L’interdiction de construire de nouveaux minarets en Suisse est un désaveu de la conception pluraliste et multiculturelle de la liberté religieuse, affirme l’European Center for Justice and Law dans un document qu’il a remis à la Cour européenne des droits de l’homme.
Tout comme l’interdiction du voile islamique en France, l’interdiction de construire de nouveaux minarets en Suisse, approuvée en votation populaire le 29 novembre 2009, constitue un désaveu de la conception pluraliste, tolérante et multiculturelle de la liberté religieuse qui a prévalu en Europe occidentale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Tel est le constat communiqué par le European Centre for Law and Justice (ECJL) à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) concernant «l’affaire des minarets contre la Suisse».
Ce centre de juristes chrétiens, spécialisé dans la défense de la liberté religieuse, est basé à Strasbourg. Le 17 septembre 2010, la Cour l’a autorisé à intervenir comme tierce partie dans l’affaire des minarets, issue de deux requêtes soumises par la Ligue des musulmans de Suisse et Hafid Ouardiri, ancien porte-parole de la mosquée de Genève. Invoquant les articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, les deux parties soutiennent que l’interdiction de la construction de nouveaux minarets constitue une violation de la liberté religieuse.
L’ECLJ ne se prononce pas sur la recevabilité des requêtes, mais propose une réflexion sur le concept de liberté religieuse tel qu’il figure dans l’article 9 de la Convention et tel qu’il s’incarne dans les principes de la neutralité confessionnelle et de la laïcité. Selon Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ, ce concept ne permet plus d’appréhender le phénomène religieux de manière constructive. D’après lui, une évolution de ce concept devrait aller dans le sens d’une meilleure prise en compte par le droit de l’importance sociale et culturelle de la religion dans les pays européens.
Selon l’ECJL, il convient de prendre au sérieux le désaveu exprimé par la population suisse si l’on veut gérer efficacement les conflits qui surgissent entre certaines minorités religieuses et les pays d’accueil européens. Une reconstruction du concept moderne de la liberté religieuse, qui tienne compte de la nécessité de préserver le patrimoine culturel et spirituel de l’Europe, paraît légitime.
Pour une approche réaliste
Pour Grégor Puppinck, tant la neutralité confessionnelle que la laïcité aboutissent à supprimer la dimension sociale de la religion. Or «l’identité socioreligieuse d’une société ne peut pas être neutralisée», explique le directeur de l’ECLJ, qui appelle à «trouver une approche réaliste de la liberté religieuse, qui soit ré-enracinée dans la réalité culturelle». Et qui permettrait de «renoncer à la fiction selon laquelle l’espace public serait un espace neutre ou vide religieusement».
Un article de Patricia Briel dans le Temps
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