ils se contentent de manger du pain dans leurs chambres minuscules. Ils sont littéralement emprisonnés car dehors c’est dangereux. Ils aimeraient rejoindre l’Egypte par la route, à 7 heures d’ici à peu près. Mais impossible de trouver un chauffeur qui veuille bien les emmener et puis de toutes façons, ils n’ont pas les moyens de payer le trajet. Kadhafi ou pas, ils s’en moquent complètement. Tout ce qu’ils constatent, c’est que leur vie est en danger. Ils veulent partir. Par n’importe quel moyen. Grâce à leur pays d’origine, une nation étrangère ou une organisation humanitaire, peu importe. C’est une question de vie ou de mort.
Richard Place, envoyé spécial en Libye, pour France Info
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