Lequel des deux textes contribuera à augmenter le nombre d'expulsions? Celles-ci seront-elles doublées ou triplées? L'inévitable s'est produit durant la campagne sur l'initiative et le contre-projet pour le renvoi des criminels étrangers: le débat se résume à une bataille des chiffres[1], où chacun présente sa solution comme la plus efficace.
Les réticences de l'aile droite du Parti socialiste – sa conseillère fédérale Simonetta Sommaruga en tête – à s'engager pour le double non ne sont que le reflet d'une inquiétante réalité. Sur le fond, l'amalgame entre criminalité et étrangers fait hélas consensus. A un an des élections, l'UDC peut profiter pleinement de cette nouvelle victoire. Les deux projets en concurrence ne se distinguent en réalité que sur leur forme. L'initiative joue grossièrement sur les émotions et la simplicité, au risque de rater sa cible; le contre-projet se veut sérieux et vante sa prétendue conformité avec le droit supérieur. Mais la question se pose en des termes différents. D'abord, l'argumentaire des partisans de la double peine est bâti sur plusieurs gros mensonges. Les statistiques nationales montrent en effet que des centaines d'immigrés sont déjà frappés d'expulsion chaque année. Le système tourne à plein régime. Et son durcissement n'aura aucune conséquence notoire sur la criminalité générale, ni sur le sentiment d'insécurité, ont averti des spécialistes du sujet. Dans les deux cas, les objets soumis en votation le 28 novembre constituent un pas de plus vers un ordre juridique d'exception qui discrimine systématiquement l'immigré. Généraliser la double peine et l'inscrire dans la Constitution du pays? Le principe est inacceptable. Il dit que selon son passeport, l'infraction pénale se paie à un prix plus ou moins fort. Les effets sont inhumains. A la sortie de prison, le bannissement s'étend dans certains cas à la famille proche du condamné. L'exil forcé peut prendre un tour cauchemardesque pour les étrangers sans attaches dans leur pays d'origine, voire en délicatesse avec leur langue maternelle. Rien d'angélique à s'en indigner. Et quid du droit national et international? Proportionnalité, protection de la vie privée et familiale, individualisation de la peine: quand on commence à transiger avec ce genre de valeurs, c'est que la limite est déjà franchie. Dans ce contexte, les partis du centre droit se placent sur le terrain réactionnaire de l'UDC et légitiment ses outrances. Ils sont en ce sens directement responsables de l'affaiblissement progressif de la démocratie. Dans ce domaine, le «pragmatisme» se paiera au prix fort.
Editorial d'Olivier Chavaz dans le Courrier
Note : [1]Le Courrier du 17 mai 2010.
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