Albanais et Bosniens sont dispensés du sésame, mais il pourra être rétabli dans tous les Balkans.
L'Europe ouvre plus grand ses portes aux Balkans, mais le privilège est désormais réversible. Les vingt-huit pays de l'espace Schengen ont décidé de supprimer d'ici à Noël l'obligation du visa d'entrée pour les citoyens de Bosnie et d'Albanie, en ajoutant une restriction inédite: l'exemption pourra être suspendue à tout moment dans une «situation d'urgence caractérisée», comme le déferlement de voyageurs indésirables.
La décision européenne, prise lundi à l'unanimité, fait la part du feu entre les avocats de l'intégration promise à la totalité des Balkans et ceux qui, en pleine crise économique, s'inquiètent d'abord d'un afflux incontrôlé de migrants. La France, tout juste sortie d'un épisode difficile avec les Roms de Roumanie et de Bulgarie, n'a donné son feu vert qu'à la condition que les visas puissent être rétablis sans préavis. Éric Besson a trouvé des alliés résolus en ses collègues allemand et néerlandais. «Nous continuons de croire à la libéralisation, assurait lundi le ministre français de l'Immigration. Mais nous avons connu des expériences intenables avec les Balkans. Les principes ne doivent plus être détournés. Cela impose un suivi rigoureux et la possibilité d'un retour temporaire» au régime précédent.
Lorsque l'UE a levé l'obligation du visa pour la Serbie et la Macédoine l'an dernier, l'Allemagne et d'autres pays de l'UE ont eu la mauvaise surprise d'un déferlement de ressortissants des deux ex-républiques yougoslaves réclamant l'asile politique. Il s'agissait pour l'essentiel de Roms et de représentants des minorités albanophones. Pour y remédier, le dispositif adopté lundi autorise Bruxelles à proposer «des mesures provisoires», y compris «la suspension rapide de la libéralisation» des visas.
Des restrictions
La faveur consentie lundi à Sarajevo et à Tirana ne s'applique qu'aux titulaires de passeports biométriques. La menace du retour au visa, elle, vise tous les pays qui aspirent à l'UE. La Bosnie et l'Albanie, bien sûr, mais aussi ceux qui jouissent déjà de l'exemption tels la Serbie, la Macédoine et le Monténégro. Ou encore ceux qui pourraient en bénéficier un jour, comme l'Ukraine ou la Moldavie. Avec l'assouplissement décidé lundi pour la Bosnie, c'est toute l'ex-Yougoslavie qui sera bientôt dans la zone sans visa. Une notable exception: le Kosovo. L'ancienne dépendance de la Serbie reste un cas à part, puisque cinq pays de l'UE n'ont pas reconnu son indépendance (Chypre, Espagne, Grèce, Roumanie et Slovaquie). De son côté, le premier ministre albanais, Sali Berisha, a salué une «avancée historique».
Tout retour en arrière serait provisoire et ne serait décidé qu'«en dernier ressort», assurait-on lundi à la Commission européenne, chargée de faire fonctionner le nouveau régime. La décision prise à Bruxelles marque néanmoins un clair raidissement. Le prochain test sera la décision d'élargir ou non l'espace sans frontière de Schengen à la Roumanie et à la Bulgarie. «On verra le moment venu», avance prudemment Éric Besson.
Jean-Jacques Mevel dans le Figaro
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